ROME, Mercredi 24 mars 2010 (ZENIT.org) – Il n’y a pas d’opposition entre « la foi et la science » ni entre foi et raison : c’est ce que montre, souligne Benoît XVI, l’œuvre de saint Albert le Grand.
Le pape a consacré sa catéchèse du mercredi, lors de l’audience générale, place Saint-Pierre, à ce Dominicain qui fut « l’un des grands maîtres de la théologie scolastique ».
Albert le Grand (1200-1280) a été canonisé en 1931 par le pape Pie XI qui l’a également proclamé Docteur de l’Eglise, ce qui fait dire à Benoît XVI : « Ce fut une reconnaissance sans aucun doute appropriée, pour ce grand homme de Dieu et éminent savant non seulement dans le domaine des vérités de la foi, mais dans de très nombreux autres domaines du savoir ».
Le « docteur universel »
Le pape fait observer que « sa culture a quelque chose de prodigieux », et que « ses intérêts encyclopédiques le conduisirent à s’occuper non seulement de philosophie et de théologie, comme d’autres contemporains, mais également de toute autre discipline alors connue, de la physique à la chimie, de l’astronomie à la minéralogie, de la botanique à la zoologie ».
« C’est pour cette raison, explique-t-il, que le pape Pie XII le nomma patron de ceux qui aiment les sciences naturelles et qu’il est également appelé « Doctor universalis », précisément en raison de l’ampleur de ses intérêts et de son savoir ».
Mission d’enseignement
Le pape a ainsi résumé sa formation, en partie parisienne : « Né en Allemagne au début du treizième siècle, il étudia d’abord à Padoue, où il fréquenta l’église des Dominicains chez lesquels il fit profession. Après son ordination sacerdotale, il fut envoyé à Paris pour perfectionner ses études de théologie. Il entreprit alors une extraordinaire activité d’écrivain ».
« En 1254, a ajouté le pape, il fut élu Provincial des Dominicains pour un vaste territoire d’Europe du Nord. Evêque de Ratisbonne de 1260 à 1262, il demandera ensuite au Pape d’être déchargé de ce ministère pour reprendre sa mission d’enseignement et d’étude. Homme de prière, de science et de charité, Albert jouissait d’une grande autorité dans la vie de l’Église et de la société de son temps. Il meurt en 1280 dans son couvent de Cologne ».
Science et foi
« Albert le Grand nous rappelle, explique d’une part Benoît XVI, qu’il n’y a pas d’opposition entre science et foi, et que ceux qui étudient les sciences de la nature peuvent parcourir un véritable chemin de sainteté ».
Il souligne que dans ce domaine, saint Albert est d’actualité : « Il a encore beaucoup à nous enseigner ». En effet, il montre surtout « qu’entre la foi et la science il n’y a pas d’opposition, malgré certains épisodes d’incompréhension que l’on a enregistrés au cours de l’histoire ».
« Un homme de foi et de prière comme saint Albert le Grand, peut cultiver sereinement l’étude des sciences naturelles et progresser dans la connaissance du micro et du macrocosme, découvrant les lois propres de la matière, car tout cela concourt à nourrir sa soif et son amour de Dieu », précise le pape. Ce qui inspire aussi ce tire à la une de L’Osservatore Romano en italien du 25 mars : « La nature est un livre écrit par Dieu ».
La nature, livre écrit pas Dieu
« La Bible, ajoute le pape, nous parle de la création comme du premier langage à travers lequel Dieu – qui est intelligence suprême, qui est Logos – nous révèle quelque chose de lui. Le Livre de la Sagesse, par exemple, affirme que les phénomènes de la nature, dotés de grandeur et de beauté, sont comme les œuvres d’un artiste, à travers lesquelles, par analogie, nous pouvons connaître l’Auteur de la création (cf. Sg 13, 5). Avec une comparaison classique au Moyen-âge et à la Renaissance, on peut comparer le monde naturel à un livre écrit par Dieu, que nous lisons selon les diverses approches de la science (cf. Discours aux participants à l’Assemblée plénière de l’Académie pontificale des sciences, 31 octobre 2008) ».
Benoît XVI constate que de nombreux scientifiques, « dans le sillage de saint Albert le Grand, ont mené leurs recherches, inspirés par l’émerveillement et la gratitude face au monde qui, à leurs yeux de chercheurs et de croyants, apparaissait et apparaît comme l’œuvre bonne d’un Créateur sage et aimant ! L’étude scientifique se transforme alors en un hymne de louange ».
Philosophie et théologie
Pour Albert le Grand, d’autre part, « la philosophie et la théologie ont des méthodes différentes, mais leur dialogue coopère harmonieusement à la découverte de l’authentique vocation de l’homme ».
Maître de saint Thomas d’Aquin, Albert le Grand va montrer comment la philosophie d’Aristote est compatible avec la foi chrétienne : on l’estimait auparavant incompatible, ce qui avait suscité des critiques contre saint Thomas.
« C’est là, fait observer le pape, que réside l’un des grands mérites de saint Albert : avec une rigueur scientifique il étudia les œuvres d’Aristote, convaincu que tout ce qui est vraiment rationnel est compatible avec la foi révélée dans les Saintes Ecritures. En d’autres termes, saint Albert le Grand a ainsi contribué à la formation d’une philosophie autonome, distincte de la théologie et unie avec elle uniquement par l’unité de la vérité ».
Des théologiens pour notre temps
C’est ce qui a permis, au XIIIe siècle, continue Benoît XVI, « une distinction claire entre ces deux savoirs, philosophie et théologie qui, en dialogue l’un avec l’autre, coopèrent de manière harmonieuse à la découverte de la vocation authentique de l’homme, assoiffé de vérité et de béatitude : et c’est surtout la théologie, définie par saint Albert comme une « science affective », qui indique à l’homme son appel à la joie éternelle, une joie qui jaillit de la pleine adhésion à la vérité ».
Le pape souligne aussi la pédagogie de saint Albert : « Saint Albert le Grand fut capable de communiquer ces concepts de manière simple et compréhensible. Authentique fils de saint Dominique, il prêchait volontiers au peuple de Dieu, qui demeurait conquis par sa parole et par l’exemple de sa vie ».
Le pape a conclu par cette invitation : « Prions pour que l’Église ne manque jamais de théologiens qui soient enracinés dans la prière, compétents et pleins de sagesse, et pour qu’en tout, nous sachions nous conformer à la volonté de Dieu pour ne rechercher que sa Gloire ».
Anita S. Bourdin