ROME, Vendredi 6 mars 2009 (ZENIT.org) – Le 26 février, le pape Benoît XVI a rencontré les curés et les prêtres du diocèse de Rome, comme il le fait chaque année en début de carême. Les prêtres ont posé huit questions, sur différents thèmes, au pape.
Nous publions ci-dessous une synthèse de la cinquième question, et la réponse de Benoît XVI.
Question 5
Question de Don Marco Valentini, vicaire de la paroisse « Sant’Ambrogio » : Sans rien ôter à la formation humaine, philosophique, psychologique, dans les universités et les séminaires, je voudrais comprendre si notre spécificité n’exige pas une formation liturgique plus approfondie, ou bien si la pratique et la structure actuelle des études répondent de manière satisfaisante à la Constitution Sacrosanctum Concilium n. 16, lorsqu’elle dit que la liturgie doit être comptée au nombre des matières nécessaires et les plus importantes, principales et doit être enseignée sous l’aspect théologique, historique, spirituel, pastoral et juridique et que les professeurs des autres matières doivent avoir soin que le lien avec la liturgie soit clair. Je pose cette question parce que, m’appuyant sur le préambule du décret Optatam totius, il me semble que les multiples actions de l’Eglise dans le monde et notre propre pratique pastorale, dépendent beaucoup de notre propre conscience du mystère inépuisable d’être baptisés, confirmés et prêtres.
Benoît XVI – Donc, si j’ai bien compris, la question est la suivante : quel est, dans l’ensemble de notre travail pastoral, multiple et aux très nombreuses dimensions, l’espace et le lieu de l’éducation liturgique et de la réalité de la célébration du mystère. En ce sens, me semble-t-il, c’est aussi une question sur l’unité de notre annonce et de notre travail pastoral, qui a un grand nombre de dimensions. Nous devons chercher quel est le point d’unité, afin que ces nombreuses occupations qui sont les nôtres soient toutes ensemble un travail du pasteur. Si j’ai bien compris, vous êtes de l’avis que le point d’unité, qui crée la synthèse de toutes les dimensions de notre travail et de notre foi, pourrait être précisément la célébration des mystères. Et, donc, la mystagogie, qui nous apprend à célébrer.
Selon moi, il est réellement important que les sacrements, la célébration eucharistique des sacrements, ne soit pas quelque chose d’un peu étrange à côté de travaux plus contemporains comme l’éducation morale, économique, tout ce que nous avons déjà dit. Il peut facilement arriver que le sacrement reste un peu isolé dans un contexte plus pragmatique et qu’il devienne une réalité qui ne soit pas tout à fait intégrée à la totalité de notre être humain. Merci de cette question, parce que nous devons réellement enseigner à être homme. Nous devons enseigner ce grand art: comment être un homme. Cela exige, comme nous l’avons vu, beaucoup de choses : de la grande dénonciation du péché originel aux racines de notre économie et dans les nombreuses branches de notre vie, jusqu’à des orientations concrètes sur la justice, jusqu’à l’annonce aux non-croyants. Mais les mystères ne sont pas quelque chose d’exotique dans l’univers des réalités plus concrètes. Le mystère est le cœur d’où provient notre force et auquel nous retournons pour trouver ce centre. Et c’est la raison pour laquelle je pense que la catéchèse, disons, mystagogique est réellement importante. Mystagogique veut aussi dire réaliste, qui se réfère à notre vie à nous, hommes d’aujourd’hui. S’il est vrai que l’homme n’a pas en lui-même sa propre mesure – qu’est-ce qui est juste et qu’est-ce qui ne l’est pas – mais trouve sa mesure en dehors de lui-même, en Dieu, il est important que ce Dieu ne soit pas lointain mais puisse être reconnu, qu’il soit concret, qu’il entre dans notre vie et qu’il soit réellement un ami avec lequel nous puissions parler et qui parle avec nous. Nous devons apprendre à célébrer l’Eucharistie, apprendre à connaître Jésus Christ, le Dieu à visage humain, de près, entrer réellement en contact avec Lui, apprendre à l’écouter, apprendre à le laisser entrer en nous. Parce que la communion sacramentelle est précisément cette interpénétration entre deux personnes. Je ne prends pas un morceau de pain ou de chair, je prends ou j’ouvre mon cœur pour que le Ressuscité entre en moi, pour qu’il soit en moi et pas seulement en dehors de moi, et qu’il parle ainsi en moi et transforme mon être, me donne le sens de la justice, le dynamisme de la justice, le zèle pour l’Evangile.
Cette célébration, dans laquelle Dieu se fait non seulement proche de nous mais entre dans la trame de notre existence, est fondamentale pour pouvoir réellement vivre avec Dieu et pour Dieu et porter la lumière de Dieu dans ce monde. N’entrons pas à présent dans trop de détails. Mais il est toujours important que la catéchèse sacramentelle soit une catéchèse existentielle. Naturellement, tout en acceptant et en apprenant toujours davantage la dimension de mystère – là où s’arrêtent les paroles et les raisonnements – elle est totalement réaliste, parce qu’elle me conduit à Dieu et conduit Dieu à moi. Elle me conduit à l’autre parce que l’autre reçoit le Christ lui-même, tout comme moi. Donc si en lui et en moi il y a le même Christ, nous ne sommes plus, nous-mêmes, des individus séparés. C’est ici que naît la doctrine du Corps du Christ, parce que nous somme tous incorporés si nous recevons bien l’Eucharistie dans le Christ lui-même. Alors mon prochain m’est réellement proche : nous ne sommes pas deux « moi » séparés, mais nous sommes unis dans le même « moi » du Christ. En d’autres termes, la catéchèse eucharistique et sacramentelle doit réellement arriver au cœur de notre existence, être réellement une éducation à nous ouvrir à la voix de Dieu, à accepter de nous ouvrir pour qu’elle brise ce péché originel de l’égoïsme et qu’elle soit une ouverture en profondeur de notre existence, afin que nous puissions devenir de vrais justes. En ce sens il me semble que nous devons tous toujours mieux apprendre la liturgie, non comme quelque chose d’exotique, mais comme le cœur de notre être en tant que chrétiens, qui ne s’ouvre pas facilement à un homme distant, mais qui est véritablement, d’autre part, l’ouverture vers l’autre, vers le monde. Nous devons tous collaborer pour célébrer toujours plus en profondeur l’Eucharistie : non seulement comme un rite, mais comme un processus existentiel qui nous touche dans notre intimité, plus que toute autre chose, et nous change, nous transforme. Et qui, en nous transformant, inaugure également la transformation du monde que le Seigneur désire et pour laquelle il veut faire de nous ses instruments.
© Copyright du texte original en italien : Librairie Editrice du Vatican
Traduction : Zenit