En Jésus l’Ecriture est devenue vivante, elle est devenue Quelqu’un

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Homélie du dimanche 24 janvier, par le P. Laurent Le Boulc’h

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ROME, Dimanche 24 janvier 2009 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile du dimanche 24 janvier, proposé par le P. Laurent Le Boulc’h.

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (1, 1-4; 4, 14-21)

Plusieurs ont entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous, tels que nous les ont transmis ceux qui, dès le début, furent les témoins oculaires et sont devenus les serviteurs de la Parole. C’est pourquoi j’ai décidé, moi aussi, après m’être informé soigneusement de tout depuis les origines, d’en écrire pour toi, cher Théophile, un exposé suivi, afin que tu te rendes bien compte de la solidité des enseignements que tu as reçus.

Lorsque Jésus, avec la puissance de l’Esprit, revint en Galilée, sa renommée se répandit dans toute la région. Il enseignait dans les synagogues des Juifs, et tout le monde faisait son éloge. Il vint à Nazareth, où il avait grandi. Comme il en avait l’habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat, et il se leva pour faire la lecture. On lui présenta le livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit : L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu’ils sont libres, et aux aveugles qu’ils verront la lumière, apporter aux opprimés la libération, annoncer une année de bienfaits accordée par le Seigneur.

Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : « Cette parole de l’Écriture, que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit. »

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Nous venons d’ouvrir la première page de l’évangile de Luc. Au commencement de son évangile, Luc annonce ses intentions d’écrivain. C’est pour son « cher Théophile » qu’il a entrepris d’écrire. Luc revendique auprès de lui le sérieux de son travail. Il a en effet pris le temps de « s’informer soigneusement » auprès de ceux qui ont été les témoins historiques de Jésus.

Ce n’est pas que Théophile soit vierge de toute connaissance. Il a déjà reçu un « enseignement solide », nous dit Luc. On imagine qu’il s’agissait très probablement d’une transmission orale. Théophile avait donc déjà entendu parler de Jésus. Or, Luc ressent l’exigence de passer à l’écrit pour garantir aux générations à venir la qualité d’une parole fidèle au témoignage des premiers compagnons de Jésus avant que ceux-ci ne disparaissent.

Avec ces premières lignes de Luc se réalise donc le passage d’une parole proclamée et transmise oralement à la parole qui sera lue et donnée par écrit.

Après cette introduction de Luc qui s’explique sur son projet d’écriture, l’évangile de la liturgie de ce dimanche nous présente un premier récit, celui de la venue de Jésus dans la synagogue de Nazareth. L’Eglise a en effet sauté par dessus les récits de la naissance et de l’enfance de Jésus qui ont été lus aux temps de l’avent et de noël. Or, dans cette histoire de la synagogue, on a l’impression que c’est un mouvement inverse qui se dessine.

Dans la synagogue de Nazareth, Jésus, le juif pratiquant, respecte la règle liturgique ancienne telle qu’elle nous été présentée dans la première lecture tirée du livre de Néhémie avec la lecture d’Esdras au temple. Jésus déroule le livre d’Isaïe qu’on lui a remis et y lit un passage du chapitre 58. Celui-ci décrit le Messie qui doit venir, le libérateur rempli de l’Esprit de Dieu. Le Christ roule le livre et le remet au servant. Tous, nous dit Luc, ont « les yeux fixés sur lui. » Alors, tous entendent cette parole extraordinaire de Jésus : « cette parole de l’écriture que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit. »

Autrement dit, la Parole d’Isaïe, la promesse d’un Messie et tout ce que Dieu a manifesté de désir pour l’homme, est en train de se réaliser là, aujourd’hui, sous les yeux des gens de Nazareth. Le livre de l’Ecriture est fermé, mais, en Jésus, la Parole continue. Elle devient même plus vivante que jamais car il ne s’agit plus d’écriture, de mots et de verbes seulement, mais de vie et de chair, d’histoire et de sang. En Jésus l’Ecriture est devenue vivante. Elle est devenue Quelqu’un. Jésus est la parole de Dieu devenue homme. Il est le Verbe de Dieu fait chair !

Dans la suite de sa vie, Jésus n’aura rien écrit, à peine quelques signes vite effacés devant la femme adultère. Il n’en avait pas besoin car c’est bien sa vie, toute son existence, sa manière d’être et d’agir, qui est parole. Et l’on comprend qu’au temps des apôtres le témoignage encore tout récent de sa vie parlait plus que tout.

Luc entreprend pourtant de venir à l’écriture car la mémoire s’éloigne. Il ne faudrait cependant pas se méprendre. Si Luc fixe la vie de Jésus dans son évangile ce n’est pas pour la sortir de l’histoire des hommes. Si le travail de Luc n’avait conduit qu’à fossiliser la vie de Jésus en la réduisant à un document d’archives pour nos bibliothèques, il serait passé à côté de son espérance.

Toute la nouvelle écriture de Luc, le récit des évangiles, n’a de sens que si ce texte écrit de son évangile retourne à la vie.

L’évangile n’est donc pas écrit en regardant seulement le passé. Il ne nous est pas donné seulement comme un témoignage d’histoire. Il est fait pour rejoindre nos vies aujourd’hui. Luc a d’ailleurs pris la peine d’écrire à la suite de son évangile le récit des actes des apôtres. Il nous raconte la vie de la première Eglise, comme si tout allait ensemble, et que le témoignage de l’Eglise faisait vraiment partie de l’Evangile. L’Evangile ne va au bout de lui-même que lorsqu’il entre, à nouveau, dans la vie des hommes.

Luc l’évangéliste s’est donc inspiré de la vie de Jésus pour écrire son livre. Jésus, Parole de Dieu faite histoire, est devenu son écriture. Mais cette écriture n’a de sens que si elle redevient histoire en nos vies.

Frères et sœurs, il nous revient de faire entrer l’évangile dans la vie des hommes. Faire entrer l’Evangile dans notre propre histoire. C’est ainsi que la vie de Jésus devenue parole retourne à la vie. La condition c’est que nous écoutions attentivement cette Parole, que nous la recevions le plus profondément possible en nous, que nous la partagions avec nos frères dans l’Eglise devenue corps du Christ, telle que Paul nous l’a présentée dans la seconde lecture.

Frères et sœurs, prenons la pour nous cette Parole de Luc. Prenons-la vraiment au sérieux. Laissons-la inspirer nos manières d’être et de vivre. Laissons-la nous interroger et nous bousculer. Laissons-la nous encourager et nous stimuler dans notre vie de foi d’espérance et de charité.

« Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu’ils sont libres, et aux aveugles qu’ils verront la lumière, apporter aux opprimés la libération, annoncer une année de bienfaits accordée par le Seigneur. » Ce matin c’est à la libération des plus pauvres que la Parole d’Evangile nous appelle et nous pensons une fois encore au drame qui frappe le peuple d’Haïti.

Le signe que l’évangile est devenu Parole de vie pour nous, ce pourrait bien être quand, après avoir lu et médité un passage d’Evangile, nous pouvons dire à notre tour : « Cette parole de l’Écriture, que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit. »

« Cette parole de l’Écriture, que je viens de lire ou d’entendre, c’est aujourd’hui que je l’accomplie. » C’est quand l’Ecriture de Luc devient notre vie qu’elle devient pour les hommes un témoignage aujourd’hui et pour les géné
rations à venir. Amen.

Le P. Laurent Le Boulc’h est curé de la paroisse de Lannion et modérateur de la paroisse de Pleumeur Bodou, secrétaire général du conseil presbytéral du diocèse de Saint Brieuc et Tréguier (Côtes d’Armor – France).

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ZENIT Staff

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