Sri Lanka : Unité des chrétiens face aux violences interreligieuses et ethniques

Un pays déchiré

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ROME, Vendredi 30 janvier 2009 (ZENIT.org) – Au Sri Lanka, les chrétiens s’unissent contre les violences interreligieuses et ethniques qui déchirent leur pays rapporte aujourd’hui « Eglises d’Asie » (EDA), l’agence des Missions étrangères de Paris.

Du 18 au 25 janvier dernier, à l’occasion de la semaine mondiale de prière pour l’unité des chrétiens, les différentes Eglises chrétiennes du Sri Lanka ont prié pour leur unité, une « nécessité » face à l’augmentation des violences, l’aggravation de la guerre civile et la menace d’adoption par le Parlement sri-lankais d’une loi anti-conversion. « En ces moments décisifs, nous avons besoin de faire l’unité », a déclaré Mgr Valence Mendis, évêque catholique de Chilaw, lors de la célébration œcuménique du 19 janvier qui s’est tenue dans les locaux de l’Armée du Salut, à Colombo.

Selon l’agence Ucanews (1), assistaient à la cérémonie 200 membres des Eglises catholique, anglicane, baptiste, méthodiste, mais également de l’Eglise de Ceylan (2), de la Mission pentecôtiste, de l’Eglise de l’Inde (3) et de l’Armée du Salut. Etaient présents aux côtés de Mgr Mendis, Mgr Duleep de Chickera, évêque anglican de Colombo, et Mgr Cletus Chandrasiri Perea, évêque catholique de Ratnapura. Les participants ont prié pour être « des instruments de paix » et ont reconstitué une carte du Sri Lanka afin de symboliser l’union de leurs Eglises.

Cette semaine de prière suivait de peu la présentation devant le Parlement, d’un projet de loi anti-conversion, assorti d’un contrôle strict de la construction des lieux de culte ainsi que de l’interdiction du prosélytisme. Il s’agit de la dernière version d’un projet de loi régulièrement présenté au Parlement de Colombo depuis 2004 par le parti bouddhiste extrémiste Jathika Hela Urumaya (JHU) (4). En 2004, les organisations chrétiennes avaient récusé la constitutionnalité de ce projet de loi devant la Cour suprême (5), laquelle avait décrété que des modifications étaient nécessaires afin de le mettre en conformité avec  la Constitution du Sri Lanka (6).

Après l’échec de nouvelles tentatives en 2005 et 2006 pour faire voter une loi anti-conversion, le JHU a proposé un projet remanié qui a obtenu l’approbation de la commission parlementaire chargée de l’étudier : il sera débattu en février prochain. Parallèlement, la « Commission sur les conversions illégales », instituée par le Congrès pan-bouddhiste de Ceylan (All Ceylon Buddhist Congress), a rendu public un rapport dénonçant les activités de 384 associations qui seraient, directement ou non, contrôlées par des Eglises ou auraient une affiliation religieuse.

Christy Nesaratnam, 56 ans, directeur d’école méthodiste, connaît bien le rapport de la Commission. Exprimant son inquiétude lors de la semaine pour l’unité des chrétiens, il a expliqué que la Commission demandait à ce que chaque organisation religieuse nouvellement enregistrée s’engage à ne faire de travail d’évangélisation qu’auprès des seules personnes faisant déjà partie de sa communauté de croyants et à ne convertir aucun membre d’une autre religion.

Selon Christy Nesaratnam, la Commission demande également à ce que chaque projet de construction d’un lieu de culte, temple, église ou mosquée, reçoive l’autorisation écrite du fonctionnaire d’Etat local. Il a ajouté que la peur des communautés bouddhistes face à la multiplication rapide des églises au Sri Lanka était à l’origine de ces demandes de réformes, rejoignant ainsi Mgr Mendis qui avait fait remarquer que le christianisme s’était étendu avec une telle rapidité que l’on pouvait voir aujourd’hui des églises dans presque chaque village de l’île (7).

Il concluait en disant que les chrétiens avaient besoin de trouver une approche commune pour affronter ces difficultés à venir, soulignant cependant les divisions au sein de la communauté chrétienne sri-lankaise. Dans la seule ville de Colombo, on dénombre plus d’une trentaine d’Eglises évangéliques différentes. « Réaliser l’unité est un grand défi », a reconnu, lors de la célébration œcuménique du 19 janvier, le Rév. Jayasiri Peiris, de l’Eglise anglicane, qui est également le secrétaire général du Conseil national chrétien du Sri Lanka.

Mgr Mendis, quant à lui, a déclaré que l’unité des chrétiens « n’était pas une option mais une obligation ». L’évêque catholique a rappelé les principaux obstacles à cette unité au Sri Lanka, de la dégradation générale des mœurs à la violation répétée des droits de l’homme, particulièrement dans le cadre de la guerre civile qui déchire aujourd’hui le pays.

Celle-ci fait rage en ce moment dans le nord-est de l’île où les combats s’intensifient autour des dernières poches de résistance des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE). Le 25 janvier, l’armée sri-lankaise a pris le port de Mullaittivu, dernière ville encore aux mains de la guérilla. Les populations civiles qui n’ont pu être évacuées sont toujours prises au piège dans la zone des combats, malgré les nombreux appels au cessez-le-feu lancés par la communauté internationale et les responsables des Eglises chrétiennes.

Jeudi 29 janvier, les équipes des Nations Unies ont évacué 350 personnes grièvement blessées, parmi lesquelles 50 enfants, après que les Tigres tamouls eurent empêché pendant une semaine les véhicules sanitaires affrétés par la Croix-Rouge internationale (CICR) et l’ONU, d’accéder aux victimes civiles de la région de Mullaittivu (8). Les troupes du gouvernement traquent, quant à elles, les quelque 2 000 Tigres tamouls, dont leur chef Velupillai Prabhakaran, qui se cachent dans une jungle où survivent de 150 000 à 300 000 civils. Dans les camps de personnes déplacées établis par l’armée gouvernementale, les Tamouls font l’objet de contrôles très étroits, les soldats cherchant à repérer les personnes qui ont collaboré avec les Tigres.

(1)            Ucanews, 29 janvier 2009.

(2)            The Church of Ceylon est l’une des six provinces ecclésiastiques anglicanes, sous l’administration directe de l’archevêque de Cantorbéry.

(3)            The Church of India (ou Church of India, Pakistan, Burma and Ceylon, CIPBC) est une Eglise juridiquement autonome de la Communion anglicane.

(4)            Au sujet du projet de loi intitulé « Bill on Prohibition of Forcible Conversion », voir EDA 308, 390, 392, 393, 395 (document annexe), 400, 419.

(5)            A l’époque, les évêques du Sri Lanka avaient déclaré à propos des « conversions non éthiques » que se proposait d’interdire le projet de loi : « Nous condamnons avec force toute tentative de conversions non éthiques, parce qu’elles s’opposent à l’enseignement du christianisme, qui soutient la liberté de conscience […]. Mais nous affirmons sans équivoque que chacun a la liberté d’accepter, dans sa volonté libre, une autre religion. Cette liberté est sacrée et inviolable, et est garantie par la Déclaration universelle des droits de l’homme, ainsi que par notre Constitution. Toute tentative de limiter cette liberté fondamentale est une violation flagrante des droits de l’homme. Une loi pour empêcher les conversions non éthiques ne peut et ne doit en aucun cas restreindre cette liberté de conscience. »

(6)            La Cour suprême avait statué en déclarant deux points du projet de loi, non compatibles avec l’article 10 de la Constitution, qui garantit la liberté religieuse et le droit de professer ou d’adopter une religion ou un credo de son propre choix.

(7)            Sur 20 millions de Sri-Lankais, 69 % sont bouddhistes, 15 % hindous, 8 % musulm
ans. Les 1,5 million de chrétiens représentent environ 8 % de la population. Parmi eux, on compte 1,3 million de catholiques.

(8)            Selon le CICR (Comité international de la Croix-Rouge), depuis le 1er janvier, les combats ont fait des « centaines » de victimes civiles et une crise humanitaire majeure est en cours dans cette région où des milliers de personnes sont bloquées dans la zone des combats. (CICR, 27 janvier 2009).

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ZENIT Staff

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