ROME, Lundi 22 mars 2010 (ZENIT.org) – Un religieux franciscain de nationalité égyptienne figure parmi les dizaines de chrétiens expulsés du Maroc durant ce mois de mars.
L’évêché de Tanger, la ville d’où a été expulsé le missionnaire, a demandé les raisons de cette mesure aux autorités marocaines, mais n’a reçu encore aucune réponse, a expliqué à ZENIT l’évêque, Mgr Santiago Agrelo, lui aussi franciscain.
Le religieux a été arrêté par la police le dimanche 7 mars, puis mis dans un avion pour l’Egypte. Il était au Maroc depuis presque deux ans, et avait déjà prononcé ses vœux même s’il n’avait pas fini sa période de formation.
Son arrestation a eu lieu alors que se déroulait à Grenade, en Espagne, le sommet Union européenne-Maroc.
« Je crois que personne n’a jamais été expulsé de ce diocèse de Tanger pour des motifs religieux », a déclaré Mgr Agrelo, qui se trouvait à Grenade au moment de l’arrestation du missionnaire.
D’après l’évêque, il y aurait entre 2000 et 2500 catholiques dans son diocèse pour une population de 4 millions d’habitants.
Il reconnaît qu’il est impossible de connaître la densité de cette communauté d’étrangers (seuls les musulmans peuvent être marocains), caractérisée par une grande mobilité.
L’arrestation du jeune catholique s’ajoute à celles de dizaines de chrétiens expulsés du Maroc ce mois-ci dans le cadre de la « campagne de lutte mise en œuvre par les autorités marocaines pour empêcher la diffusion du credo évangélique, destiné à secouer la foi des musulmans », rapporte l’agence officielle Maghreb Arab Press.
Présence historique
La présence franciscaine dans le pays remonte à 1219, lorsque le premier noyau de franciscains fut massacré à Marrakech.
Au Moyen Age, la présence des religieux était fixes mais entrecoupée de périodes d’absence. Ils assistaient de petites communautés chrétiennes et les commerçants européens.
Depuis 1630, après que le bienheureux Juan de Prado eut refondé la mission, les franciscains se consacrérent aux prisonniers chrétiens, les accompagnant dans leur vie et tout au long de leur emprisonnement, les renforçant dans leur foi et les rachetant avec les aumônes qu’ils récoltaient en Espagne.
En 1861, le père José Lerchundi fut destiné aux missions du Maroc, et après une période de crise réalisa la troisième refondation. Les franciscains assistaient les communautés chrétiennes devenues de plus en plus nombreuses. Ils créèrent des écoles, fondèrent des hôpitaux et se consacrèrent à la modernisation du pays.
Le religieux expulsé ce mois-ci du Maroc était un des huit franciscains du diocèse qui, à l’instar d’autres franciscains vivant dans les autres villes du pays, sont connus pour leur service.
« L’amour nous rend libres »
« Ici nous travaillons avec les pauvres en tant que chrétiens ; tous nous identifient comme des chrétiens, connaissent notre travail, a déclaré Mgr Agrelo. Je crois qu’ils le respectent beaucoup, et ceci est notre façon d’évangéliser ».
Pour l’évêque de Tanger, « les paroles ‘fortes’ ne servent à rien, ni ici ni ailleurs ; ce qui sert c’est la charité, l’amour… dans la liberté : ça nous rend libres, forts et chrétiens ».
« Mon désir est que toutes les personnes jouissent de la liberté de conscience et de la liberté religieuse », a-t-il ajouté, soulignant que cette question est « une question très importante qui revient au gouvernement ».
Respect des lois
A Rabat, l’archevêque catholique, Mgr Vincent Landel et le pasteur évangélique Jean- Luc Blanc ont publié un communiqué pour faire état ces derniers mois de l’expulsion de chrétiens de diverses nationalités « accusés de prosélytisme et d’autres questions que nous ignorons ».
« Nous avons toujours pu assumer nos responsabilités, en vertu de la liberté de culte reconnue aux étrangers chrétiens », affirme le texte, daté du 10 mars.
« Notre responsabilité est d’aider nos frères chrétiens à rencontrer leurs frères musulmans, en apprenant à les connaître, les respecter et les aimer, sans aucun désir de prosélytisme » lit-on.
« Notre unique objectif est de participer à la construction d’un Maroc où musulmans, juifs et chrétiens sont heureux de partager la responsabilité d’édifier un pays où la justice, la paix et la réconciliation sont possibles ».
Etre catholiques au Maroc
La minorité catholique du Maroc a reconnu la liberté de culte, mais pas la liberté de conscience et de religion, si bien que catéchiser ou accueillir dans la communauté chrétienne un musulman, viole les lois.
Au Maroc, contrairement à d’autres pays musulmans, l’Eglise catholique jouit d’un statut spécial accordé par le « Dahir Royal » du roi Hassan II en 1983, rappelle Fides.
Ce statut lui permet d’exercer publiquement et librement ses activités, surtout celles liées au culte, au magistère et à la juridiction interne, aux bonnes œuvres et à l’enseignement religieux de ses membres.
Il n’existe pas de structure nationale de l’épiscopat catholique : la conférence épiscopale régionale d’Afrique du Nord (CERNA), qui réunit l’Algérie, la Tunisie, la Libye et le Maroc, agit comme une conférence nationale.
La CERNA, qui a son siège en Algérie, dépend de la congrégation pour les évêques, tandis que les deux diocèses du Maroc, Tanger et Rabat, ainsi que la préfecture apostolique du Sahara Occidental, dépendent de la congrégation pour l’évangélisation des peuples.
Patricia Navas