ROME, Lundi 20 Juillet 2009 (ZENIT.org) – Les relations islamo-chrétiennes et les traditions locales sont conditionnées par la situation mondiale. C’est ce qu’a soutenu Mgr Henri Teissier, archevêque émérite d’Alger, dans une interview publiée par le Centre international d’étude et de recherche « Oasis ».
Pour le prélat d’origine française, qui a vécu la terrible crise terroriste qui a touché le pays au cours des années 90, « le repli de l’identité, arabe pour certains, berbère pour d’autres, musulmane pour d’autres encore » représente « l’Algérie actuelle ».
« Durant les premières années après l’indépendance – affirme-t-il – on parlait de développement, de formation universitaire, d’emplois et de chômage. Aujourd’hui, l’usage principal semble être celui d’apparaître enraciné dans sa propre identité ».
« Un phénomène généralisé », a-t-il souligné, même s’il y a « des personnes qui tentent de quitter le pays en recherche de nouvelles espérances. Et cela ne signifie pas que ce sont des Algériens ou des musulmans pires que les autres ».
Les relations entre chrétiens et musulmans, au contraire, « sont conditionnées par la situation mondiale, qui tend à créer une séparation en deux camps : celui occidental, considéré comme ennemi de l’Islam, et celui islamique ».
« Mais dans la vie concrète – a-t-il précisé – il existe des situations où les chrétiens et les musulmans sont très proches et ont de solides relations d’amitié ».
Des espaces de dialogue existent donc, a-t-il admis, « mais pour que le dialogue continue, il est nécessaire de démontrer que les musulmans sont respectés au niveau mondial. Dans le cas contraire, notre situation devient difficile ».
En effet, a-t-il expliqué, « entre ce qui se passe en Europe et ce qui se passe sur la rive méridionale de la Méditerranée, il y a une forte interdépendance ». « Nous vivons dans un contexte de globalisation et c’est cela l’horizon sur lequel il faut penser la relation entre chrétiens et musulmans ».
« La situation en Algérie a beaucoup changé ces dernières années – a admis Mgr Teissier. Avant, il y avait une tradition non agressive. Il était par exemple possible de participer à des fêtes d’amis musulmans, d’être invités à la rupture du jeûne du mois du Ramadan, ou de partager un repas en commun à l’occasion de la Fête du sacrifice ».
« Maintenant, une tradition moyen-orientale et étrangère à l’histoire locale domine. Celle-ci vise à séparer les musulmans des non musulmans ».
« Les gens se trouvent partagés entre deux traditions – a affirmé l’archevêque émérite d’Alger. Une tradition ouverte, celle de l’Islam populaire, que les Algériens de ma génération ont spontanément interprété, et une tradition très fermée et rigide, qui pousse les musulmans à se méfier des non musulmans ».
Et « cette fermeture ne concerne pas seulement les relations entre musulmans et chrétiens, mais celles entre musulmans ouverts au dialogue et musulmans qui, au contraire, le refuse ».
Il faut, a-t-il donc conclu, « travailler pour faire prévaloir la tradition de l’amitié et de l’ouverture, autrement, ce pays n’aura pas d’avenir ».
En Algérie, on compte moins de 10.000 catholiques sur une population de 33 millions d’habitants. L’islam est la religion d’Etat et la liberté de culte est garantie par la Constitution.
Toutefois, le « Rapport 2008 sur la liberté religieuse dans le monde », rédigé par l’Association Aide à l’Eglise en détresse (ACS), a inséré l’Algérie dans la liste des pays dans lesquels on constate des limites juridiques à la liberté de culte.
En février 2006, une mesure qui discipline l’exercice des cultes non musulmans a été approuvée, dont le véritable objectif est celui de faire face aux conversions croissantes de musulmans au christianisme évangélique.
Le décret-loi approuvé le 21 mars 2006 punit les tentatives de conversion de musulmans par des contraventions de 5 à 10.000 dollars et des peines de prison de 2 à 5 ans.
Le gouvernement algérien a interdit la production et la distribution de textes, audio et vidéos destinés à troubler l’Islam et a par ailleurs réglementé les édifices utilisés par les chrétiens pour les activités religieuses. Il a interdit l’utilisation de maisons comme lieux de culte et toute nouvelle église doit être autorisée.
C’est pourquoi les prêtres doivent désormais demander l’autorisation au gouvernement pour mener des activités pastorales auparavant normales, comme celle de visiter les prisonniers.