ROME, Mardi 16 mars 2010 (ZENIT.org) – Un article de la revue britannique « The Economist », publié le 4 mars, dénonce la mort d’au moins 100 millions de fillettes dans le monde, qualifiant ce massacre de « généricide ».
L’article est intitulé : « The war on baby girls. Gendercide. Killed, aborted or neglected, at least 100m girls have disappeared – and the number is rising » (« La guerre contre les fillettes. ‘Généricide’. Assassinées, jamais nées ou abandonnées, au moins cent millions de petites filles ont disparu – et leur nombre est en augmentation »).
Le texte parle d’un jeune couple qui attend son premier enfant dans une région pauvre du monde mais en plein essor. Les coutumes traditionnelles leur ont appris à préférer les petits garçons aux petites filles. Le jeune couple peut accéder à une écographie qui lui révèle que la mère est enceinte d’une petite fille. Que fait-il ?
Pour des millions de couples, affirme «The Economist », « la réponse est : avortement pour les filles, vie pour les garçons. En Chine et dans le nord de l’Inde, on compte 120 garçons toutes les 100 filles. La nature montre que les garçons, même de peu, sont plus exposés aux maladies infantiles, mais sur le plateau de la balance cela ne compte pas ».
« Pour ceux qui sont contre l’avortement, c’est un vrai génocide », affirme « The Economist ». Pour la revue, même lorsqu’on se prononce pour un avortement « sûr, légal et exceptionnel », la somme des actions individuelles a « un effet catastrophique pour la société ».
Rien qu’en Chine, indique « The Economist », le nombre d’hommes non mariés (que l’on appelle « branches dénudées ») est équivalent au nombre de jeunes hommes en Amérique. Dans certaines zones, cela pose de sérieux problèmes : dans les sociétés asiatiques, où se marier et avoir des enfants est la seule voie reconnue au plan social, les hommes célibataires sont comme des criminels. La délinquance, le trafic de femmes, les violences sexuelles, sans compter le nombre des suicides chez les femmes, sont en hausse constante et augmenteront au fur et à mesure que les générations déséquilibrées atteindront la maturité.
Pour « The Economist » parler de « généricide » n’est pas une exagération. Les femmes sont en voie de disparition (avortées, assassinées, poussées vers la mort). Si en 1990, l’économiste indien Amartya Sen parlait de 100 millions de morts, aujourd’hui ce chiffre est beaucoup plus élevé.
La revue tient pour acquis que tant de personnes dans le monde savent qu’en Chine et dans le nord de l’Inde « le nombre de garçons est un nombre artificiel », mais ajoute que « rares sont ceux qui se rendent compte de l’ampleur du problème et de sa progression rapide ».
En Chine, le rapport entre les sexes est de 108 garçons pour 100 filles dans la génération née en 1980. Pour les générations de l’an 2000 la proportion est de 124 pour 100. Dans certaines provinces chinoises il arrive à 130 pour 100 filles. La situation est à son plus haut niveau en Chine, mais elle existe aussi ailleurs. Dans d’autres régions d’Asie de l’Est, comme Taiwan et Singapour, dans certains Etats anciennement communistes dans les Balkans de l’ouest et dans le Caucase et au sein de certains groupes de la population américaine (les sino-américains ou les japonais, par exemple), il y a une ratio déformée de sélection sexuelle.
« Le ‘généricide’ existe dans presque tous les continents, touche aussi bien les pauvres que les riches, les personnes instruites et non instruites, hindous, musulmans et confucéens », affirme la revue.
Un phénomène que la richesse même n’arrive pas à freiner : Taiwan ou Singapour ont des économies florissantes ; en Chine et en Inde, les plus graves cas de ‘généricide’ sont enregistrés dans les régions les plus riches et où le niveau d’instruction est le plus élevé. La politique de l’enfant unique en Chine n’est en fait qu’une partie du problème, car cette question touche en fait d’autres pays qui n’ont pas cette idéologie.
L’élimination des fœtus féminins, rappelle « The Economist », est une conséquence de trois facteurs : la préférence, ancienne et bien ancrée, pour les enfants de sexe masculin, la tendance moderne à fonder de petites familles et l’utilisation de technologies à ultrasons qui permettent d’identifier avec certitude le sexe de l’enfant avant sa naissance.
Seul un pays a décidé d’inverser la tendance. En 1990, la proportion entre filles et garçons en Corée du sud était la même ou supérieure à celle des chinois, pour revenir aujourd’hui à des valeurs normales.
Ceci n’a pas été un choix. C’est la culture de la population qui a changé. Instruction féminine, attitudes antidiscriminatoires et lois favorisant l’égalité des droits, sont autant de facteurs qui ont fait que cette préférence pour les enfants de sexe masculin était devenue anachronique.
Tout ceci, précise la revue, est arrivé néanmoins quand la Corée du sud était un pays riche. Pour la Chine et l’Inde (avec des entrées d’un quart et un dixième par rapport à celles de la Corée), il leur faudra attendre des générations et des générations avant d’atteindre le même niveau économique,
Pour favoriser le changement, relève « The Economist« , plusieurs actions s’imposent : « La Chine devrait retirer sa politique d’enfant unique, mais les autorités s’opposeront car elles craignent une augmentation de la population, tout comme elles ont rejeté la préoccupation de l’Occident pour les droits humains ».
Quoi qu’il en soit, la publication prévoit que « la limitation de l’enfant unique ne sera pas utilisée encore longtemps pour réduire la fertilité (d’autres pays d’Asie ont réduit leur pression sur la population autant que la Chine) ». Le président chinois Hu Jintao, rappelle-t-elle, a déclaré qu’une de ses principales intentions est de « bâtir une société harmonieuse », ce qui sera impossible « si la politique continue à être imprégnée d’autant d’hostilité à l’égard de la famille ».
En conclusion, « The Economist » propose que tous les pays favorisent « la valeur du sexe féminin ». « Il faut encourager l’instruction des femmes ; abolir les lois et coutumes qui empêchent les femmes d’hériter ; abolir les limites relatives au sexe dans les hôpitaux et dans les cliniques ; insérer les femmes dans la vie publique quelque soient les fonctions ».
« Mao Zedong affirmait : ‘Les femmes soutiennent la moitié du ciel’. Le monde doit faire plus que prévenir un ‘généricide’, il doit éviter que le ciel nous tombe sur la tête! ».
Nieves San Martín
Pour lire l’article dans son intégralité, http://www.economist.com/opinion/displaystory.cfm?story_id=15606229