Ainsi, récemment, on a pu lire en titre de la manchette du Time Magazine du 7 juin, superposé à une photo du pape prise de dos : « Pourquoi être pape signifie ne jamais avoir à demander pardon ».
Il suffit, toutefois, d’un rapide coup d’oeil sur la section du site Internet du Vatican consacrée aux abus sexuels, pour constater que Benoît XVI a exprimé, à maintes reprises, son remords pour les abus d’enfants et d’adolescents. Notamment, le premier lien en haut est une vidéo donnant lecture du sixième paragraphe de la Lettre pastorale du pape aux catholiques d’Irlande, publiée le 19 mars, dans lequel il exprime sa compassion : « Vous avez terriblement souffert et j’en suis profondément désolé ».
Pour aider à clarifier la question, Gregory Erlandson et Matthew Bunson viennent de publier un livre intitulé Pope Benedict XVI and the Sexual Abuse Crisis (Le pape Benoît XVI et la crise des abus), Our Sunday Visitor. Les auteurs sont bien placés pour livrer leurs commentaires sur la question. Erlandson est président et éditeur de Our Sunday Visitor Publishing Company, tandis que Bunson est éditeur du Catholic Almanac et aussi du Catholic Answers</i> magazine.
Ils commencent par déclarer qu’une des leçons à tirer des scandales des abus sexuels est de ne pas avoir peur de la vérité. « Les faits doivent être affrontés, mais aussi examinés avec équilibre et honnêteté », observent-ils dans la préface.
Les questions sur le passé de Benoît XVI ont surgi avec la publication d’informations sur l’attitude du futur pape, alors archevêque de Munich, dans le traitement d’un prêtre pédophile. D’autres accusations ont suivi, qui concernaient certaines de ses décisions quand il était préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, en rapport avec les cas d’abus aux Etats-Unis. La presse a accusé le Souverain Pontife de négligence, de volonté d’occulter les faits et de manque d’attention aux victimes de ces abus.
Propos déformés
Les auteurs du livre récusent ces affirmations, qu’ils considèrent sans fondement, mais ils reconnaissent que le public a pu avoir du mal à trouver des points de vue contraires, leur permettant d’avoir une vision plus exacte de la situation réelle. C’est ainsi que Benoît XVI a été diffamé, tandis que les déclarations de l’Eglise catholique étaient passées sous silence. Ces dernières années, l’adoption de nouvelles normes et procédures ont conduit à un changement considérable en matière d’abus sexuels, souligne le livre. Toutefois, la grande majorité des articles publiés récemment présente la situation comme si ces changements n’avaient jamais eu lieu.
Concernant le rôle du Souverain Pontife du temps où il était à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi, les auteurs soulignent deux points importants. Tout d’abord, jusqu’en 2001 la responsabilité du traitement de ces cas d’abus sexuels était répartie entre plusieurs services du Vatican. Ce n’est qu’avec la publication de la Lettre apostolique du 18 mai de cette année que tous les cas de prêtres accusés d’abus ont été affectés à la Congrégation pour la doctrine de la foi.
En second lieu, quand celui qui était encore le cardinal Joseph Ratzinger a pris en main la gestion de ces cas, il a changé d’attitude et pris plus clairement conscience du sérieux de la situation et de la nécessité d’adopter des mesures beaucoup plus radicales.
C’est ainsi qu’il a été conduit à composer les méditations du Chemin de croix du vendredi saint en 2005, peu avant la mort de Jean-Paul II. Pour la Neuvième Station, il a scandé : « Que de souillures dans l’Église, et particulièrement parmi ceux qui, dans le sacerdoce, devraient lui appartenir totalement ! ».
Une fois que la Congrégation pour la doctrine de la foi a pris en charge la gestion des cas de prêtres ayant commis des abus sexuels, elle s’est employée sans tarder à les résoudre, comme l’a expliqué Mgr Charles J. Scicluna dans une interview accordée au quotidien italien Avvenire en février de cette année. Environ 60% des cas n’ont pas été traduits en justice en raison de l’âge avancé des accusés, mais ceux-ci ont été soumis à une action disciplinaire et interdits de tout ministère public. Globalement, dans la plupart des cas, les évêques locaux ont été autorisés à prendre des mesures disciplinaires immédiates, sans attendre l’issue d’un procès.
Une certaine presse a critiqué la lenteur et l’absence de mesures prises par Rome à l’encontre des prêtres coupables d’abus. Mais les auteurs du livre, sur la base d’éléments provenant de diverses sources, démontrent que les retards dans la gestion de ces cas sont à attribuer beaucoup plus à la responsabilité des évêques américains locaux, qu’à la négligence du cardinal Ratzinger ou de ceux chargés du traitement de ces cas dans son service.
En effet, comme le soulignent les auteurs, un des facteurs ayant aggravé les problèmes des abus sexuels a été le non-respect, par les évêques, des lois et règles prévues par l’Eglise dans de tels cas. Mais il ne s’est pas agi d’un manquement uniquement des évêques. A l’époque où ces abus ont été commis, souvent il y a des dizaines d’années, les psychiatres et beaucoup d’autres dans la société de l’époque n’ont pas saisi l’intensité de la maladie qui se cache derrière de tels actes.
Notant les progrès considérables qui ont été réalisés, Erlandson et Bunson font un certain nombre de suggestions sur les pas supplémentaires que l’Eglise peut accomplir. D’abord, il faut que soient maintenues la clarté et la fiabilité établies par Benoît XVI ; en outre, les coupables devront rendre compte de leurs actes. En second lieu, le Vatican devrait chercher à établir des règles qui soient applicables partout, pour garantir que les autorités civiles soient informées des cas d’abus sexuels et ceux-ci traités de façon appropriée. En troisième lieu, le renouveau spirituel du sacerdoce et de la vie religieuse doit se poursuivre.
Leadership
Erlandson et Bunsen concluent leur étude en affirmant que la crise des abus sexuels du clergé caractérisera très vraisemblablement le pontificat de Benoît XVI. Et cela, non pas tant par la quantité des scandales révélés, que par le rôle de leadership démontré par le pape.
Avant de devenir pape, Benoît XVI a été l’artisan de mesures décisives prises par la Congrégation de la doctrine de la foi à l’encontre de prêtres coupables d’abus. Une fois élu pape, en de nombreuses occasions, il a rencontré les victimes, réprimandé les prêtres coupables et responsabilisé les évêques. Il a été également à l’avant-garde des réformes de procédures permettant à l’Eglise d’apporter une réponse plus rapide aux cas d’abus sexuels. Le livre cite les paroles du cardinal Sean O’Malley de Boston, selon lequel, pendant une décennie, le principal soutien que les évêques américains avaient à Rome, dans la gestion des abus sexuels, était le cardinal Ratzinger.
Une fois élu, Benoît XVI a choisi comme successeur à la Congrégation pour la doctrine de la foi un Américain, le cardinal William J. Levada, quelqu’un qui avait bien présente à l’esprit la perspective des scandales. Dans ses messages concernant les abus sexuels, le pape a parlé clairement et avec force. Et, comme il l’a clairement dit dans sa Lettre aux catholiques irlandais, il garde bien présente à l’esprit la nécessité d’un renouveau spirituel, fait observer le livre.
Les auteurs reconnaissent que, comme beaucoup de sa génération, l’actuel pape a peiné au début à prendre la mesure de la gravité de la situation, mais qu’il a ensuite changé au point de devenir « un soutien indiscutable de la réforme et du renouveau de l’Eglise, et qui comprend pleinement l’importance de ce combat ».
En d’autres termes, Benoît XVI, non seu
lement n’est pas un obstacle à la gestion efficace des problèmes d’abus sexuels, mais son rôle est capital pour y apporter des réponses.
Père John Flynn, LC
Traduction française : Elisabeth de Lavigne