ROME, Lundi 31 août 2009 (ZENIT.org) – « Pie XII et ceux qui lui auraient succédé sur le siège romain sous les noms de Jean XXIII et Paul VI furent, pendant que le conflit faisait rage, aussi bien les défenseurs des raisons humaines et de la justice que des témoins de la charité du Christ », déclare le directeur de L’Osservatore Romano, Gian Maria Vian, dans cette réflexion du 25 août.
« L’Eglise de Rome et la guerre »
Par Giovanni Maria Vian
Au cours de l’été 1939, l’Europe franchit le dernier pas qui la conduisit à précipiter dans l’abîme de la guerre. Un abîme qui, vingt ans seulement après la catastrophe de la première guerre mondiale, s’ouvrit par une série d’horreurs inimaginables. A partir du démembrement de la Pologne – à la suite du pacte, trop souvent oublié, entre l’Allemagne nazie et la Russie soviétique – commença, en effet, le brasier qui incendia une grande partie du vieux continent, le bassin méditerranéen et l’immense zone du Pacifique. Avec la monstrueuse extermination du peuple juif, des destructions sans précédent de civils et de nombreuses villes du vieux continent, jusqu’à l’épilogue nucléaire, lourd de nouveaux cauchemards, qui avec l’anéantissement d’Hiroshima et de Nagasaki, mit fin au conflit déchaîné par le Japon et, de cette manière, aux six années de la guerre la plus sanglante jamais vue sur la terre.
La leçon de la première guerre mondiale ne servit à rien et, au contraire, en découlèrent une succession d’injustices et surtout l’affirmation des totalitarismes – soviétique, fasciste, nazi – qui conduisirent l’Europe et une bonne partie du monde à souffrir de maux inouïs. Face à la guerre, l’Eglise de Rome n’abandonna jamais ces frontières de la paix qu’elle avait commencé à défendre avec difficulté au début du XIX siècle et surtout à partir des trente dernières années du siècle, lorsque la perte du pouvoir temporel avait, de fait, favorisé l’extension de son influence internationale. Et si Pie X, dans ses derniers jours de vie, s’était presque offert comme victime sacrificielle en percevant l’approche de la « grande guerre », Benoît XV se prodigua contre la tragédie européenne insensée qu’il définit, incompris et insulté par les parties opposées, de « massacres inutiles ». Mobilisant, entre autres, une « diplomatie de l’assistance » qui, silencieuse et efficace, aurait recommencé à caractériser l’attitude du Saint-Siège également pendant la deuxième guerre mondiale.
Au cours de leurs respectives charges diplomatiques au coeur de l’Europe en flammes, les futurs Pie XI et Pie XII avaient été les témoins directs de l’apparition des totalitarismes, cause des maux qui se préparaient. Et, parvenus tous les deux à la tête du Saint-Siège, ils virent avec lucidité au cours des années Trente l’inexorable avancée vers la guerre, qu’ils tentèrent de bloquer par la diplomatie, la politique concordataire, la fermeté sur la doctrine catholique, dans une harmonie substantielle qui n’était pas affaiblie par des personnalités et des tempéraments très différents entre eux. Ce ne fut donc pas un hasard si le choix du conclave, très rapide, se porta sur le secrétaire d’Etat de Pie XII. Et Pie XII dut immédiatement faire face à une situation qui précipitait: « Rien n’est perdu avec la paix, tout peut l’être avec la guerre » fut le dernier appel inutile, à la rédaction duquel collabora le substitut Mgr Montini, proche collaborateur du Pape, également dans l’oeuvre de secours tenace immédiatement commencée: au Vatican, à Rome, en Italie et dans beaucoup d’autres pays, où à côté de nombreux catholiques, les représentants pontificaux – comme Mgr Roncalli à Istanbul – se prodiguèrent de toutes les manières pour secourir les persécutés, sans distinctions.
Pie XII et ceux qui lui auraient succédé sur le siège romain sous les noms de Jean XXIII et Paul VI furent ainsi, pendant que le conflit faisait rage, aussi bien les défenseurs des raisons humaines et de la justice que des témoins de la charité du Christ. Avec une prédication de paix que le Pape n’interrompit pas au cours de la guerre et pendant les années suivantes: soutenant le choix de la démocratie, refusant l’attribution d’une faute collective au peuple allemand, s’opposant au totalitarisme soviétique – qui imposa des régimes dictatoriaux à de nombreux pays et sema de nouveaux maux – et soutenant sans hésitations la difficile construction d’un projet unitaire pour cette « vieille Europe, qui fut l’oeuvre de la foi et du génie chrétien » et qui toutefois n’avait pas été capable d’écouter le radio-messae pontifical transmis dans la soirée du 24 août 1939.
Si les catholiques ont su, de multiples façons, apporter des contributions à la reconstruction et à la réconciliation, l’Eglise de Rome a symboliquement conclu la deuxième guerre mondiale avec les élections pontificales de Karol Wojtyla – qui en 1989, cinquante ans après son début, y consacra une lettre apostolique – et de Joseph Ratzinger, précisément soixante ans après la conclusion du conflit que les futurs Jean-Paul II et Benoît XVI subirent en première personnes, fils de nations alors opposées. Du point de vue historique, le double choix du collège des cardinaux a démontré l’inconsistance de nombreux pronostics fondés sur les vieilles convictions à caractère politique, selon lesquelles les élections de 1978 et, surtout, de 2005 auraient été impossibles. La géopolitique de l’Eglise, en somme, est différente. Et cela car, assumant le passé, elle regarde vers l’homme et vers l’avenir en ayant les yeux fixés sur une promesse qui ne sera pas déçue.
© L’Osservatore Romano – 25 août 2009