Le contrôle des naissances au coeur de la campagne électorale aux Philippines

Protestation des évêques

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ROME, Mardi 2 février 2010 (ZENIT.org) – Les questions liées à « la santé reproductive » et au contrôle des naissances prennent une place centrale dans la campagne électorale, déplorent les évêques de Philippines. Une analyse de « Eglises d’Asie » (EDA), l’agence des Missions étrangères de Paris (MEP).

A quelques mois des élections générales du 10 mai prochain, la campagne électorale bat son plein entre les dix candidats qui briguent le suffrage des Philippins pour la présidence de la République. Depuis quelques semaines, la position prise par chacun de ces dix candidats sur les sujets liés à « la santé reproductive » et au contrôle des naissances est scrutée à la loupe par la presse et les commentateurs, et l’Eglise catholique, qui a nettement rappelé sa position sur ces questions, se retrouve à nouveau au premier plan de la scène politique.

Le 8 décembre dernier, les évêques catholiques ont très clairement pris position en publiant un long texte détaillé intitulé : « Catéchisme sur la vie et la famille pour les élections 2010 ». Ecrivant que les élections du 10 mai 2010 représentent une échéance dont le caractère n’est pas seulement politique mais « clairement et profondément moral », les évêques rappellent le postulat de base qu’est la défense des valeurs liées à la vie et à la famille : « La seule assurance pour bâtir une société forte est de construire des familles fortes. » Afin de « protéger la société (philippine) d’un afflux de valeurs contraires à la vie et à la famille », les évêques assument le fait qu’ils veulent contribuer « à la bonne formation des consciences ». Ils concentrent notamment leurs critiques sur un projet de loi en discussion devant le Congrès depuis de nombreux mois, la « Loi sur la santé reproductive », qui prévoit un financement public obligatoire de tous les moyens de contraception et des centres de santé où ces moyens sont mis à disposition ; le projet de loi rendra également obligatoires les programmes d’éducation sexuelle dans toutes les écoles, y compris catholiques, à partir de la classe de CM 2 (fifth grade).

Depuis le début, les évêques ont affiché leur opposition résolue à ce texte, et l’actuelle campagne électorale n’a fait que renforcer leur détermination (1). Dans le « catéchisme » du 8 décembre, ils écrivent que les candidats à la magistrature suprême qui affirment soutenir le projet de loi « ne sont pas acceptables, quelle que soit leur position sur les autres sujets » et, par conséquent, ne doivent pas être élus. La vigueur du propos est néanmoins tempérée par l’affirmation conjointe selon laquelle la position d’un candidat sur le projet de loi ne doit pas être l’unique critère sur lequel l’électeur doit se déterminer dans le secret de l’isoloir.

Avec une prise de position d’une telle netteté, qui ne diffère toutefois pas fondamentalement des déclarations faites par les évêques lors des élections de 2004 et de 2007, le sujet a pris une place importante dans le débat politique. Parmi les dix candidats, le sénateur Benigno ‘Noynoy’ Aquino III, qu’un récent sondage place en tête des intentions de vote, s’est défendu d’avoir cédé aux pressions de l’Eglise. Jusqu’ici partisan déclaré de la loi sur la santé reproductive, le sénateur, âgé de 50 ans, fils de l’illustre Cory Aquino, a en effet, lors d’un débat télévisé le 29 janvier, pris quelque distance avec le texte controversé. Il a déclaré être favorable à ce que les Philippins soient informés de tous les moyens de planning familial existants, tout en restant libres de choisir celui qu’ils préfèrent. Tout en redisant son accord avec le préambule du projet de loi, notamment la nécessité pour les Philippines de résoudre le problème de la pauvreté, il a affirmé qu’il « ne pouv[ait] pas soutenir certaines dispositions du texte ». Il conclu qu’à ses yeux, le texte devait changer d’intitulé et passer de « Reproductive Health Bill » à « Responsible Parenthood Bill ».

Face à Noynoy Aquino, figurent parmi les candidats à la présidence des personnalités telles que Joseph Estrada, l’ancien président déchu, ou Eduardo Villanueva, le leader du mouvement évangélique Jesus is Lord. Parmi ceux qui ont clairement pris position sur le texte de loi controversé figure Gilbert Teodoro Jr. Lié au puissant clan des Cojuangco, de San Miguel Corp. (2), Gilbert Teodoro, ancien ministre de la Défense, a soudainement changé d’avis lors d’un forum organisé à Manille fin janvier. Jusqu’ à lors partisan du projet de loi, il s’est déclaré opposé à ce que le choix d’un moyen de contrôle des naissances relève de la loi, affirmant la liberté en ce domaine de chaque Philippin, maître de ses « choix moraux ». Appelé à commenter le changement de position du candidat Teodoro, Mgr Deogracias Iniguez, évêque de Kalookan et président du Comité pour les affaires publiques de la Conférence épiscopale philippine, s’est contenté de dire : « C’est un développement positif s’il a effectivement et réellement changé son cœur. J’espère qu’il n’a pas fait cela dans le seul but de s’attacher les faveurs de l’Eglise. »

Présidente de la branche féminine de la Conférence des supérieurs majeurs des Philippines, Sœur Mary John Manazan connaît bien les questions liées au contrôle des naissances aux Philippines. Selon elle, la campagne électorale a ceci de positif qu’elle oblige le personnel politique comme l’Eglise à afficher ce qu’ils pensent être bon et juste, contribuant ainsi au débat, notamment autour du projet de loi controversé. Sur le fond, elle ne pense pas que la sphère politique exerce une réelle influence sur les choix que les couples font en matière de régulation des naissances. Généralement, les femmes « choisissent en matière de santé reproductive ce qu’elles estiment être bon pour elles-mêmes et leur famille », explique la religieuse à l’agence Ucanews (3). D’après les conversations qu’elle a avec des femmes, celles-ci sont « très attentives à ce qu’elles font en ce domaine ». Elle cite également une étude gouvernementale de 2005 qui indique qu’à peine la moitié des Philippines recourent à une méthode, naturelle ou artificielle, de régulation des naissances.

Selon Mgr Antonio Ledesma, archevêque de Cagayan de Oro, le plus important, en cette période de campagne électorale, est de maintenir le dialogue ouvert. En de telles circonstances, les catholiques ne peuvent faire autrement que de rappeler sans ambiguïté l’enseignement de l’Eglise, mais le débat au sujet du projet de loi doit être mené de manière « non partisane », et être libéré de toute visée politicienne. « Nous devons voir ce qui est bon et rejeter ce qui est mauvais dans ce texte », ajoute-t-il, précisant que le gouvernement devrait proposer davantage d’aides publiques pour la promotion des méthodes naturelles de régulation des naissances, respecter la clause de conscience des travailleurs de la santé ou bien encore ne pas chercher à imposer une éducation sexuelle obligatoire dans les écoles.

(1)           Au sujet de l’opposition de l’Eglise catholique au projet de loi sur la santé reproductive, voir EDA 491, 494, 502

(2)           Fondé en 1890 et baptisé d’après l’archange Michel, San Miguel Corp. est connu pour être le producteur de la bière San Miguel. Figurant parmi les principaux groupes cotés à la Bourse de Manille, très implantée en Asie du Sud-Est, l’entreprise est présente dans l’agroalimentaire et l’emballage. Son chiffre d’affaires représente 3,1 % du PIB philippin.

(3)           Ucanews, 29 janvier 2010.

© Les dépêches d’Eglises d’Asie peuvent être reproduites, intégralement comme partiellement, à la seule condition de citer
la source.

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ZENIT Staff

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