ROME, Lundi 13 juillet 2009 (ZENIT.org). – Au Pakistan, un village de chrétiens a été attaqué par des musulmans au nom d’un supposé délit de blasphème, rapporte « Eglises d’Asie » (EDA), l’agence des Missions étrangères de Paris.
Dans la province du Pendjab, le village de Bahmani Wala, situé à une cinquantaine de kilomètres au sud de Lahore, abrite une communauté constituée de 112 familles chrétiennes qui partagent un lieu de culte unique, l’United Church, dédiée à diverses dénominations, y compris catholique. Le 30 juin, environ 50 musulmans, armés de bâtons, de machettes, de cocktails molotov et d’armes à feu, ont investi le village, saccageant tous les biens des chrétiens et faisant irruption dans les maisons pour en chasser les habitants. Un groupe de femmes chrétiennes, surprises à l’heure de la toilette, n’a dû son salut qu’à la fuite ; les assaillants ont jeté de l’acide dans leur direction, sans toutefois les atteindre, mais une jeune femme enceinte a fait une fausse couche peu après. Selon les témoignages recueillis sur place, l’assaut des musulmans a duré deux heures avant que la police n’intervienne et rétablisse l’ordre (1).
Selon le groupe d’enquête mis en place par l’Eglise catholique, l’attaque des musulmans trouverait son origine dans une querelle de voisinage entre un musulman et un chrétien. Le 29 juin, les choses se seraient envenimées et « le lendemain matin, un appel a été lancé à la mosquée du village musulman voisin pour aller mener la djihad contre les chrétiens de Bahmani Wala, coupables d’avoir insulté le Prophète Mahomet », rapporte Abid Gill, membre de la Commission justice et paix de la Conférence des évêques catholiques du Pakistan. « Le religieux qui tenait le micro a appelé les musulmans à mettre les chrétiens en fuite et à se saisir de leurs enfants et de leurs filles »
Un villageois de Bahmani Wala raconte que les assaillants hurlaient des slogans tels que : « Brûlez les isai (les chrétiens) chez eux ! » Il poursuit en expliquant que les musulmans ont volé tout ce qu’ils ont pu et souillé les réserves de nourriture qu’ils n’ont pas pu emporter. « Ils ont fait régner la terreur », explique-t-il.
Pour la minorité chrétienne du Pakistan, coutumière d’attaques dirigées contre elle au nom de la religion, la violence mise en œuvre à Bahmani Wala a été douloureusement ressentie. Mgr Sebastian Shah, évêque auxiliaire du diocèse de Lahore, et son vicaire général ont visité les lieux dès le lendemain, 1er juillet, pour témoigner du soutien de la communauté catholique. Face au boycott observé par les marchands musulmans à l’encontre des familles chrétiennes du village, un camion chargé de vivres a été dépêché depuis Lahore.
Sur place, les autorités provinciales ont réagi avec une inhabituelle promptitude à l’attaque antichrétienne. « Nous avons posté 22 policiers dans le village afin de prévenir tout nouvel acte de violence », a précisé un responsable de la police, tout en ajoutant que « les chrétiens avaient été pris pour cible à la suite d’un malentendu ». Il n’a pas précisé si des recherches étaient menées pour retrouver les responsables de l’attaque du côté musulman, mais il n’a pas démenti le fait que des musulmans impliqués dans l’action avaient déposé une plainte contre onze chrétiens pour blasphème. Au Pakistan, les lois anti-blasphème, contre le Coran et le Prophète, sont connues pour être utilisées par les musulmans pour harceler les non-musulmans ; si leur usage a été parfois critiqué, elles n’ont jamais été sérieusement remises en cause.
Le gouvernement de la province du Pendjab a, par ailleurs, décidé d’allouer des compensations financières aux victimes de l’attaque. Dès le 6 juillet, un membre de l’Assemblée provinciale était à Bahmani Wala pour remettre un chèque de 20 000 roupies (175 euros) à 57 chrétiens dont les maisons ont été pillées. Il a promis que 200 000 roupies supplémentaires allaient être versées à chacun de ces 57 foyers d’ici deux semaines. « Cette aide nous aidera à reconstruire ce qui a été détruit, a témoigné Yousaf Masih, un des bénéficiaires. Mais la peine ne quitte pas nos cœurs. L’argent ne peut racheter la terreur à laquelle nous avons été soumis »
Enfin, toujours au Pendjab, mais cette fois-ci dans la ville de Faisalabad, des manifestations anti-chrétiennes ont éclaté le 1er juillet. Rameutés par une rumeur selon laquelle un chrétien s’était rendu coupable de blasphème, des musulmans ont menacé de s’en prendre à un quartier chrétien. Imran Gill, un chrétien de 26 ans, a été arrêté après que des pages d’un manuel d’études coraniques contenant des versets du Coran eurent été trouvées devant chez lui parmi des vieux papiers destinés à être jetés au feu. Imran Gill a été inculpé de blasphème et incarcéré à la prison de Faisalabad.
(1) Ucanews, 7 et 8 juillet 2009.
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