ROME, Dimanche 18 janvier 2009 (ZENIT.org) – La nouvelle fait la une du portail ligne de l’Eglise catholique en France : le théologien et historien français Olivier Clément est décédé à Paris le 15 janvier 2009 au soir, à l’âge de 87 ans. Il était membre du Conseil d’Eglises chrétiennes en France (CECEF) et ancien membre du Comité mixte catholique-orthodoxe.
Dans un communiqué diffusé le 16 janvier, l’Assemblée des Evêques Orthodoxes de France (AEOF) rend hommage à une « personnalité marquante et attachante de l’Orthodoxie en France, en Europe et de par le monde », souligne le site de la conférence des évêques français.
Agrégé d’histoire, professeur au lycée Louis-le-Grand à Paris, il a enseigné à l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge et publié une trentaine d’ouvrages de théologie.
Un hommage unanime
Frère Alois, prieur de la communauté de Taizé, sur laquelle Olivier Clément a écrit un livre, a déclaré notamment : « La mort d’Olivier Clément nous touche, nous les frères de Taizé, jusqu’au plus profond de nos coeurs. C’était un ami proche. Par ses paroles lors de ses visites à Taizé, ou par ses livres, non seulement il nous a aidés à aimer l’orthodoxie, mais il a nourri notre foi et notre vie intérieure. Il était le témoin d’une communion réalisée entre l’Orient et l’Occident ».
Il a ajouté : « Quand il rencontrait frère Roger, ces deux hommes pourtant si différents se comprenaient presque sans paroles, ils avaient la même vision d’un Dieu qui ne juge pas l’être humain mais qui ne peut qu’aimer ».
A Rome, la communauté catholique de Sant’Egidio évoque un autre livre d’Olivier Clément en rappelant que « de sa proximité avec le patriarche oecuménique Athénagoras est né un monument de la littérature spirituelle du XXe siècle, « Les Dialogues avec Athénagoras », qui constitue encore aujourd’hui une source de grande sagesse spirituelle ».
Amoureux de la beauté divine
« Olivier Clément était par excellence un être « philocalique », un véritable amoureux de la beauté divine qu’il recherchait et décryptait dans le monde et dans toute personne et qu’il retraduisait par une pensée théologique puissante et abondante, s’exprimant dans une parole poétique pleinement enracinée dans la vie et la tradition de l’Eglise », relève le site dans le communiqué orthodoxe.
Cette « philocalie » et cette poésie ont traversé ses méditations pour le traditionnel Chemin de croix du Vendredi Saint au Colisée à Rome, que Jean-Paul II lui avait confiées.
Voir en Dieu tout visage d’homme
Ce 10 avril 1998, le théologien orthodoxe avait proposé des méditations sur le « visage » et sur la place donnée aux Saintes Femmes par les Evangiles : elles ont « le rôle majeur », écrivait-il, à part Jean, étant « les seules fidèles, à la fois les plus exposées et les plus aimantes ».
Olivier Clément associait la présence des femmes et le geste de compassion de Véronique, reproduit par les chemins de croix de tradition franciscaine. Il avait choisi cette expression franciscaine pour se « couler dans la sensibilité catholique ». « Pour un orthodoxe, expliquait-il, entrer dans la spiritualité franciscaine de la Via Crucis, c’était tenter d’en souligner la profondeur non seulement humaine mais divino-humaine ».
Il s’arrêtait donc, lors de la VIe station, à ce geste de Véronique « essuyant le visage du Christ d’un voile où il s’imprime et se transmet à nos églises: tant de Saintes Faces où se montre en pleine pâte humaine le visage de Dieu, afin que désormais nous puissions voir en Dieu tout visage d’homme ».
L’ouverture sans limite de l’amour
Dans la méditation sur le visage du Christ, il écrivait: « On disait alors d’un esclave qu’il est « sans visage », et voici que le plus beau des fils des hommes n’est plus que cet esclave torturé qu’on voit d’autant moins qu’on le torture. Ainsi il est identifié à tous les « sans-visages » du monde, ceux qu’on frappe pour les défigurer et voler leur âme, ceux qui n’ont en face d’eux, pendant des heures, que les écrans des ordinateurs, ceux qu’on désire sans aimer et les riches de fausse jeunesse fardée ».
Et à propos du geste de Véronique et du « visage de Dieu », il continuait: « Seule une femme, un être de tendresse et de compassion, d’un geste de mère ou d’amante, a libéré ton visage du masque de sueur, de sang, de crachats. Et voici que la sainte-Face imprimée sur le voile de Véronique ou celui que reçut un roi d’Edesse ou le suaire brûlé du feu de l’Esprit, se multiplie dans nos églises pour nous apprendre à déceler, sous tant de masques, le visage de l’homme, sous tant de masques, le visage de Dieu ».
Pour le théologien, lors de la Passion du Christ, « Dieu descend volontairement dans le mal, dans la mort – un mal, une mort dont il n’est nullement responsable, dont peut-être il n’a même pas l’idée, a dit un théologien contemporain -, pour s’interposer à jamais entre le néant et nous, pour nous faire sentir, nous faire vivre, qu’au fond des choses, il n’y a pas le néant mais l’amour ».
Il continuait: « Dieu se révèle ici non comme une plénitude écrasante, qui juge et qui condamne, mais comme l’ouverture sans limite de l’amour dans le respect sans limite de notre liberté ».
L’amitié et la prière
Enfin, commentant la dimension oecuménique de cette méditation, confiée depuis plusieurs années par le pape à des personnalités spirituelles non-catholiques, il disait: « sur la route du Golgotha, il ne peut plus y avoir de séparation ». Et si les tensions persistent au niveau du dialogue officiel, confiait-il alors à Radio Vatican, avec de « fortes réactions identitaires », il affirmait qu’il y a toujours une place, pour le rapprochement entre les chrétiens, pour « l’amitié » et la « prière ».
Un message actuel, que le départ d’Olivier Clément pour l’autre rive rappelle avec vigueur, au moment où commence la grande Semaine de prière pour l’Unité des chrétiens.
Anita S. Bourdin