ROME, Jeudi 11 mars 2010 (ZENIT.org) – L’institution familiale est celle qui « souffre le plus de certaines dispositions injustes qui règlent le phénomène migratoire », déplorent les Eglises et organismes œcuméniques qui proposent des perspectives. Les chrétiens sont eux-mêmes des « migrants par vocation », font observer les évêques européens dans ce communiqué.
Les chrétiens, migrants par vocation
La rencontre annuelle du Comité conjoint de la Conférence des Églises d’Europe (KEK) et du Conseil des Conférences Épiscopales d’Europe (CCEE) s’est tenue à Istanbul, Capitale européenne de la culture 2010, du 7 au 11 mars 2010, à l’invitation du Patriarche œcuménique Sa Sainteté Bartolomeo Ier.
Cette année, les membres du Comité conjoint ont décidé de réfléchir sur le phénomène des migrations selon différents points de vue : culturel, social, économique… au cours de l’année où le CCEE tiendra son VIIIe Congrès sur les migrations (Malaga, Espagne, 27 avril – 1er mai), et à la lumière du projet 2010 KEK-CEME Année européenne des Églises pour la migration : un projet destiné à accroître la visibilité de l’engagement des Églises en faveur des étrangers et à promouvoir une politique d’intégration des migrants par un travail pour et avec les migrants, les réfugiés et les minorités ethniques, tant au niveau national qu’européen.
Au cours de cette rencontre, les participants ont constaté que les Églises à différents niveaux et les organisations œcuméniques s’efforcent d’accompagner le phénomène migratoire, en considérant tout ce qu’elles font au plan national, européen et international pour accueillir les migrants et favoriser leur participation à la vie sociale du pays d’accueil. Des experts ont accompagné cette réflexion : Doris Peschke, Secrétaire générale de la Commission des Églises pour les migrants en Europe (CEME) et Johan Ketelers, Secrétaire général de la CICM (Commission internationale catholique pour les migrations). Étaient également présents un représentant du gouvernement turc, M. Alp Ay, Directeur des Affaires politiques et Secrétaire général des relations avec l’UE, et un représentant du gouvernement grec, Mme Theodora Tzakri, Vice Ministre de l’Intérieur de la République Hellénique.
Le phénomène migratoire n’est pas une nouveauté en Europe. Tout en étant un phénomène de notre temps, il n’est pas nouveau dans l’histoire de l’humanité. Chaque époque de l’Histoire a en effet connu des flux migratoires plus ou moins consistants. Ce qui est nouveau, ce sont les proportions, les pays de départ de l’émigration et les pays d’arrivée. Aujourd’hui, une personne sur six est en déplacement dans le monde ! Il est devenu évident aujourd’hui qu’il existe en Europe, à côté de la mobilité des biens, capitaux et services, une mobilité humaine à laquelle la plupart de nos pays ne semblent pas être suffisamment préparés.
Les causes du phénomène migratoire son complexes et multiples. C’est pourquoi il est nécessaire de bien en saisir les véritables causes, qui vont des raisons purement économiques aux migrations « forcées » pour des raisons sociales, politiques, ou liées à la dégradation de l’environnement.
L’institution familiale est celle qui souffre le plus de certaines dispositions injustes qui règlent le phénomène migratoire. Souvent, les cellules familiales se trouvent contraintes de se diviser en raison de l’impossibilité d’un regroupement familial. Les premières victimes de ces politiques sont alors les enfants, qui grandissent dans un contexte social où l’affection et l’éducation conjointe du père et de la mère font défaut, parce qu’ils ont été confiés à leurs grands-parents, à des parents éloignés, ou même à des voisins. Cette situation engendre de graves formes de dépression chez les membres de la famille pouvant même aller dans certains cas jusqu’au suicide. L’Europe n’a probablement pas encore compris vraiment la portée dévastatrice de ce phénomène pour son avenir. Il doit être clair pour tous que nos sociétés ne peuvent pas se passer de la famille et de l’unité familiale, non seulement pour le bien des individus, mais aussi pour celui de la société tout entière.
La perspective dans laquelle le phénomène migratoire est considéré par les Églises et par les État n’est pas la même. Les chrétiens sont « migrants par vocation », se considérant eux-mêmes comme des personnes en marche. La justice et la charité sont des lignes directrices qui règlent tous les comportements des chrétiens. La dignité personnelle de chaque individu doit être reconnue dans tous les cas, y compris celle des immigrés irréguliers et des demandeurs d’asile. Même en reconnaissant la responsabilité des États envers leurs citoyens dans la protection de l’héritage culturel de leurs nations, la légalité et justice d’une part, et reconnaissance juste et absolue de la dignité de tout homme et miséricorde à l’égard des plus démunis de l’autre, forment un tout indissoluble.
Les migrations sont une invitation pressante à un changement structurel, culturel et des mentalités. Elles présentent des défis sur lesquels il faut intervenir, tels que la garantie des droits humains face aux différences des statuts auxquels sont attachés des droits, dont certains sont reconnus au plan international. Les Églises sont appelées à reconnaître et promouvoir le bien intégral de tous les hommes, y compris leur bien spirituel, garantie d’une pleine intégration.
Au cours de la rencontre ont été présentées les politiques et les projets mis en œuvre par les gouvernements turc et grec, en particulier ceux qui concernent les demandeurs d’asile et les réfugiés.
Le service de la Commission KEK « Église et Société » (CSC) et de la COMECE
Les participants ont été informés sur les thèmes d’actualité examinés par les institutions européennes, ainsi que sur les activités de la CSC et de la COMECE. Les Églises en Europe soutiennent et accompagnent attentivement la nouvelle configuration de l’Union européenne qui s’est créée depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, à la lumière notamment des opportunités offertes par l’article 17 de ce même Traité.
Cependant, les Églises s’inquiètent de la diffusion en Europe de courants de pensée qui lèsent la dignité de tout homme, en véhiculant un modèle anthropologique très éloigné de la culture de vie et du modèle naturel de la famille. Les prétendues valeurs que certains représentants de l’UE ont cherché à répandre au moyen de la législation européenne, notamment dans le domaine de l’éducation et sur la place de la religion, de la vie et de la famille traditionnelle, et de l’identité même des personnes soulèvent de graves interrogations. En particulier, le projet de loi sur la non-discrimination peut avoir de graves répercussions sur la vie et sur les activités des diverses réalités ecclésiales. Les participants ont également été informés des initiatives parlementaires sur la Défense du dimanche sans travail ; sur la Consultation de la Commission européenne sur la révision de la Directive sur le regroupement familial, et en particulier sur le droit au regroupement familial des ressortissants de pays tiers légalement résidents dans l’UE ; ou encore sur la Proposition de Directive sur la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques. Cette proposition prévoit une réduction du recours aux tests effectués sur les animaux (par exemple ceux des industries pharmaceutiques) en encourageant les méthodes alternatives existantes. L’une de ces méthodes alternatives consisterait dans l’utilisation de cellules souche embryonnaires humaines.
Le dialogue avec l’islam
Le CCEE et la KEK reconnaissent l’importance du travail conjoint réalisé dans le passé dans le domaine des rapports avec les musulmans d’Europe et entendent poursuivre ce dialogue au niveau local et continental par des rencontres bilatérales entre une Église et une association ou un groupe musulman, et par des projets et initiatives lancés conjointement par la KEK et le CCEE.
Rencontre avec le Patriarche Bartolomée Ier
Dans l’après-midi du mardi 9 mars, les participants ont été reçus en audience privée par le Patriarche œcuménique, Sa Sainteté Bartolomeo Ier, qui a encouragé les Églises à poursuivre leur engagement commun et leur collaboration pour rendre un témoignage chrétien commun en Europe et pour donner leur contribution spécifique face aux nombreux défis qui se présentent à elles.
Rencontre 2011
La rencontre du Comité conjoint CCEE-KEK 2011 se tiendra à Belgrade (Serbie) du 17 au 20 février à l’invitation de l’Archevêque catholique, S.Exc. Mgr Stanislav Hocevar, membre du Comité conjoint.
La Conférence des Églises d’Europe (KEK) est une communion de 125 Églises orthodoxes, protestantes, anglicanes et vieux-catholiques de tous les pays d’Europe et de 40 organisations associées. Fondée en 1959, la KEK a des bureaux à Genève, Bruxelles et Strasbourg.
Le Conseil des Conférences épiscopales d’Europe (CCEE) réunit les Présidents des 33 Conférences épiscopales existant actuellement en Europe, représentées de droit par leur Président, ainsi que les Archevêques de Luxembourg, de la Principauté de Monaco et de Chypre des Maronites, et l’Évêque de Chisinau (Moldavie). Il est présidé par le Cardinal Peter Erdö, Archevêque d’Esztergom-Budapest, Primat de Hongrie. Ses vice-présidents sont le Cardinal Josip Bozanic, Archevêque de Zagreb et le Cardinal Jean-Pierre Ricard, Archevêque de Bordeaux. Le Secrétaire général du CCEE est le P. Duarte da Cunha. Le siège du secrétariat se trouve à Saint-Gall (Suisse).