ROME, Vendredi 15 octobre 2010 (ZENIT.org) – La création du dicastère pour la promotion de la nouvelle évangélisation est prophétique. Le pape donne aux fidèles les moyens de vivre ce à quoi ils sont appelés : à l’évangélisation. Mais il faut apprendre à évangéliser, en sachant que « l’évangélisation n’est pas notre oeuvre mais celle de Dieu, à laquelle il veut nous associer ».
C’est en substance ce qu’affirme dans cet entretien le P. Pierre Le Bourgeois, prêtre du diocèse de Belley-Ars depuis 1994 et curé d’un groupement de paroisses. Il vient de publier « Pour annoncer l’Evangile aujourd’hui » (1) un livre pour approfondir la mise en œuvre pastorale de la nouvelle évangélisation.
Q – Vous publiez ce mois ci un livre sur l’évangélisation : pourquoi ?
P. Pierre Le Bourgeois – Il me semble qu’au début de ce nouveau millénaire l’évangélisation est un défi majeur pour l’Église et donc pour tous les baptisés. Or, évangéliser s’apprend : l’évangélisation n’est pas notre œuvre mais celle de Dieu, à laquelle il veut nous associer. Même avec une profonde générosité, un immense désir d’aller partager la joie de sa foi au Christ Rédempteur, quelques intuitions pour entrer dans une démarche missionnaire, il est important de connaître quelques principes de bases qui s’enracinent dans une juste conception de l’ecclésiologie et de l’anthropologie.
C’est pourquoi, après quelques années d’expérience pastorale et une session de formation à l’institut missionnaire de Toulon, poussé par des amis avec qui j’en avais parlé et encouragé par un évêque – Mgr Dominique Rey -, je me suis attelé à la rédaction de cet ouvrage : Pour annoncer l’Évangile aujourd’hui. Ajoutons que pour apprendre, l’expérience sur le terrain est aussi nécessaire ! Il faut oser !
Q – Comment avez-vous reçu la création par Benoît XVI du nouveau Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation ?
Avec beaucoup de joie et de gratitude. Je crois que la création de ce dicastère est tout à fait prophétique. Le pape donne vraiment à l’Église les moyens de vivre ce à quoi elle est appelée et ce pour quoi elle est l’Église du Christ, « sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain », pour reprendre les mots du Concile Vatican II dans le grand décret sur l’Église, Lumen Gentium.
Q – Etiez-vous déjà en train d’écrire votre livre quand cela a été annoncé ?
Oui, j’en avais déjà relu les épreuves. L’Esprit Saint est vraiment à l’œuvre aujourd’hui…
Q – Qu’est-ce que la lecture du motu proprio « partout et toujours » vous inspire ?
Le pape a une conscience pointue du défit pastoral dans lequel l’Église se trouve de nos jours et tout particulièrement dans les pays de vieille chrétienté. Il désire y répondre et ouvre des pistes théologiques, spirituelles et pastorales.
Q – Que relevez-vous, en particulier ?
Comme le rapporte très bien Anita S. Bourdin sur Zenit, suite à la conférence de presse du nouveau président du dicastère, « la nouvelle évangélisation, ce n’est pas une « formule passe-partout » ou « magique » ; elle suppose un travail de réflexion pour « élaborer une pensée forte, capable de soutenir une action pastorale élevée, capable de vérifier précisément les différentes traditions et objectifs que ces Eglises possèdent du fait de leur histoire » ; ce n’est pas non plus une « formule abstraite », car ses « contenus théologiques et pastoraux » ont été consolidés par le magistère récent ; en outre, elle a pris forme dans de nombreuses initiatives des évêques, des conférences épiscopales et des associations de fidèles laïcs. »
Q – Pourquoi parle-t-on de « nouvelle » évangélisation ?
Pour répondre à la question, il est bon de reprendre une expression de Jean-Paul II qui disait qu’on devait pouvoir dire la foi en « des termes audibles et crédibles » pour notre temps. Les temps sont nouveaux, il nous faut donc avoir une manière nouvelle d’annoncer le Christ qui lui est le même hier, aujourd’hui et demain (cf. He 13,8).
Q – Pourquoi la paroisse est-elle au cœur du processus de nouvelle évangélisation ?
Appuyons-nous sur une expression magnifique de Jean XXIII : « La paroisse est la fontaine du village ». En fait une paroisse est un lieu de vie où chacun doit pouvoir venir puiser à cette source qu’est le Cœur du Christ. De plus, la paroisse est le signe de l’incarnation de Jésus et donc de sa présence dans l’histoire des hommes en un lieu et un temps donné. L’expression « nouvelle évangélisation » a d’ailleurs été prononcée la première fois par Jean-Paul II à Nowa Huta, une ville de Pologne qui devait être construite sans église…
Q – Quelles sont les bases bibliques de la mission ?
Toute l’Écriture Sainte est une base essentielle pour la mission. En effet, la Bible est la Parole de Dieu qui vient jusqu’à nous pour nous annoncer l’Amour miséricordieux du Père et qui nous appelle à marcher à sa suite en en vivant toujours plus en profondeur. Mais nous pouvons nous arrêter d’une manière particulière aux livres de la nouvelle alliance et en priorité à l’Évangile afin de voir comment Jésus lui-même a préparé la mission et l’a vécue. Ensuite, il est bon de pouvoir considérer la figure de l’Apôtre Paul qui est vraiment l’archétype du missionnaire : il cherche et persécute croyant être dans la vérité, il fait une rencontre personnelle avec Jésus sur le chemin de Damas et reçoit le baptême au cœur de la communauté, il part en mission.
Q – Quels textes du Magistère faut-il relire ?
Il me semble que trois textes sont essentiels. Ce choix ne supprime évidemment pas tous les autres documents qui chacun apporte un élément de réflexion dans la réflexion théologique, spirituelle et pastorale dans le domaine de la nouvelle évangélisation.
Tout d’abord, il y a le décret Ad Gentes du Concile Vatican II qui est une merveilleuse synthèse de la réflexion des Pères conciliaires dans le domaine de l’évangélisation.
Ensuite, datant de 1975, il y a l’exhortation apostolique de Paul VI, Evangelii Nuntiandi, qui fait suite au synode de 1974 sur l’évangélisation. Elle est une véritable charte de la nouvelle évangélisation. Enfin, il me semble important de noter l’encyclique de Jean-Paul II, Redemptoris Missio, qui est comme une clé de voute de la théologie missionnaire.
Q – Quel est l’acteur principal de toute évangélisation ?
Le grand acteur de toute évangélisation, c’est l’Esprit Saint. C’est lui qui donne de pouvoir proclamer en pleine vérité que Jésus-Christ est Seigneur. C’est lui qui transforme les cœurs et donne de pouvoir aimer comme Jésus nous aime. C’est pourquoi, il est fondamental de se mettre à l’écoute de ce que l’Esprit dit aux Églises et donc à l’Église vers laquelle on est envoyé (cf Apocalypse 2, 7.11.17.29 ; 3, 6.13.22.).
Q – Quelle est l’âme de la nouvelle évangélisation ?
Tout évangélisateur est appelé à annoncer la miséricorde divine. Pour le faire, il doit lui-même en faire l’expérience qui découle d’une rencontre personnelle et toujours plus profonde de Jésus-Christ. Aussi, c’est la miséricorde qui sera l’âme de la nouvelle évangélisation.
Citons ici les mots de Jean-Paul II lors de son dernier voyage en Pologne. Lors de la messe de consécration de la basilique de Lagiewniki, sanctuaire de la miséricorde, le Saint Père nous envoie en mission en faisant œuvre de charité en annonçant la miséricorde : « Que le message qui émane de ce lieu, se répande partout dans tout notre pays natal et dans le mo
nde entier. Puisse s’accomplir cette promesse de notre Seigneur Jésus Christ : « D’ici jaillira une étincelle qui préparera le monde pour mon retour à la fin des temps. » Il nous incombe de raviver sans cesse cette étincelle de la grâce de Dieu et de transmettre au monde ce feu de la miséricorde. C’est dans la miséricorde de Dieu que le monde obtiendra la paix, et l’homme la béatitude ! À vous chers frères et sœurs, je confie cette tâche : soyez des témoins de la miséricorde ! »
Q – Comment décrivez-vous, en quelques mots, le processus de toute évangélisation ?
Il est difficile de faire cela en quelques mots car il y a plusieurs éléments qui s’appellent mutuellement. De fait, l’évangélisation est un acte intégral qui transforme l’homme dans toutes ses dimensions, ce qui conduit au renouveau de l’humanité entière. Pour cela l’acte de l’évangélisation est un témoignage de vie qui prend sa source dans la conversion due à une rencontre personnelle avec le Christ. Or, cette rencontre, qui est un véritable changement de vie, est une Bonne Nouvelle qu’on ne peut garder pour soi mais qui se donne dans une annonce explicite de la personne de Jésus invitant à une adhésion du cœur toujours plus profonde non seulement de celui qui entendant la Parole mais également de celui qui la proclame.
Un dernier élément englobe l’ensemble de ce processus, c’est l’importance de la communauté de l’Église. On ne peut être missionnaire qu’en étant envoyé, mandaté par l’Église.
Dans ce processus missionnaire, Dieu est véritablement à l’œuvre, c’est pourquoi il est essentiel d’être à l’écoute de ce qu’il veut nous dire au travers des signes qu’Il nous donne, nous ouvrant ainsi à des initiatives d’apostolat.
Q – Quels critères de discernement et quelles étapes pour la mise en œuvre d’un projet pastoral d’évangélisation ?
La première chose est de savoir où l’on va, d’avoir une vision missionnaire sinon on risque de tourner en rond et de se décourager. Deuxièmement, la disponibilité du cœur et le désir de conversion doivent permettre au missionnaire de réajuster son projet tout en restant fidèle à la ligne directrice fondatrice du projet. A ces deux éléments on peut rajouter l’importance d’avoir une connaissance sociologique du terrain missionnaire afin de savoir comment agir pour que l’annonce de l’Évangile puisse s’accomplir avec efficacité suivant le dessein de Dieu.
Ceci étant posé, le pasteur peut mettre en œuvre un projet missionnaire en sachant déléguer et choisir des collaborateurs dont on respectera les charismes et qu’on encouragera à la mission par une authentique charité fraternelle. Puis une réflexion doit se faire sur les structures à mettre en place afin qu’elles soient véritablement au service de la mission, tout en sachant les faire évoluer si besoin est pour avoir une évangélisation qui soit adaptée au terrain.
Le lieu principal du renouvellement et de l’enracinement de la vie chrétienne est la liturgie et tout particulièrement l’Eucharistie. En étant fervente et fidèle à l’Église, elle aura une portée profondément missionnaire. Pour conduire vers cette communauté liturgique celui que l’on évangélise, il peut être nécessaire de devoir passer par différentes étapes. C’est pourquoi il est important d’avoir des lieux relais, où chacun pourra mettre ses charismes au service des autres.
Q – En conclusion, vous citez mon livre « Dieu est de retour » : qu’y avez-vous trouvé ?
On peut dire en un seul mot que j’y ai trouvé de l’Espérance. En effet, bien souvent lorsqu’on parle de la mission, de l’évangélisation, on ne sait pas trop quoi faire ni comment faire, ou on a envie de baisser les bras du fait de l’immensité de la tâche à remplir. Vous y montrer qu’avec audace, dans la fidélité à l’Église, on peut aller annoncer Jésus-Christ dans tous les milieux et avec des moyens auxquels on n’aurait jamais pensé. C’est toutes les dimensions de la vie du baptisé qui sont appelées à être missionnaire.
(1) Pour annoncer l’Evangile aujourd’hui, Pierre Le Bourgeois, Editions Salvator, septembre 2010
(2) Dieu est de retour, la nouvelle évangélisation de la France, Jean-Baptiste Maillard, Editions de L’œuvre, juin 2009
Propos recueillis par Jean-Baptiste Maillard