ROME, Mardi 14 décembre 2010 (ZENIT.org) – La médaille de « Juste parmi les Nations » a été remise ce matin à Rome par M. Mordechay Lewy, ambassadeur d’Israël près le Saint-Siège à titre posthume au père jésuite italien Raffaele de Ghantuz Cubbe : c’est son petit neveu, M. Francesco de Ghantuz Cubbe, qui a reçu la médaille. Le président de la Communauté juive de Rome a souhaité à cette occasion la création d’une « Association des Enfants des Justes ».
La cérémonie a eu lieu, en présence de survivants de la Shoah et de leurs familles, dans un salon de la librairie de « L’Apostolat de la prière », derrière l’église du « Gesù », au centre de Rome, en dépit des manifestations qui ont paralysé une bonne partie de la ville.
Pendant l’occupation nazie de Rome, le P . Cubbe a pu, avec l’aide de ses confrères, et en mettant sa vie en danger, cacher trois enfants juifs au milieu des élèves de Mondragone, un collège huppé de Frascati : Marco Pavoncello, et deux frères, ses cousins, Mario et Graziano Sonnino. Il ne tenta jamais de leur faire embrasser le catholicisme. Mais la guerre finie, ils restèrent au collège pour achever leurs études.
Marco Pavoncello et Graziano Sonnino ont participé à la cérémonie de ce mardi matin, alors que Mario Sonnino s’est éteint en juillet dernier, ainsi que sa sœur, Virginia, à un mois de distance. Leurs enfants et petits enfants étaient présents, ainsi que leurs neveux et nièces.
La famille Sonnino comptait deux filles et trois garçons : Virginia, Mario, Graziano, Rosalba et Sergio. Ils ont été aidés pendant l’Occupation par des familles et des religieuses.
L’atmosphère s’est chargée d’émotion, spécialement lors de la projection de la vidéo réalisée par ses enfants Livia et Nello, présentant le témoignage de Mario Sonnino.
Le dossier de demande de reconnaissance a été promu, à partir de 2004, par Mme Celeste Pavoncello, qui a réalisé un livret historique pour l’occasion. C’est à une exposition au monument Victor Emmanuel de Rome, sur les lois anti-juives et la Shoah, qu’elle découvrit une photo de son père, Marco Pavoncello, sur un document d’archives privées de Berlin !
Lorsqu’en 2010, Mme Pavoncello annonça à Mme Giovanna de Ghantuz Cubbe que son oncle allait recevoir la médaille des Justes de l’Institut Yad VaShem de Jérusalem, celle-ci découvrit une histoire jusqu’ici ignorée, comme c’est souvent le cas. Les « sauveteurs » pensaient n’avoir fait que leur devoir, ou ils estimaient que leur main droite ne devait pas savoir ce que faisait la gauche, comme le dit Mme de Ghantuz Cubbe en citant l’Evangile, et les temps de persécution sont des temps de clandestinité, où il ne fait pas bon accumuler la documentation.
De fait, deux ou trois personnes seulement savaient la vraie identité des trois étudiants, qui ne l’annoncèrent à leur camarades qu’après la libération.
Ils durent en effet changer de nom, et reçurent celui de Sbardella, un nom du Sud, de la région de Cassino, alors bombardée par les alliés : on n’aurait pas pu vérifier leur identité. Ils eurent en quelque sorte une vie « normale » d’étudiants, à une époque de terreur. Leurs parents, et leurs autres frères et sœurs, cachés dans des familles et chez des religieuses, venaient parfois leur rendre visite.
La récompense a été remise par M. Lewy, en présence notamment de Mme Livia Link, conseiller pour les Affaires publiques et politiques de l’ambassade d’Israël en Italie, et du président de la Communauté juive de Rome, M. Riccardo Pacifici, qui a rappelé que son père et son oncle ont aussi été sauvés grâce à des prêtres catholiques. Mais d’autres membres de sa famille ont péri à Auschwitz, comme un tiers de la communauté juive d’Italie, soit 8000 personnes.
Il a rappelé que le Mémorial de Yad VaShem a reconnu quelque 28.000 « Justes », dont 487 en Italie. Il a même évoqué une vraie « chasse aux Justes » pour retrouver les traces des ces « héros » et honorer leur mémoire: une volonté qui est, dit-il, dans l’ADN d’Israël. Il a suggéré la création d’une association des « Enfants des Justes ».
Le P. Raffaele de Ghantuz Cubbe, « Padre Cubbe » est né en Italie, à Orciano Pisano en 1904 et il est mort à Rome en 1983.
C’était le quatrième enfant d’une famille profondément chrétienne. Son père, le marquis Riccardo fut chambellan secret du pape de Benoît XV à Pie XII. La famille était liée d’amitié avec le salésien don Michele Rua (aujourd’hui bienheureux), qui eut la prémonition de la vocation religieuse de Raffaele qui entra très jeune dans la Compagnie de Jésus.
Il devint recteur (1942-1947) du prestigieux Collège de Mondragone, près de Frascati, au Sud de Rome, et vice-président de l’Œuvre d’Assistance pontificale (POA) voulue par Pie XII pour soutenir les victimes de la seconde guerre mondiale. Il a laissé avant tout le souvenir de son courage et de sa bonté, comme l’ont rappelé Graziano Sonnino et Marco Pavoncello.
Anita S. Bourdin