La retraite de « Cor Unum » se déplace en Europe

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Interview du cardinal Cordes

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ROME, Vendredi 8 octobre 2010 (ZENIT.org) – Le Conseil pontifical « Cor Unum », dicastère du Vatican chargé de coordonner l’activité caritative des agences d’aide catholiques dans le monde, propose une troisième série d’exercices spirituels pour les responsables et les directeurs des Caritas diocésaines et nationales, également ouverts à d’autres organismes caritatifs catholiques présents en Europe.

La retraite se déroulera du 28 novembre au 3 décembre au Sanctuaire marial polonais de Notre Dame de Czestochowa. Le thème des exercices de cette année est: « Me voici, Seigneur ! » (Isaïe, 6, 8). 

Dans cette interview, le cardinal Paul Cordes, président de Cor Unum (remplacé depuis le 7 octobre par Mgr Robert Sarah, archevêque émérite de Conakry et jusqu’ici secrétaire de la Congrégation romaine pour l’évangélisation des peuples qui a été nommé à cette charge par le pape Benoît XVI), parle du but et de l’importance de ces exercices.

ZENIT – C’est la troisième série d’Exercices spirituels organisés par Cor Unum. Comment ont-ils vu le jour ?

Cardinal Cordes – Dans sa première encyclique, « Deus Caritas Est » (Dieu est amour), œuvre phare dédiée à la nature et à l’exercice de la charité chrétienne, le pape Benoît XVI souhaite une « formation du cœur » pour qui s’engage dans les services caritatifs. Il dit son espoir que cette formation les conduira à « la rencontre avec Dieu dans le Christ, qui suscite en eux l’amour et qui ouvre leur esprit à autrui » (N. 31a).

C’est le but des exercices spirituels. Nous voulons promouvoir des initiatives de ce type, déjà présentes dans les Eglises locales, et en encourager d’autres à faire de même. Le rassemblement de Czestochowa pour l’Europe fait suite aux exercices spirituels de Guadalajara pour le continent américain (juin 2008) et de Taipei (Taiwan) pour l’Asie (septembre 2009). 

Nous avons été agréablement surpris de l’intérêt suscité et du grand nombre des participants – environ 400 pour l’Amérique et 450 pour l’Asie. Notamment des cardinaux, évêques, prêtres, religieux et laïcs, hommes et femmes, venant de nombreux pays, actifs dans les Caritas diocésaines et autres agences caritatives d’aide catholiques.

Le pape Benoît XVI qui, dès le début, a suivi avec un grand intérêt cette entreprise, nous a encouragé à aller de l’avant. Entendant parler de Guadalajara, il nous a dit : « Je me réjouis que, pour la rendre (votre activité) justement encore plus un témoignage de l’Evangile, le Conseil pontifical Cor Unum ait prévu pour le mois de juin prochain un cours d’Exercices spirituels à Guadalajara pour les présidents et les directeurs des organismes caritatifs du continent américain. Cela servira à recouvrer entièrement la dimension humaine et chrétienne … et j’espère qu’à l’avenir cette initiative pourra se dérouler dans d’autres régions du monde » (Discours aux participants à l’Assemblée plénière, février 2008).

A une époque marquée par tant de catastrophes naturelles – Haïti, Pakistan, Inde – pour n’en citer que quelques-unes, certains objecteront qu’une retraite n’est peut-être pas le meilleur usage que l’on puisse faire de son temps…

Bien entendu, des besoins urgents et concrets se présentent, auxquels il faut faire face ; nous devons aussi assurer une aide chrétienne professionnelle et efficace. C’est ainsi que de nombreuses agences catholiques sont déjà à l’œuvre avec responsabilité et dévouement dans le monde entier, et un nombre incalculable de nos frères et sœurs qui souffrent comptent sur elles. Mais l’aide matérielle, même offerte avec professionnalisme et efficacité, n’est pas suffisante en soi. Je suis convaincu – fort également de mon expérience acquise lors de mes visites dans de nombreux endroits frappés par de telles tragédies – que notre service des pauvres et des personnes qui souffrent se fait d’autant mieux lorsque ceux qui s’adonnent à des activités caritatives sont profondément et solidement enracinés dans le Christ et la vie ecclésiale. 

Le large écho positif donné aux rassemblements d’Amérique et d’Asie manifeste la soif d’une base spirituelle chez ceux qui travaillent dans le domaine de la charité, professionnels ou bénévoles. Par exemple, un directeur d’associations caritatives aux Etats-Unis nous a écrit après Guadalajara, en disant : « Chaque jour, depuis mon retour à la maison, quelque chose de la retraite me parle. … Mon travail est tellement absorbant, et il est si facile de se laisser déborder par ses obligations. ‘Deus Caritas Est’ a été une aide incroyable pour me rappeler que Dieu a le contrôle. Vous m’avez béni, ma personne et mon travail, et je ferai mon possible pour transmettre ces bénédictions à ma paroisse, mon personnel, mes clients ». 

De même, après Taipei, voici le commentaire de l’archevêque d’un grand diocèse du Vietnam : « Après les exercices spirituels, je suis plus que jamais convaincu que l’œuvre de charité signifie ceci : révéler aux autres l’amour de Dieu ; me conformer à Jésus toujours à travers une relation intime avec le Père ; et rayonner cette intimité sur mon peuple, sans distinction. Je vais tâcher de partager l’expérience de Taipei avec le peuple de Dieu dans mon archidiocèse ». 

De quelle façon les Exercices aident-ils ceux qui travaillent à des oeuvres de charité à offrir un meilleur service aux personnes qui souffrent ?

L’Eglise a vocation à aider les pauvres, les nécessiteux, les gens frappés par les catastrophes dans leurs besoins matériels. Mais la charité porte en soi le signe de l’amour du Père. Le chrétien qui accomplit un service d’aide agit selon sa foi, portant l’amour de Dieu le Père à chaque homme et chaque femme, indépendamment de sa croyance, spécialement aux personnes qui souffrent.

Il y a un second motif. Il arrive parfois que notre propre foi soit menacée par l’expérience de l’immensité des besoins d’autrui. Il suffit de songer à Haïti, au Pakistan ou au tsunami. Dans « Deus Caritas Est », le pape Benoît XVI affirme qu’une grande souffrance peut nous exposer à la tentation du découragement. Elle peut également nous conduire à douter de la façon dont Dieu gouverne le monde, en abandonnant tout espoir qu’il pourrait apporter la solution universelle à tous les problèmes ; ou encore à tomber dans un orgueil qui méprise l’homme, nous amenant à sacrifier la dignité humaine, un orgueil qui n’est pas constructif mais plutôt détruit (cf. N. 36). 

Il n’est pas inhabituel que ceux qui travaillent à des oeuvres de charité, à l’extérieur ou à l’intérieur de l’Eglise, aient l’impression que leurs efforts sont comparables à ceux de Sisyphe, dans le mythe grec ; il avait été condamné à pousser éternellement un énorme rocher jusqu’au sommet d’une montagne, et quand il était près d’en atteindre la faîte, l’immense rocher roulait jusqu’en bas ; de même, il leur semble, à eux aussi, que leur « fardeau des besoins » est sans espoir et que leurs efforts sont vains. 

Sous quelle forme se déroulent les exercices ?

Le pape Benoît estime que, pour persévérer dans notre tâche et mieux résoudre les problèmes réels et concrets, il nous faut puiser à la source, qui est l’amitié avec le Christ. C’est pourquoi il consacre une grande attention à la prière dans toutes ses encycliques : « Deus Caritas Est », « Spe Salvi » et « Caritas in Veritate ». « Celui qui prie ne perd pas son temps », affirme-t-il, même si la situation que nous affrontons souvent « semble pousser uniquement à l’action » (Deus Caritas Est, N. 36). 

Donc, les exercices suivent un modèle très simple fondé sur trois moments essentiels. Tout d’abord, nous voulons offrir la possibilité d’un silence intérieur – dans l’exercice de nos activités quot
idiennes, nous en avons rarement l’occasion. Avec un grand respect, nous célébrons la Sainte Eucharistie, contemplons Jésus en silence devant le Saint-Sacrement et prions ensemble les Laudes et les Vêpres. Un des temps forts de la semaine est de rendre grâces pour le pardon de Dieu, lors d’une célébration communautaire du sacrement, dans laquelle tous les participants sont invités à recevoir la confession et l’absolution individuelles. 

Puis, chaque jour, nous entendons deux conférences, source d’inspiration pour notre engagement caritatif. Ces conférences sont fondées sur l’Ecriture Sainte, le témoignage des saints – plus particulièrement ceux qui se sont dédiés à la charité – et les enseignements de notre Saint-Père, en particulier dans « Deus Caritas Est ». Il y a également un temps de réflexion et de partage par petits groupes. Notre expérience nous montre que l’ouverture à l’Esprit de Dieu peut susciter chez des hommes et des femmes ordinaires un zèle et des niveaux impressionnants d’amour désintéressé envers le prochain.

Enfin, il y a un troisième aspect de communion fraternelle. Nous avons la chance que notre rencontre se tienne au sanctuaire de Czestochowa- sanctuaire marial et lieu de pèlerinage de prédilection, où nous pouvons prier et recevoir de nombreuses grâces. Tous les participants seront logés dans des maisons religieuses, à proximité du sanctuaire. La communion, le partage à table et à d’autres moments de notre vie ensemble offrent une merveilleuse opportunité de faire connaissance et d’échanger des expériences de nos Eglises et organisations locales.

Qui dirigera cette année les Exercices ?

Parmi les quelque 60 évêques qui viennent de toute l’Europe, il y a un certain nombre de cardinaux. Et notamment le cardinal [Antonio] Cañizares, préfet de la Congrégation pour le culte divin, le cardinal [Antonio] Rouco de Madrid, le cardinal [Vinko] Puljic de Vrhbosna et Sarajevo, et le cardinal [Josip] Bozanic de Zagreb, qui est également vice-président de la Conférence des évêques d’Europe. Ils nous guideront avec leurs prédications à la messe. 

Les conférences quotidiennes seront données par soeur Theresa Brenninkmeijer, abbesse d’un monastère cistercien au Danemark. Outre sa profonde expérience de prière et de spiritualité, dont je puis témoigner personnellement, elle a fait des études supérieures de philosophie et théologie en Allemagne et à Rome. Son ardeur missionnaire s’est manifestée par la fondation de monastères dans d’autres parties du monde, notamment en Allemagne et au Pérou. 

Il y a quelques mois, le pape Benoît XVI a prononcé une émouvante catéchèse sur saint Bernard, fondateur du grand monastère cistercien de Clairvaux. Le Saint-Père nous a invités à nous inspirer de ce saint : « On devrait encore poursuivre la recherche de ce Dieu, qui n’est pas encore assez recherché, » a écrit le Saint-Père, « mais on peut peut-être mieux le chercher et le trouver plus facilement avec la prière qu’avec la discussion. » Pour Bernard, a dit le pape, « la véritable connaissance de Dieu consiste dans l’expérience personnelle et profonde de Jésus Christ et de son amour… la foi est avant tout une rencontre personnelle, intime avec Jésus, et doit faire l’expérience de sa proximité, de son amitié, de son amour, et ce n’est qu’ainsi que l’on apprend à le connaître toujours plus, à l’aimer et le suivre toujours plus. Que cela puisse advenir pour chacun de nous ! » (Audience générale, 21 octobre 2009). 

Propos recueillis par Jesús Colina

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ZENIT Staff

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