ROME, Lundi 29 mars 2010 (ZENIT.org) – Face à une véritable pandémie qui a tué ces 30 dernières années plus de 25 millions de personnes, des représentants de diverses religions se sont engagés publiquement à « exercer davantage leur influence, et de manière plus visible et concrète » dans la lutte contre le SIDA.
C’était à Den Dolder (Pays-Bas), où, pour la première fois au monde, 40 des plus importants chefs chrétiens, musulmans, juifs, hindous et bouddhistes se sont réunis, du 22 au 23 mars, pour discuter du HIV/SIDA.
Parmi les thèmes affrontés lors de ce sommet, organisé par l’Alliance œcuménique « Agir ensemble » et par l’organisme catholique hollandais pour le développement « Cordaid », figuraient les mesures de prévention et de lutte contre la pandémie, les stratégies aptes à mettre fin à la stigmatisation et à la discrimination mais surtout, les manières plus opportunes pour s’exprimer ouvertement sur la maladie et sur les problèmes sociaux qui lui sont liés.
Ce sommet a aussi été l’occasion d’échanges et de dialogues avec les malades atteints du virus et avec des spécialistes engagés dans la lutte contre le SIDA. Depuis que le syndrome d’immunodéficience acquise a été identifié pour la première fois, il y a trente ans, les disparités d’accès aux traitements antirétroviraux ont créé de fortes inégalités.
La crise économique actuelle met en danger les progrès accomplis au point que chaque fois que deux personnes commencent leur traitement pharmacologique, cinq autres sont infectées. Les raisons incluent indubitablement aussi la peur d’être isolés et condamnés. Une peur qui empêche les personnes plus vulnérables d’avoir recours aux services de prévention, de contrôle et de soins de la maladie. L’engagement des religieux est donc celui de « travailler ensemble pour mettre fin au silence ».
L’initiative a bénéficiée du soutien du ministère des affaires étrangères hollandais, de l’agence des Nations unies UNAIDS et du Conseil œcuménique des Eglises. Les catholiques, présents à la rencontre, étaient représentés par Mgr John Onaiyekan, archevêque d’Abuja (Nigeria), qui s’est entretenu avec ZENIT :
ZENIT – Mgr Onaiyekan, de quoi avez-vous discuté pendant ces deux jours?
Mgr Onaiyekan : Nous étions invités à échanger nos expériences dans l’espoir de trouver des valeurs communes sur la base desquelles programmer des actions concertées. Mais surtout, nous avons reconnu que la religion doit être vue comme un instrument de compassion et de soin pour celui qui souffre, peu importe la cause de cette souffrance.
Notre devoir autrement dit est d’aider ces personnes, notamment d’empêcher leur stigmatisation ou discrimination. Une tâche aujourd’hui possible, vu que la plupart des religions ne parlent plus du SIDA comme d’un châtiment de Dieu mais plutôt d’un malheur. Ou plutôt d’une maladie qui frappe spécialement les pauvres et les innocents. Et c’est le cas des enfants qui naissent aujourd’hui avec le SIDA ; des époux qui n’ont rien commis en dehors de leur relation conjugale ; et de ceux, pour finir, qui travaillent dans les structures de santé et qui courent de gros risques en tenant d’aider des inconnus.
ZENIT – Quelle est la nouvelle stratégie à envisager aux côtés des organisations internationales?
Mgr Onaiyekan : Pour la première fois, ces organisations commencent à s’intéresser à ce que nous faisons, nous les communautés religieuses. Jusqu’ici elles agissaient pour leur propre compte, ignorant complètement nos efforts, tandis qu’aujourd’hui elles disent vouloir travailler à nos côtés. Des deux côtés les parties essaient de comprendre de quelle manière il est possible d’établir cette alliance.
ZENIT – Y-a-t-il déjà des idées sur la manière concrète de réaliser cette collaboration ?
Mgr Onaiyekan : Après ce sommet, il sera plus facile d’échanger nos expériences, nous tenir en contact. De toute façon il s’agit d’organisations internationales qui travaillent au niveau national. Elles ont par exemple, et c’est le cas de l’UNAIDS, des bureaux aussi au Nigeria. Ce qui veut dire que la coordination sera plus immédiate et que chaque filiale de ces organismes pourra entrer plus facilement en relation avec les représentants religieux locaux, de manière à déterminer un support ciblé, technique et éventuellement économique.
Pour ce qui est des accords officiels, par contre, c’est une chose qui devra être étudiée plus soigneusement car c’est du ressort du Saint-Siège. Ce qui est sûr, c’est que le gros du travail sera fait au niveau local, par chaque pays et chaque diocèse.
ZENIT – Quel est l’engagement de l’Eglise catholique sur le front de la lutte contre le SIDA ? Existe-t-il, par exemple en Afrique, des « pratiques de choix » en ce sens?
Mgr Onaiyekan : L’Eglise catholique se trouve très avantagée car elle compte, au sein des Conférences épiscopales et des diocèses, des organisations prévues à cet effet, auxquelles s’ajoutent toutes les expériences vécues au niveau interreligieux, entre chrétiens et musulmans, pour affronter le thème du virus et de la maladie du SIDA.
Par exemple, au Nigéria nous avons un bureau ecclésiastique qui coordonne les activités de prévention et les soins de la maladie. Il est constamment en contact avec le gouvernement national pour discuter sur la manière de travailler ensemble. En particulier, dans notre diocèse, à Abuja, nous avons mis en œuvre des programmes pour aider les personnes au niveau sanitaire et tous, communautés religieuses, civiles, sommes impliquées dans les services d’ « HIV, counseling and testing » pour savoir si celui qui arrive au dispensaire est positif ou négatif, de manière à mettre aussitôt en place une meilleure distribution des médicaments et offrir des services d’information sur la manière de prévenir la transmission du virus de la mère à l’enfant au moment de l’accouchement.
Bien entendu, tout dépend de la disponibilité économique.ZENIT – En matière de prévention, l’autorisation d’utilisation du préservatif a souvent été au centre des débats. Qu’en pensez-vous?
Mgr Onaiyekan : Personnellement, je suis d’accord avec le Saint-Siège sur le fait que la réponse effective au défi que nous avons devant nous, et qui touche particulièrement les jeunes, n’est pas le préservatif mais un changement de style de vie, une meilleure organisation sanitaire, la résolution du problème de la pauvreté.
Et puis n’oublions pas qu’il y a ces millions de personnes déjà atteintes : distribuer les préservatifs ne les aident pas.
Propos recueillis par Mariaelena Finessi