ROME, Jeudi 9 octobre 2008 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous la synthèse des interventions prononcées au synode des évêques sur la Parole de Dieu, dans la matinée du 7 octobre (troisième congrégation générale).
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– S.Em. le Card. Angelo SODANO, Doyen du Collège des Cardinaux (CITÉ DU VATICAN)
En qualité de Doyen du Collège des Cardinaux, le Cardinal Angelo Sodano a adressé un salut fraternel aux Pères Synodaux et à tous les Membres présents.
Parmi eux se trouvent de nombreux Cardinaux, et leur présence représente une belle forme d’intégration et de collaboration entre ces deux organismes que sont le Synode des Évêques et le Collège des Cardinaux, tous deux appelés à prêter leur propre aide au Pasteur de l’Église universelle.
Le Card. Sodano a ensuite exprimé deux souhaits au sujet du thème spécifique de cette Assemblée.
Le premier souhait concerne le vrai concept de Parole de Dieu, qui ne se limite pas à la Parole écrite, contenue dans la Bible, mais concerne aussi la Parole orale, contenue dans la Tradition de l’Église.
Le second souhait porte sur l’importance des presbytres dans l’annonce de la Parole de Dieu. Bien que ne se trouvant pas au sommet du sacerdoce et dépendant des Évêques dans l’exercice de leur fonction, en vertu du Sacrement de l’Ordre sacré, ils sont également consacrés pour prêcher l’Évangile du Christ et pour guider le Peuple de Dieu. Aujourd’hui, plus que jamais, leur union avec les Évêques est irremplaçable, dans une forme communautaire radicale d’annonce de la Parole salvifique.
[Texte original: italien]
– S.Em. le Card. Franc RODÉ, C.M., Préfet de la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie Apostolique (CITÉ DU VATICAN)
1. La nature évangélique de la vie consacrée
La vie consacrée est « profondément enracinée dans l’exemple et dans l’enseignement du Christ Seigneur… » (VC, 1) et à l’Évangile « a continué de s’inspirer tout au long des siècles et c’est à lui qu’elle est appelée à revenir constamment pour se maintenir vivante et féconde en portant du fruit pour le salut des âmes » (Benoît XVI, 2 février 2008). Une famille religieuse, a rappelé Benoît XVI, « par sa présence, devient (…) « exégèse » vivante de la Parole de Dieu » (ibid).
2. La centralité de la Parole de Dieu dans le renouveau de la vie consacrée
Le renouveau auquel sont constamment invitées les personnes consacrées trouve sa modalité la plus adaptée dans le retour aux racines évangéliques des charismes de manière à y trouver des inspirations toujours nouvelles. Si chaque charisme constitue une parole évangélique de l’unique Parole, donc des aspects particuliers de la totalité de l’Évangile, en vivant pleinement l’Évangile, les personnes consacrées trouveront la lumière pour cueillir la dimension évangélique particulière sur laquelle s’est greffé leur institut.
Tel est le chemin que les personnes consacrées devront parcourir en communion avec toutes les autres vocations dans l’Église.
3. L’apport que la vie consacrée peut offrir à toute l’Église en vivant la Parole
Nous espérons que les Pères Synodaux pourront reconnaître la grande contribution que la vie consacrée a donnée et continue à offrir à toute l’Église dans le domaine de l’étude et de l’exégèse de la Parole (École Biblique de Jérusalem, Institut Pontifical Biblique, Studium Biblicum Franciscanum) et en matière d’approfondissement vital de la Parole (Lectio divina).
[Texte original: italien]
– S.Exc. Mgr Mark Benedict COLERIDGE, Archevêque de Canberra-Goulburn (AUSTRALIE)
Le Concile Vatican II a appelé à un renouveau de la prédication qui implique la transformation du sermon, compris essentiellement comme une exposition de la doctrine catholique, de la dévotion et de la discipline, en une homélie comprise essentiellement comme une exposition et une application de l’Écriture. Une telle modification n’a été accomplie qu’en partie. L’une des raisons de cette modification partielle est que la prédication a souvent tendance à considérer le kerygme comme acquis, et cela à un moment où le kerygme ne peut pas l’être au sein des cultures occidentales. Dans ce cas, le risque est de voir la prédication subir une réduction moraliste qui peut provoquer l’intérêt ou l’admiration, mais non la foi qui sauve. La prédication ne constituera pas une expérience de la puissance du Christ.
Une nouvelle évangélisation requiert une formulation et une proclamation nouvelles du kerygme en vue d’une prédication missionnaire plus puissante. Afin de promouvoir ce type de prédication, il faudrait préparer un Directoire général pour les homélies sur le modèle du Directoire général pour la catéchèse et de l’Instruction générale du Missel Romain. Ce directoire devrait se dessiner sur l’expérience de l’Église universelle afin de fournir une structure sans que soit suffoqué le génie des Églises particulières ou des prédicateurs individuels. Il aiderait à assurer une préparation plus solide et plus systématique des prédicateurs dans les séminaires et dans les maisons de formation, et ce à une époque où tous reconnaissent le caractère vital de la prédication, sachant que la célébration de l’Eucharistie dominicale avec son homélie représente, pour la plupart des Catholiques, le seul point de contact avec la Parole de Dieu.
[Texte original: anglais]
– S.Exc. Mgr Broderick S. PABILLO, Évêque titulaire de Sitifi, Évêque auxiliaire de Manilai (PHILIPPINES)
Des directives s’avèrent nécessaires pour aider les Catholiques à interpréter la Bible d’une manière correcte. Présentons clairement ces directives. Elles pourraient inclure les critères suivants pour une lecture catholique de la Bible:
1) Connaître la Bible ce n’est pas seulement connaître un livre, mais c’est connaître et se mettre en relation avec la Personne du Christ. 2) La liturgie est le premier lieu de rencontre de la Bible comme Parole de Dieu. 3) Une vraie compréhension de la Bible devrait être en accord avec la vie authentique (comme la vie des saints), les pratiques et les enseignements de l’Église. 4) Une compréhension correcte des Saintes Écritures devrait être guidée, et par la foi et par l’étude. 5) Chaque passage de la Bible doit être lu dans le contexte de l’unité profonde des Saintes Écritures. 6) Une compréhension correcte de la Bible devrait tenir compte et s’adresser aux situations concrètes de notre temps. 7) La lecture de la Bible ne doit pas se terminer par une simple connaissance; c’est un appel à la conversion et à la transformation. 8) L’usage correct de la Bible devrait promouvoir l’unité au sein de l’Église et entre les Églises. 9) Nous devons aborder la Bible avec un esprit d’humilité; cela nous permet d’estimer l’interprétation de la Bible par les pauvres.
Je suggère fortement qu’il existe une plus grande interaction entre les spécialistes bibliques et les opérateurs pastoraux. Ils devraient rechercher, ensemble, des méthodes de compréhension et des thèmes d’étude qui approfondiraient la foi de nos populations dans le cadre de nos propres cultures.
[Texte original: anglais]
– S.Em. le Card. Francis Eugene GEORGE, O.M.I., Archevêque de Chicago, Président de la Conférence Épiscopale (ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE)
Parler de la Parole de Dieu dans l’Église, c’est parler de la Parole de Dieu dans les vies des croyants. Les Pasteurs devraient prêter attention à la conversion des imaginations, des esprits et des volontés de ceux auxquels ils proclament la Parole de Dieu et pour lesquels ils interprètent l’Écriture.
Trop souvent, l’imagination contemporaine a perdu l’image de Dieu en tant qu’acteur de l’histoire. L’esprit contemporain trouve peut de cohérence dans les livres de la Bible et n’est pas informé par la regula fidei. Le coeur contemporain n’a pas été modelé par le cult
e et par la soumission à la Parole de Dieu au long de l’année liturgique.
Si la puissance de la Parole de Dieu dans la Sainte Écriture doit être ressentie dans la vie et dans la mission de l’Église, les pasteurs devraient prêter attention au contexte personnel tout autant qu’au texte inspiré.
[Texte original: anglais]
– Très Rév. P. Carlos Alfonso AZPIROZ COSTA, O.P., Maître Général de l’Ordre des Frères Prêcheurs
Le « primat » de la Sainte Écriture a son fondement dans la vie trinitaire elle-même.
C’est ce qu’ont bien compris les grands Docteurs médiévaux (saint Albert le Grand, saint Bonaventure, saint Thomas d’Aquin) pour lesquels la procession des personnes, dans l’unité de l’essence divine, est « la cause et la raison explicative de la procession des créatures elles-mêmes ».
Le Verbe, genitus Creator, a en effet du Père, ab aeterno, la volonté de s’incarner et de souffrir pour nous.
Dieu a voulu se révéler à l’humanité de manière humaine au travers des cultures, des personnes et des langages humains ainsi que de la vie même de Jésus. Si cette manière constitue pour nous une garantie de la valeur de notre nature, de l’histoire et des cultures humaines – avec leurs différents langages -, elle nous pose de complexes problèmes d’interprétation.
En effet, comme la réalité de la création n’est pas compréhensible rationnellement sans un fondement métaphysique adapté – l’analogia entis -, de même la connaissance de la Sainte Écriture demande un approfondissement des cultures et des genres littéraires dans lesquels elle a été exprimée en vue d’une perception moins inadéquate de son sens littéral et d’une reconnaissance de la qualité analogique des termes qui y sont utilisés.
Toute l’Église, dans son annonce infatigable, continue à confier avec espérance à chaque culture la « Bonne Nouvelle » afin qu’elle soit accueillie, comprise avec une plus grande plénitude, vécue et ré-annoncée avec des accents nouveaux.
Dans l’histoire récente de l’Église, on a mis en lumière, non sans difficultés, les nécessités de cette interprétation « critique » du texte et donc de la Sainte Écriture (frère Marie-Joseph Lagrange O.P., 1855-1938), qui met en évidence également son fondement historique et sa richesse; le fait qu’elle est, justement, un chant à plusieurs voix.
La foi chrétienne, par ailleurs, en tant que « religion », doit être tout d’abord considérée comme « religion de l’Esprit », parce que le Nouveau Testament est principalement le même Esprit Saint qui produit en nous la charité, et seulement dans un second temps, également en tant que « lettre », elle peut être considérée comme « religion du Livre ».
Ce processus de révélation et de salut est aussi un dévoilement de la veritas iustitiae de notre vie, de la justice de Dieu qui est fondement de la vérité de notre être et qui est, pour nous, avant tout, « justice justifiante », c’est-à-dire fondée sur sa miséricorde qui est le fondement permanent de la justice divine parce qu’elle en constitue la racine première et son couronnement.
[Texte original: italien]
– S.Em. le Card. Joachim MEISNER, Archevêque de Cologne (ALLEMAGNE)
L’Écriture Sainte est le livre de l’Église. Elle est née dans l’Église. Elle a établi le canon de l’Écriture Sainte. L’Écriture Sainte est liée à l’Église par un lien organique. Une parole du Père dit: « L’Écriture Sainte est inscrite dans le coeur de l’Église avant que de l’être sur un parchemin ».Son lieu légitime est l’ambon dans la cathédrale pour la catéchèse épiscopale. L’évêque, en communion avec les autres évêques et avec le Pape, doit annoncer la Parole en toutes circonstances, opportune ou inopportune. Depuis la chaire, l’évêque remet l’Écriture Sainte aux chrétiens afin qu’ils lisent la Parole de Dieu dans la communauté de l’Église et, de telle manière, qu’ils la vivent et en portent témoignage.
[Texte original: allemand]
– S.Exc. Mgr Laurent MONSENGWO PASINYA, Archevêque de Kinshasa, Président de la Conférence Épiscopale (RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO)
Je parle au nom de la conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO). Mon intervention porte sur l’interprétation des Écritures et les sectes (Instrumentum Laboris [IL] nos 16-19; 56; DV n° 12).
1. Il est communément admis que toute parole est un langage et que tout langage appelle une interprétation, surtout s’il s’agit d’un texte écrit. À cause du recul historique et de la distance spatiale, en effet, les mots et les signes, les métaphores et les symboles peuvent acquérir des surcroîts de sens et des harmoniques susceptibles d’orienter le lecteur vers des sens autres que ceux initialement vou1us par l’auteur.
2. Tel est le cas pour les Écritures Saintes dont Dieu, l’auteur et l’inspirateur principal, destine le message à toutes les générations dans le temps et dans l’espace (cf. Mt 28,19-20 ; Mc 16,5). Ce fait rend dès lors légitime et plausible une interprétation existentiale, contextuelle et inculturée de l’Écriture, basée sur la phase finale et constituée du texte biblique (cf. COMMISSION BIBLIQUE PONTIFICALE [CBP], L’interprétation de la Bible dans l’Église, I.A-B : méthodes littéraires). La doctrine des quatre sens de l’Écriture trouve ici un fondement solide et une application.
3. À ce sujet, il faut noter cependant que l’Écriture Sainte elle-même invite son interprète à beaucoup de prudence et d' »intelligence » (Lc 24,25). Ainsi, les mises en garde de l’Écriture interpellent-elles face au phénomène des sectes. Car celui-ci n’est pas nouveau: il remonte aux origines de l’Église. Dans sa première lettre (1 Jn, écrite vers 95 ap. J.C.), Jean mentionne déjà des dissidents qui ne confessent plus « Jésus venu dans la chair » (1 Jn 4,2-3), sont sortis de la communauté et se sont exclus de la foi apostolique (1 Jn 2,19-24).
4. Toutefois, loin de nous apaiser, la prolifération cancéreuse des sectes de tous genres et aux motivations les plus diverses a de quoi inquiéter les pasteurs de l’Église. D’autant que leur doctrine est généralement basée sur une interprétation fondamentaliste de l’Écriture Sainte (cf. CBP, L’interprétation, I.F). Pourtant plusieurs textes bibliques dissuadent une telle interprétation et incitent plutôt à recourir à des critères établis. Ainsi, par exemple, la réaction de Jésus lui-même face à la gifle du garde au palais du grand-prêtre Anne (Jn 18,22-23) montre-t-elle clairement que la présentation de l’autre joue dont parle Matthieu en 5,39, est une hyperbole à ne pas prendre au pied de la lettre. Mais Jésus, contrairement à la loi du talion (Mt 5,38), « ne rend pas le mal pour le mal »: il pardonne (cf. Rm 12,21). L’apôtre Pierre, pour sa part, parle des lettres que son « cher frère Paul » a écrites » selon la sagesse qui lui a été donnée » et qui contiennent « des points obscurs, que les gens sans instruction et sans fermeté détournent de leur sens … » (2 P 3,15-16). C’est dire qu’il y a des normes d’interprétation des Écritures, dont Pierre et les apôtres se portent garants (cf. 2 P 1,16-19). Le même Pierre affirme qu' »aucune prophétie d’Écriture n’est objet d’explication personnelle »… , car « c’est poussés par l’Esprit Saint que des hommes ont parlé de la part de Dieu »(2 P 1,20-21). Et Pierre de stigmatiser les « faux docteurs » et leurs « sectes pernicieuses »… Il faut dire que plusieurs des sectes actuelles répondent au profil décrit ici par le Prince des Apôtres: conduite douteuse, blasphème contre la vérité, cupidité, paroles trompeuses, trafic d’influences (2 P 2,2-3). Il s’ensuit que la meilleure voie de dialogue avec les sectes s’avère être une saine interprétation des Écritures Saintes.
5. Les textes susmentionnés nous fournissent les critères suivants pour l’interprétation de l’Écriture Sainte: l’Esprit Saint (cf. aussi DV 12), la Tradition apostolique (norma normans), la communion avec le Corps de l’Ég1ise (cf. 1 Jn 1,3), la confession de la foi de l’Ég1ise
(analogia fidei), la cohérence avec toute l’Écriture (analogia scripturae) (cf. IL nos 16 et 21). Ces critères nous protègent d’une interprétation fondamentaliste et subjective de la Parole de Dieu. Il sied de s’y référer notamment dans les efforts communs d’oecuménisme.
[Texte original: français]
– S.Exc. Mgr Florentin CRIHĂLMEANU, Évêque de Cluj-Gherla, Claudiopoli-Armenopoli des Roumains (ROUMANIE)
Les documents du Concile Vatican II parlent du patrimoine de l’Église indivis (cf. OE 1) qui doit être valorisé pour que l’Église catholique puisse respirer avec ses deux poumons.
Il serait souhaitable de rappeler la liaison entre la Parole de Dieu et l’hymnographie byzantine (Canon de saint André de Crète, canons de Romain le Mélode, canons de Jean Damascène etc.) tout comme les prières mariales classiques: la Paraclèse et l’Acathistos qui constituent pratiquement un résumé et un précis théologique de différents passages de la Sainte Écriture selon la lecture interprétative et applicatrice des Pères de l’Église.
Ceci vaut également pour la très riche tradition de l’iconographie orientale, véritable catéchèse visuelle et précis de théologie symbolique, complément de la Parole (cf. 1 Jn 1, 1-3), écrite par l’iconographe sur inspiration de l’Esprit Saint, en prière, selon la tradition de l’Église et présentée à nous comme « théologie visuelle », vêtue de formes, de couleurs et de symboles spécifiques. L’icône constitue une aide possible à la Lectio divina (surtout lorsqu’il s’agit de personnes qui ne savent pas lire ou d’enfants) et également pour la prière contemplative personnelle ou en communauté.
La Parole de Dieu méditée et appliquée se retrouve également à différents niveaux dans le langage symbolique de l’art sacré byzantin: « La Parole proclamée et écoutée est contenue dans la Bible; construite en formes architectoniques, elle ouvre les portes du Temple; chantée et représentée sur la scène hiérophanique du culte, elle constitue la Liturgie; mystérieusement dessinée, elle s’offre à la contemplation, en « théologie visuelle », sous la forme de l’icône ». La théologie symbolique montre quelles immenses perspectives s’ouvrent, à partir de l’Écriture dans la liturgie, pour approfondir notre foi, pour transformer notre vie en une liturgie quotidienne et pour récupérer, nous-mêmes, le visage de l’icône selon laquelle nous avons été créés.
[Texte original: italien]
– S.Exc. Mgr Pierre-Marie CARRÉ, Archevêque d’Albi (FRANCE)
« Où demeures-tu? » demandent les premiers disciples à Jésus. La suite de l’Évangile révèle la demeure de Jésus dans l’Eucharistie et la Parole gardée dans le coeur.
Si les conditions nécessaires ne sont pas réunies, la lecture de l’Écriture ne portera pas de fruits. La constitution dogmatique Dei Verbum est un texte de Vatican II trop peu connu. Elle permet en particulier de tenir de manière juste et équilibrée l’aspect humain et l’aspect divin des Écritures.
Ainsi, et grâce au travail des exégètes, les difficultés souvent signalées quand on aborde la Bible pourront être dépassées.
Ces dernières années, en France, une forte insistance a été placée sur la Lectio divina. Mais trop peu de personnes la pratiquent encore. Il convient de proposer des moyens simples pour la pratiquer et éviter les obstacles souvent rencontrés: découragement ou subjectivisme de la lecture.
Il faut lire l’Écriture dans l’Esprit selon lequel elle a été écrite. Enfin, nous la recevons de l’Église. Rejoindre l’expérience spirituelle des grands saints aide à la découvrir de l’intérieur car le même Esprit agit dans l’Église, suscite les saints, a inspiré les auteurs sacrés et parle au coeur de chacun.
[Texte original: français]
– S.Em. le Card. André VINGT-TROIS, Archevêque de Paris, Président de la Conférence Épiscopale (FRANCE)
Écriture et théologie. (I.L. n° 16-17)
1. Comment lire la Bible et comment produire de la théologie pour que l’acte théologique trouve dans les Ecritures saintes son principe de vie et son unité?
2. Dans la recherche du sens du texte biblique, l’interprète sera attentif, demande le Concile, à son genre littéraire et aux circonstances historiques de son écriture. Autrement dit, la Bible est une littérature humaine. Le Concile ajoute que le fidèle interprète ne sera pas moins attentif à l’harmonie des Écritures de l’ancienne et de la nouvelle Alliance, à l’unité des Écritures et de la Tradition et à l’analogie de la foi.
3 .L’herméneutique chrétienne des Écritures est la clé de la catéchèse dont elle seule donne la structure théologique et anthropologique unifiée et unifiante.
4. L’exégète et le théologien, s’ils ne sont pas la même personne, sont appelés à scruter la lettre ensemble, en disciples du « seul docteur » (Mt 23, 10). Le sens des Écritures est théologique; la théologie est la recherche du sens des Écritures.
5. C’est en raison d’une « lacune philosophique » qu’on limite l’exégèse à la détermination de la dimension historique et littéraire de la lettre ou qu’on expose la théologie hors d’un contact vivant aux Écritures. Pour la Bible, l’histoire est lettre et esprit. La Bible n’est pas écrite pour nous faire savoir ce qui s’est passé exactement, mais pour nous assimiler à ce qui s’est passé et se passera vraiment.
[Texte original: français]
– S.Exc. Mgr Norbert Klemens STROTMANN HOPPE, M.S.C., Évêque de Chosica (PÉROU)
« La nécessité de la « perspective externe » sur le Synode »
Je voudrais remercier le Secrétaire du Synode pour l’excellent Instrument de travail. Derrière le caractère extraordinaire du texte, on perçoit le grand soin qui y a été apporté.
Malgré cela, je voudrais offrir aux travaux du Synode une ouverture de perspective du point de vue latino-américain.
L’Église en Amérique latine au cours des 40 dernières années a perdu près de 15% de ses fidèles au profit de mouvements non catholiques qui se fondent justement sur des stratégies bibliques.
L’Amérique Latine représente aujourd’hui 43% du catholicisme mondial, qui, à son tour, a diminué de 14% par rapport à la croissance de la population mondiale. La défection de 2,3% des catholiques en Amérique Latine représente pour le catholicisme mondial une perte de 1%. En tant que représentants de 43% de l’Église qui sont toujours mentionnés – de manière incompréhensible – dans les statistiques et également dans les documents du Synode sous la mention « Amérique », nous attendons au moins que ce Synode fournisse quelques suggestions positives en vue d’une contre-stratégie pastorale centrée sur le terrain biblique contre ceux qui possèdent une pastorale biblique et nous rendent l’action pastorale difficile.
J’explique ma demande d’un élargissement de perspective : les espaces d’action stables de la tradition ont peu besoin d’analyse par rapport au monde qui les entoure. Ce dernier est bien connu et calculable. Dans la mesure où se met en marche l’espace d’action sociale – qui ne se connaît pas et ne peut pas être calculé – cette perspective extérieure doit être promue.
Quand la mer est plate et tranquille, vous pouvez laisser le bateau avec le pilote automatique; vous devez seulement déterminer la prochaine zone problématique et reprendre la barre en main au bon moment. Mais le pilote automatique, quand la mer est agitée et que les fonds ne sont pas connus, est inutilisable.
Le présent texte prend comme exemple le bateau, les principes de sa construction et la stabilité de la navigation mais non pas l’environnement de la situation météorologique générale. Il est d’abord un texte de théologie fondamentale avant d’être un texte de théologie pastorale, il est plus théologique que pastoral.
Sans doute toute bonne pastorale a besoin d’une identité théologique propre: cette dernière en est la prémice nécessaire. Toutefois, elle n’est pas une condition suffisante puisque la pa
storale comporte une bonne connaissance des objets de la pastorale – et donc de la personne impliquée et de sa situation – tout comme une évaluation adéquate des possibilités institutionnelles.
Dans son livret « Ratzinger y Juan Pablo II – La Iglesia entre dos Milenios » (2005) , l’auteur, Olegario Gonzàles de Cardedal, identifie deux points extrêmes de la situation actuelle de l’Église: obsession de l’identité, d’une part, qui, sur le terrain de la foi, finit dans le fondamentalisme, ou, en matière ecclésiale, se traduit dans le phénomène des sectes ; et une grande envie d’importance, d’autre part, qui porte au sein de la société d’aujourd’hui à la dissolution de l’Église.
Je suis d’accord avec vous: une identité claire pour ce qui concerne la fonction de base de la Parole de Dieu pour l’Église est nécessaire. On devrait seulement procéder sans négliger la perspective extérieure dans les eaux actuellement mouvementées pour l’Église:
Nous n’avons plus le temps ; et nous n’en avons certainement pas pour des comparaisons avec l’actuelle tempête économico-politique. Aussi conclurai-je par une petite plaisanterie biblique : nous ne devrions pas seulement pas seulement rester au centre du navire à nous occuper des questions relatives à sa construction pour en améliorer la dérive. Comme les apôtres, après avoir reçu l’esprit dans la Pentecôte, nous devrions nous demander : comment faire pour sortir de cette salle, car la Parole de Dieu et l’Esprit de Dieu veulent toucher le peuple, et cela à travers nous.
[Texte original: allemand]
– S.Em. le Card. Péter ERDŐ, Archevêque d’Esztergom-Budapest, Président du Conseil des Conférences Épiscopales d’Europe (C.C.E.E.) (HONGRIE)
1. Dans le Document de travail, la question herméneutique dans la perspective pastorale (1ère Partie, chapitre II, B) est très justement développée par thème. Il faut, d’une part, chercher le sens et le message d’origine ainsi que celui transmis par la tradition de l’Église dans les textes bibliques, et, d’autre part, il faut également tenir compte de la perspective qui est offerte aux personnes de notre époque, c’est-à-dire à celles qui entendent la Parole de Dieu, pour que la perception du texte devienne une écoute authentique.
2. Une juste interprétation, par l’Église, s’avère absolument nécessaire dès la première rencontre avec la Parole de Dieu. Les risques d’une interprétation arbitraire sont particulièrement grands dans un milieu culturel comme le nôtre, où les catégories élémentaires de la recherche de la vérité historique elle-même semblent faire défaut. Les publications, plus à sensation que scientifiques, peuvent créer une grande confusion également dans la pensée des fidèles et, parfois, même chez les prêtres. Le plus grand risque n’est pas que certains ne savent pas quel crédit ils peuvent accorder à un écrit apocryphe, par exemple à l’Évangile de Judas, mais le fait qu’un grand nombre de personnes n’ont aucune idée sur la manière de distinguer entre des sources crédibles ou non de l’histoire de Jésus Christ. Il semble même que nombreux sont ceux qui ne donnent pas d’importance au fait d’en rechercher la véritable histoire, car ils raisonnent, également sur l’histoire, d’une manière subjective et subjectiviste. Aussi, la perte des catégories générales dans notre culture provoque une difficulté particulière pour la connaissance et la compréhension de la Parole de Dieu.
[Texte original: italien]
– S.Em.le Card. Philippe BARBARIN, Archevêque de Lyon (FRANCE)
Dans la Bible, il faut tout lire! Au coeur de la Parole de Dieu, l’Écriture est une source qui irrigue toute la vie de l’Église. Il est essentiel d’entourer la liturgie de la Parole d’une belle solennité, car elle est la rencontre habituelle entre Dieu et son peuple. Les lectures liturgiques doivent être choisies en fonction d’un critère essentiel: l’unité du message que nous offre cette Parole. Même si les découpages posent de vraies questions, certaines absences en posent davantage. Cela est dû à des peurs infondées qu’il faut dénoncer.
Par exemple, on ne lit jamais, le dimanche, Mat. 23, 13-31: «Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites… » qui donne pourtant un éclairage si utile sur l’enseignement des Béatitudes (et les vendeurs chassés du Temple, une fois tous les trois ans). Douterions-nous que la colère de Jésus n’est qu’une expression de son amour?
Certaines omissions affadissent notre catéchèse. En racontant l’histoire de l’enfant Samuel, on passe sous silence le contenu du message, si dur pour un enfant (1 Sam 3, 1-10; ou Jérémie 15. 16, 1 Rois 19, 12-18). Il ne faut pas cacher ce que la transmission de la Parole peut nous coûter.
Il y a une autre cause dans l’omission de certains passages. En 2 Pi, 12-21, l’auteur veut laisser un message fort: «J’emploierai mon zèle à ce qu’en toute occasion, après mon départ, vous puissiez vous remettre ces choses en mémoire».
Témoin oculaire de la Transfiguration, il rappelle que les Écritures donnent à connaître la Présence de Notre Seigneur. Son objectif est que l’on ne perde pas la mémoire, et le contact avec les Écritures, dont la vie de Jésus est l’accomplissement. Cette parole a, pour ainsi dire dans la Bible, la valeur d’un testament spirituel donné à toute l’Église: Méfiez-vous de l’orgueil qui vous conduirait à penser que les paroles anciennes n’ont plus d’intérêt. Il nous faut au contraire tenir «plus fermement à la parole prophétique ».
Cette exhortation n’est pas déplacée non plus pour les juifs. N’accueillent-ils pas la parole prophétique surtout comme une invitation renouvelée à obéir à la Torah ? En vérité, les prophètes nous rappellent que Dieu peut faire irruption librement dans la vie de son peuple. Tenons donc encore plus fermement à leur parole, après que Jésus nous en a montré le sens et la portée.
Toujours est-il qu’au fil des siècles, on a vu chez les chrétiens cette triste tendance à «oublier» les saintes Écritures, à les regarder comme «des fables sophistiquées». Nous avons besoin au contraire que, «portés par l’Esprit Saint, des hommes continuent de nous parler de la part de Dieu». Les Écritures demeurent «une lampe qui brille» dans nos ténèbres présentes. Elles nous gardent dans l’humilité,«en attendant que le jour rayonne et que l’étoile du matin se lève dans nos coeurs».
C’est pourquoi, jusqu’à la venue du Seigneur, il nous faut continuer à lire toutes les Écritures.
[Texte original: français]
– S.Exc. Mgr Luciano MONARI, Évêque de Brescia (ITALIE)
C’est l’humanité glorieuse du Christ ressuscité qui rend vivante et efficace la parole de la Bible, ainsi que toute l’économie sacramentelle. En Jésus ressuscité, sont ressuscités toutes ses paroles, tous les gestes qu’il a accomplis dans sa vie terrestre et qui ont contribué à délinéer concrètement sa figure humaine; en Lui est ressuscité, et donc perpétuellement actuel, le don qu’il a fait de Lui-même sur la croix. Quand l’Église, obéissant au commandement du Christ, annonce sa parole, cette parole établit un lien avec le Seigneur ressuscité: c’est Lui-même qui s’adresse à sa communauté, l’aime, l’appelle, la corrige, l’exhorte, la console.
C’est pourquoi la place de l’Écriture Sainte dans la vie de l’Église est irremplaçable: c’est d’elle, de la Parole, que dépend la possibilité même d’un chemin de foi compris comme rencontre avec le Christ, vie d’amitié avec Lui. Il est pratiquement impossible d’initier à la foi sans mettre les personnes en contact direct, personnel avec Jésus Christ, par la parole de la Bible.
Par conséquent, il est nécessaire que cette approche à la Bible devienne la plus ample possible et qu’elle concerne toute la Bible. L’Écriture Sainte possède un maximum d’actualité et donc d’énergie spirituelle quand elle est proclamée dans l’eucharistie; mais il est aussi vrai que cette efficacité extrême ne devient réelle que lo
rsque les paroles, qui sont proclamées, sont écoutées, comprises, aimées, intériorisées, ce qui suppose une grande familiarité que seule la lecture constante peut offrir.
[Texte original: italien]
– S.Exc. Mgr Lawrence HUCULAK, O.S.B.M., Archevêque de Winnipeg des Ukrainiens (CANADA)
Dans la Divine Liturgie byzantine (Liturgie eucharistique), avant la proclamation du Saint Évangile, le célébrant récite une prière de préparation qui rappelle les thèmes de l’événement de la Transfiguration, comme nous les trouvons dans l’Évangile de saint Matthieu (17, 1-8). Le célébrant demande que nos esprits soient ouverts afin que nous puissions comprendre le message de l’évangile du Christ. Il ajoute que la crainte des saints commandements du Christ soit insufflée en nous, afin que nous puissions maîtriser tous nos désirs charnels et suivre un chemin de vie spirituel. Un tel chemin de vie spirituel signifie penser et faire tout ce qui plaît au Christ, car le Christ éclaire nos âmes et nos corps. C’est pourquoi nous rendons une gloire infinie à la Sainte Trinité.
La proclamation du Saint Évangile offre, surtout à ceux qui y sont disposés, l’opportunité d’entrevoir une partie de la gloire de Dieu. Il s’agit d’un moment eschatologique de la révélation divine. Pour cela, nous devons, de notre part, faire de ce moment liturgique un temps sacré adapté à un tel événement.
Le célébrant qui proclame le Saint Évangile doit être conscient de sa grande responsabilité. Il préparera donc, auparavant, les lectures. Il proclamera la bonne nouvelle avec la plus grande clarté. Il maîtrisera les langues nécessaires afin que les participants, comme Moïse et Élie, puissent dialoguer avec le Seigneur.
Le Saint Évangile doit pénétrer dans l’esprit à travers le coeur, et pour que cela se produise, il faut le présenter avec une grande ferveur. On ne peut le faire ni machinalement ni négligemment. Ces mêmes qualités s’appliquent à l’homélie qui, elle aussi, présente et met en application le message évangélique.
La proclamation de l’Évangile doit éclairer les participants, mais aussi inspirer en eux un respect mêlé de crainte de Dieu, car c’est ce même Dieu qui a créé la lumière à partir des ténèbres. Les participants doivent rencontrer la théophanie qui est Jésus, c’est-à-dire le Fils de Dieu comme annoncé par la voix du Père.
[Texte original: anglais]
– S.Exc. Mgr Raymond SAINT-GELAIS, Évêque de Nicolet (CANADA)
La Parole de Dieu retentit dans les Écritures. Mais elle ne reste pas enfermée dans les écrits. Elle va bien au-delà du livre. Car c’est d’abord une personne qui s’adresse à l’humanité avant d’être un texte à étudier. Dieu a inauguré un dialogue vivant avec l’humanité et sa Parole ouvre à toutes les générations des horizons inattendus de vérité et de signification.
Dans les célébrations liturgiques, il revient à l’homélie d’introduire l’assemblée dans le mystère de la Parole que Dieu lui adresse dans sa vie concrète. Elle favorise ainsi le rapport entre la Parole de Dieu et la culture, entre la foi et la vie. De plus, elle doit faire entrer les fidèles dans le mystère qu’ils célèbrent.
[Texte original: français]
– S.Exc. Mgr Luis Antonio G. TAGLE, Évêque d’Imus (PHILIPPINES)
Le Synode traite à juste titre de la disponibilité à l’écoute. Dans les Écritures, lorsque les personnes écoutent la Parole de Dieu, elles font l’expérience de la vraie vie. Si elles refusent de le faire, leur vie s’achève en tragédie. L’écoute est une chose sérieuse. L’Église doit former des auditeurs de la Parole. Or, l’écoute n’est pas transmise uniquement par l’enseignement, mais plutôt par un environnement favorable à l’écoute. Je propose trois approches afin d’approfondir la disposition à l’écoute.
1. Notre préoccupation est l’écoute dans la foi. La foi est un don de l’Esprit, mais elle est aussi un exercice de la liberté humaine. Écouter avec foi signifie ouvrir le coeur à la Parole de Dieu, en nous laissant pénétrer et transformer, et en la pratiquant. Elle équivaut à l’obéissance dans la foi. La formation à l’écoute est une formation à la foi intégrale. Les programmes de formation devraient être conçus comme des programmes d’écoute holistique.
2. Les événements dans notre monde montrent les effets tragiques du manque d’écoute: conflits dans les familles, fossés entre les générations et les pays, violences. Les personnes sont emprisonnées dans un environnement fait de monologues, d’inattention, de bruit, d’intolérance et d’égocentrisme. L’Église peut offrir un milieu de dialogue, de respect, de réciprocité et de dépassement de soi.
3. Dieu parle et l’Église, sa servante, prête sa voix à la Parole. Mais Dieu ne parle pas seulement. Dieu écoute aussi, en particulier les justes, les veuves, les orphelins, les persécutés et les pauvres qui n’ont pas de voix. L’Église doit apprendre à écouter à la manière de Dieu et offrir sa voix aux sans voix.
[Texte original: anglais]
– S.Exc. Mgr Joseph Luc André BOUCHARD, Évêque de Saint Paul in Alberta (CANADA)
Le paragraphe 22 de l’Instrumentum Laboris affirme: « Le Peuple de Dieu doit être éduqué à découvrir cet immense horizon de la Parole de Dieu, en faisant en sorte que la lecture de la Bible ne soit pas compliquée ».
Depuis Vatican II, nombreux ont été les efforts pour que la Parole de Dieu soit mise à la portée des fidèles. Toutefois il existe « un certain fossé entre les experts et les Pasteurs et entre les communautés chrétiennes (i. L.7). Que la fédération Biblique Catholique mondiale (CBF), appuyée par le magistère avec les autres Dicastères romains, étudie la possibilité de mettre sur pied des Congrès Internationaux sur la Parole de Dieu pour permettre une lecture » cum Ecclesia » de l’Écriture.
[Texte original: français]
– Très Rev. P. Ab. Glen Adrian LEWANDOWSKI, O.S.C., Maître Général de l’Ordre de la Sainte Croix
Le kérygme comme Évangile
Le langage que les apôtres parlaient était un langage kérygmatique, un sermon chargé de la bonne nouvelle transformatrice. Et la réponse de la foi parmi les auditeurs de la Parole était aussi marquée par l’Esprit de transformation.
L’exordium de l’Ordre de la Sainte-Croix affirme que Jésus, le fils crucifié: » monta sur la Sainte Croix pour répandre une parole de vie. » Jésus lui-même, élevé sur la croix, est un héraut de l’Evangile de la vie.
Le genre littéraire du kérygme est plus une proclamation joyeuse qu’une prédication agressive.
Le kérygme dans l’Eucharistie
Le kérygme biblique résonne dans les prières eucharistiques de l’Église. Nous regrettons la façon dont l’histoire passée en vint à isoler l’institution de la narration comme la consécration, en la séparant de son contexte kérygmatique et en la mettant sous silence.
Il est tout à fait heureux, comme Jean-Paul II l’a préconisé, que nous soyons entièrement ouverts devant Dieu pour la proclamation de l’Évangile et la récitation de la prière eucharistique, que nous nous efforcions d’atteindre de nouveau la vertu pascale de la joie.
[Texte original: anglais]
– S.Exc. Mgr Benjamin Marc RAMAROSON, C.M., Évêque de Farafangana (MADAGASCAR)
Qu’est-ce que nous, à Madagascar, à travers notre contact avec la Parole de Dieu et nos humbles expériences, pouvons apporter en ce sens pour que la Parole soit vivante et efficace en ce début du troisième millénaire ?
Seulement je souhaite que la fraîcheur de la lecture de la Parole vécue au sein de notre culture et de notre peuple aide l’Église toute entière, aussi bien nous dans notre défi d’inculturer la foi que les Églises d’Occident dans leur cheminement vers la nouvelle Évangélisation.
Cette exégèse que j’ose appeler « exégèse enracinée dans la culture » comportant des exigences d’une authentique inculturation n’est pas un simple « vernis » mais une « personna
lisation »de la foi nourrie par la Parole bien accueillie et toute imprégnée de notre tradition ancestrale.
La majorité de nos populations ne savent ni lire ni écrire. La fréquentation de la Parole de Dieu se limite souvent à la lecture faite à l’église au moment des célébrations liturgiques.
Heureusement, cette triste situation n’empêche pas la Parole de Dieu de prendre racine et engendre même de belles et merveilleuses surprises.
Notre culture n’est pas sans analogie avec la pédagogie de Jésus dans l’Évangile.
Ces personnes qui ne savent ni lire ni écrire ont un fort sens du sacré et comprennent le » langage symbolique ». De ce fait, beaucoup de livres de la Bible, notamment les Évangiles, ne sont pas étrangers aux pauvres gens de nos campagnes. Ces Écrits leur apparaissent très proches car l’environnement littéraire dans lequel ils ont été composés est proche de leur vie. Il leur est facile de commenter cette parole et on est souvent surpris par la profondeur de certains commentaires spontanés qui pourraient bien étonner des spécialistes. Parfois, la richesse de ces commentaires, marqués par une profondeur spirituelle qui ne trompe pas, rappelle ceux des Pères de l’Église. Ce n’est pas une exégèse scientifique mais une exégèse dans son sens premier, c’est-à-dire une interprétation qui aide à accueillir l’enseignement d’un texte dans sa pureté.
Puis-je, profitant de ce Synode, suggérer aux exégètes, à nous Pasteurs, de tenir compte de cette forme d’approche, différente de nos études scientifiques certes mais si enrichissante surtout pour la lectio divina car, le but de l’exégèse est ce qu’évoque St Paul : « comprendre, avec tous les saints, ce qu’est la Largeur, la Longueur, la Hauteur et la Profondeur, de connaître l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance »… (Eph 3,18-19).
Que la Sainte Vierge qui a su conserver et méditer « tout cela dans son coeur » nous y aide.
[Texte original: français]
– S.Exc. Mgr Ricardo BLÁZQUEZ PÉREZ, Évêque de Bilbao (ESPAGNE)
Le jour du Seigneur, l’homélie est partie intégrante de la célébration eucharistique. Elle occupe une place privilégiée dans le ministère de la Parole de Dieu; elle constitue l’un des services les plus importants que l’évêque et le prêtre peuvent assurer à la communauté des fidèles chrétiens.
Il est opportun que, lors de la préparation de l’homélie, le prédicateur se pose au moins trois questions: Que disent les lectures qui vont être proclamées au cours de la célébration? Que me disent-elles à moi personnellement? Que dois-je communiquer aux participants à l’Eucharistie? Sans que l’homélie soit transformée en catéchèse, elle doit disposer d’un contenu doctrinal clair et vigoureux. Même si cela peut sembler paradoxal, celui qui préside la célébration est le premier destinataire de sa prédication. Il ne s’agit pas d’une parole destinée seulement aux autres et, évidemment, il ne s’agit pas non plus d’une parole lancée contre d’autres. Le prédicateur se référera à lui-même aussi bien dans le langage qu’il emploiera, que dans les exhortations, les corrections et les appels à la conversion adressés à la communauté.
Dans l’homélie, la vie de chaque personne, avec ses besoins et ses espoirs, et l’annonce de la Parole de Dieu convergent. Il existe un transvasement entre la vie et la célébration que le prédicateur doit faciliter. L’homélie doit aider les auditeurs à interpréter l’histoire à la lumière de la mort et de la résurrection de Jésus ainsi qu’Il le fit avec les disciples d’Emmaüs.
L’homélie est un écho de la prédication de Jésus dans la Synagogue de Nazareth. Après avoir lu un passage du prophète Isaïe, il proclame: « Aujourd’hui s’accomplit à vos oreilles ce passage de l’Écriture » (Lc 4, 21). L’homélie n’est pas seulement le récit de ce qui a été dit, de ce qui a eu lieu et s’inscrit dans le passé, mais aussi l’actualisation avec la force de l’Esprit Saint de ce que le Seigneur a dit et fait. Ce qui est proclamé comme s’étant réalisé « in illo tempore » et « in diebus illis »s’accomplit aussi « hodie ». La liturgie de l’Église est le lieu privilégié dans lequel les Écritures sont Parole de Dieu pour la communauté.
[Texte original: espagnol]
– S.Exc. Mgr Gerald Frederick KICANAS, Évêque de Tucson, Vice-Président de la Conference Episcopale (ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE)
L’assemblée eucharistique se trouve là où l’Église est constituée. La Parole prêchée dans cette assemblée réconforte, soulage, apporte l’espérance, inspire, insuffle joie, réjouit, confronte, enseigne et lance des défis. La Parole prêchée révèle et affirme le meilleur des idéaux et des désirs humains placés par Dieu dans le coeur de l’homme. La Parole prêchée nous inspire, par l’intermédiaire de l’Esprit, à vivre, à nous mouvoir et à placer notre véritable être dans le Christ. Par la grâce, elle change nos vies. Malheureusement, la prédication peut, de nos jours, devenir insipide, devenir une simple formulation ayant perdu son inspiration et laissant un vide chez celui qui l’écoute. Aux évêques, aux prêtres et aux diacres incombe la responsabilité de prêcher durant la Messe. Comment pouvons-nous améliorer la prédication de la Parole de Dieu? Qu’est-ce qu’il se passerait si, après cette Année de Saint Paul, l’Église universelle proclamait une année de prédication dans l’assemblée eucharistique?
Qu’est-ce qu’il se passerait si, en cette année de prédication, les prêtres et les diacres étudiaient, ensemble avec leurs évêques, ce qu’il faut pour mieux prêcher? Qu’est-ce qu’il se passerait si, en cette année de prédication, les prêtres et les diacres, ensemble avec leurs évêques, se rencontraient avec les laïcs pour écouter leurs difficultés? Ils pourraient discuter ensemble de quelle manière la prédication pourrait inspirer les laïcs à devenir un levain pour le monde, portant les valeurs de l’Évangile dans les problèmes de leur temps. Qu’est-ce qu’il se passerait si, en cette année de prédication, l’on procédait à une exploration approfondie du potentiel catéchétique de l’homélie du dimanche? Si tous ces « si » se concrétisaient, alors le nouveau printemps pour la chrétienté, dont parle le Saint-Père, pourrait éclore et s’épanouir dans toute l’Église, renouvelant l’Église, renforçant l’évangélisation, intensifiant la catéchèse et promouvant le rôle du disciple.
[Texte original: anglais]
Traduction française : secrétairerie générale du synode des évêques