ROME, Vendredi 30 avril 2010 (ZENIT.org) – La tension qui prévaut au Soudan au lendemain des élections tourne à la violence et fait craindre un vrai génocide.
Cette mise en garde vient de l’évêque de Tombura-Yambio, dans le sud du pays, Mgr Edouard Hiiboro Kussala qui a fait part de ses craintes à l’association internationale Aide à l’Eglise en détresse (AED), affirmant que la frustration des citoyens s’est amplifiée après les accusations de fraudes durant les premières consultations électorales pluripartites du pays depuis presque 25 ans.
Les élections, qui ont eu lieu du 11 au 15 avril, ont conduit à la victoire le National Congress Party du président Omar al Bashir, actuellement au pouvoir, du vice-président Salva Kiir et du Sudan People’s Liberation Movement (SPLM).
Le tout entre comptes-rendus d’intimidations des votants, fraudes, confusion dans les fiches électorales et infractions à la privacy des électeurs dans les cabines électorales.
Maintenant, rapporte l’AED, on apprend que le feu a été donné à un camion qui transportait les fiches électorales dans la région même de l’évêque, dans l’Etat de l’Equateur occidental.
« Les résultats des élections peuvent déclencher de sérieuses violences », a commenté Mgr Edouard Hiiboro Kussala.
« La violence peut être comparée à rien de moins qu’un génocide, car on sent une animosité enracinée dans le cœur de nombreuses personnes appartenant à divers groupes ethniques au sud » du pays.
L’évêque a mis en garde contre une croissance du ressentiment populaire pour des questions irrésolues comme le litige à propos des frontières entre le nord et le sud du Soudan, à propos de la région d’Abyei, riche en pétrole.
« Tant que cette crise ne sera pas gérée de manière constructive, la possibilité que toute une nation tombe au fond du gouffre est un scénario possible », a-t-il souligné.
Mgr Hiiboro a aussi fait savoir que les négociations sur une éventuelle sécession du sud du Soudan, question soumise à referendum en janvier 2011, se poursuivent, à travers des débats relatifs aux transports et aux relations commerciales avec le nord, au partage des gains provenant du pétrole et aux droits de citoyenneté.
Ces questions devaient être résolues dans le cadre de l’Accord global de paix signé en 2005, qui a donné au sud Soudan une demi autonomie après plus de 20 ans de guerre civile entre le régime islamique de la capitale Khartoum et les rebelles SPLM au sud.
Accusant le SPLM du manque de progrès depuis 2005, Mgr Hiiboro attribue au sud soudanais eux-mêmes, aussi bien au sein du parti gouvernemental que chez les autres, « la seule responsabilité de cet échec ».
« La mort inutile de citoyens soudanais du sud est probablement due à l’incapacité des leaders politiques de mettre sur pied un meilleur processus de résolution des conflits ».
« Pousser les disparités jusqu’à provoquer un effondrement national et porter à l’exaspération les différences ethniques et religieuses uniquement pour arriver au pouvoir ou le garder à tout prix, n’entre pas dans de saines politiques », a déploré l’évêque.
« Aucun peuple, aucune nation, ne mérite ce type de politique toxique ».
Les avertissements de l’évêque concernant la situation au Soudan, tombent à un moment où arrivent par ailleurs d’autres comptes-rendus des élections faisant état d’un « déroulement pacifique » du scrutin.
Il y a quelques jours, l’évêque auxiliaire de Khartoum, Mgr Daniel Adwok Kur, avait affirmé à l’AED qu’il jugeait « improbable » un déclenchement de violence, surtout dans la période postélectorale, car pour les principaux partis politiques trop de choses étaient en jeu pour pousser le processus démocratique dans l’impasse (cf. ZENIT, 16 avril 2010).
Cet optimisme ne s’applique pas nécessairement au diocèse de Mgr Hiiboro, qui a subi les atrocités commises par des rebelles de l’Armée de résistance du Seigneur (Lord’s Resistance Army, LRA).
A la fin de l’été dernier, la LRA a procédé à des meurtres et des crucifixions à Nzara, et plus ou moins dans le même temps l’église Notre-Dame de la Paix, près d’Ezo, a été profanée, tandis que 17 personnes, dont une majorité d’adolescents et jeunes de 20 ans, ont été enlevées.