ROME, Mardi 21 avril 2009 (ZENIT.org) – « Allez maintenant et apportez à tous la paix et l’amour du Christ Sauveur » : c’est le message que le pape Benoît XVI adresse à la famille spirituelle franciscaine.
Le pape a en effet reçu samedi dernier, 19 avril, dans la cour du palais apostolique de Castel Gandolfo, quelque 3000 membres de la famille spirituelle franciscaine à l’occasion du « Chapitre des nattes » qui s’est tenu à Assise depuis le 15 avril, pour marquer le 800e anniversaire du chapitre du même nom, de 1209, chapitre célébrant l’approbation de la règle de vie.
Le pape a ensuite également adressé aux délégations présentes une salutation en anglais, en espagnol et en polonais.
Chers frères et sœurs de la famille franciscaine !
C’est avec une grande joie que je vous donne la bienvenue, en cet anniversaire heureux et historique qui vous a réunis : le VIIIe centenaire de l’approbation de la « proto-règle » de saint François par le pape Innocent III. Huit cents ans ont passé et cette douzaine de Frères est devenue une multitude répandue dans toutes les régions du monde et est aujourd’hui dignement représentée par vous.
Ces derniers jours, vous vous êtes donné rendez-vous à Assise pour ce que vous avez voulu appeler le « Chapitre des nattes », pour évoquer à nouveau vos origines. Et au terme de cette expérience extraordinaire, vous êtes venus ensemble chez le « Seigneur pape », comme aurait dit votre séraphique fondateur. Je vous salue tous avec affection : les Frères Mineurs des trois obédiences, guidés par les Ministres généraux respectifs, parmi lesquels le P. José Rodriguez Carballo que je remercie de ses aimables paroles ; les membres du tiers ordre, et leur ministre général ; les religieuses franciscaines et les membres des instituts séculiers franciscains ; et en particulier je salue l’évêque d’Assise, Mgr Domenico Sorrentino, qui représente l’Eglise d’Assise, patrie de saint François et sainte Claire, et spirituellement tous les franciscains. Nous savons combien le lien avec l’évêque d’Assise de l’époque a été important pour saint François, Guido, qui a reconnu son charisme et l’a soutenu. Ce fut Guido qui présenta François au cardinal Giovanni di San Paolo, qui l’a ensuite présenté au pape et a favorisé l’approbation de la règle. Charisme et institution sont toujours complémentaires pour l’édification de l’Eglise.
Que vous dire, chers amis ? Avant tout, je désire m’unir à vous dans votre action de grâce à Dieu pour tout le chemin qu’il vous a fait accomplir, vous comblant de ses bienfaits. Et en tant que pasteur de toute l’Eglise, je veux rendre grâce pour le don précieux que vous êtes vous-mêmes pour tout le peuple chrétien. A partir du petit ruisseau jailli aux pied du mont Subasio, s’est formé un grand fleuve qui a apporté une contribution notable à la diffusion universelle de l’Evangile. Tout a commencé par la conversion de François qui, à l’exemple de Jésus, « s’est dépouillé » (cf. Ph 2,7) et, épousant Dame Pauvreté, est devenu témoin et héraut du Père qui est aux Cieux. Au Poverello, nous pouvons littéralement appliquer certaines expressions de l’apôtre Paul pour lui-même et que j’aime à rappeler en cette année Saint-Paul : « Je suis crucifié avec le Christ ; et ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi. Ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi » (Ga 2, 19-20). Et ceci encore : « Dorénavant que personne ne me suscite d’ennuis : je porte dans mon corps les marques de Jésus » (Ga 6, 17).
François reflète parfaitement ces pas de Paul et en vérité peut dire avec lui : « Pour moi, vivre, c’est le Christ » (Ph 1, 21). Il a fait l’expérience de la puissance de la grâce divine et il est comme mort et ressuscité. Toutes ses richesses précédentes, chaque motif de fierté et de sécurité, tout devient une « perte » du moment de la rencontre avec Jésus crucifié et ressuscité (Cf. Ph 3,7-11). Tout quitter devient à ce point quasi nécessaire, pour exprimer la surabondance du don reçu. C’est tellement grand que cela requiert un dépouillement total, qui cependant ne suffit pas ; cela mérite une vie interne vécue selon la forme du saint Evangile » (2 Test., 14: Sources franciscaines, 116).
Et ici, nous arrivons au point qui est sûrement au centre de notre rencontre. Je le résumerais ainsi : l’Evangile comme règle de vie. « La Règle et vie des frères mineurs est la suivante : observer le saint Evangile de Notre Seigneur Jésus-Christ », écrit François au début de la Règle (Rb I, 1: FF, 75). Il s’est compris entièrement à la lumière de l’Evangile. C’est son charme. C’est son actualité permanente. Thomas da Celano rapporte que le Poverello « portait toujours Jésus dans son cœur. Jésus sur les lèvres, Jésus dans ses oreilles, Jésus dans ses yeux, Jésus dans ses mains, Jésus dans tous ses autres membres… Ainsi, en se trouvant souvent en voyage et en méditant et en chantant Jésus, il oubliait qu’il était en voyage et il s’arrêtait pour inviter toutes les créatures à louer Jésus » (1 Cel., II, 9, 115: FF, 115). Ainsi le Poverello est devenu un évangile vivant, capable d’attirer au Christ les hommes et les femmes de tous les temps, spécialement les jeunes, qui préfèrent le radicalisme aux demi-mesures. L’évêque d’Assise, Guido, puis le pape Innocent III ont reconnu dans le propos de François et de ses compagnons l’authenticité évangélique, et ils ont su encourager l’engagement en vue aussi du bien de l’Eglise.
Une réflexion vient spontanément : François aurait pu aussi ne pas venir auprès du pape. De nouveaux groupes et mouvements religieux se formaient à l’époque et certains d’eux s’opposaient à l’Eglise comme institution, ou pour le moins ne cherchaient pas son approbation. Sûrement une attitude polémique envers la hiérarchie aurait procuré à François de nombreux disciples. Au contraire, il a tout de suite pensé à mettre son chemin et celui de ses compagnons entre les mains de l’évêque de Rome, le Successeur de Pierre. Ce fait révèle son authentique esprit ecclésial. Le petit « nous » qui avait commencé avec ses premiers frères il l’a conçu dès le commencement à l’intérieur du grand « nous » de l’Eglise une et universelle. Et le pape a reconnu et apprécié cela. Le pape aussi, en effet, aurait pu pour sa part ne pas approuver le projet de vie de François. Et nous pouvons même bien imaginer que, parmi les collaborateurs d’Innocent III, quelqu’un l’ait conseillé dans ce sens, justement peut-être parce qu’il craignait que ce petit groupe de frères ressemble à d’autres agrégations à tendance hérétique et « paupéristes » de l’époque. Au contraire, le souverain pontife, bien informé par l’évêque d’Assise et par le cardinal Giovanni di San Paolo, a su discerner l’initiative de l’Esprit Saint et il a accueilli, béni et encouragé la communauté naissante des « frères mineurs ».
Chers frères et sœurs, huit siècles se sont écoulés, et vous avez aujourd’hui voulu renouveler le geste de votre fondateur. Vous êtes tous des enfants et des héritiers de ces origines. De cette « bonne semence » qu’a été saint François, conformé à son tour au « grain de blé » qui est le Seigneur Jésus mort et ressuscité pour porter beaucoup de fruit, (Cf. Jn 12,24). Les saints re-proposent la fécondité du Christ. Comme François et Claire d’Assise, vous aussi, engagez-vous à toujours suivre cette même logique : perdre sa vie à cause de Jésus et de l’Evangile, pour la sauver et la rendre féconde de fruits abondants. Alors que nous remerciez le Seigneur qui vous a appelés à faire partie d’une « famille » aussi grande et belle, restez à l’écoute de ce que l’Esprit lui dit aujourd’hui, en chacune de ses composantes, pour continuer à annoncer
avec passion le Royaume de Dieu, sur les pas du Père séraphique. Que chaque frère et chaque sœur garde toujours une âme contemplative, simple et joyeuse : repartez toujours du Christ comme François est parti du regard du crucifix de Saint-Damien et de la rencontre avec le lépreux, pour voir le visage du Christ dans nos frères qui souffrent et apporter sa paix à tous. Soyez des témoins de la « beauté » de Dieu, que François a su chanter en contemplant les merveilles de la création, et qui l’a fait s’exclamer en s’adressant au Très Haut : « Tu es beauté ! » (Louange au Très Haut, 4.6: FF, 261).
Très chers, la dernière parole que je veux vous laisser est celle que Jésus ressuscité a confiée à ses disciples : « Allez ! » (Cf. Mt 28,19; Mc 16,15). Allez et continuez à « réparer la maison » du Seigneur Jésus Christ, son Eglise. Ces derniers jours, le tremblement de terre qui a frappé les Abruzzes a gravement endommagé de nombreuses églises, et vous, d’Assise, vous savez bien ce que cela signifie. Mais il y a une autre « ruine » qui est bien plus grave : celle des personnes et des communautés ! Comme François, commencez toujours par vous-mêmes. C’est nous, d’abord, qui sommes la maison que Dieu veut restaurer. Dans la mesure où vous serez capables de vous renouveler dans l’esprit de l’Evangile, vous continuerez à aider les pasteurs de l’Eglise à rendre toujours plus beau son visage d’Epouse du Christ. C’est cela que le pape, aujourd’hui comme aux origines, attend de vous. Merci d’être venus ! Allez maintenant et apportez à tous la paix et l’amour du Christ Sauveur. Que Marie, l’Immaculée, « Vierge faite Eglise » (Cf. Salutation à la bienheureuse Vierge Marie, 1: FF, 259), vous accompagne toujours. Et que vous soutienne aussi cette bénédiction apostolique que je vous accorde de tout cœur, à vous tous ici présents, et à toute la famille franciscaine.
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Traduction : Zenit