Jésus est celui qu’il dit être ou il est le plus grand fou exalté de l’histoire

Commentaire de l’évangile du dimanche 24 août, par le P. Cantalamessa

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ROME, Vendredi 22 août 2008 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile du dimanche 24 août, proposé par le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale.

Evangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu (Mt 16, 13-20)

Jésus était venu dans la région de Césarée-de-Philippe, et il demandait à ses disciples : « Le Fils de l’homme, qui est-il, d’après ce que disent les hommes ? »
Ils répondirent : « Pour les uns, il est Jean Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres encore, Jérémie ou l’un des prophètes. »
Jésus leur dit : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? »
Prenant la parole, Simon-Pierre déclara : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! »
Prenant la parole à son tour, Jésus lui déclara : « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de
la Mort ne l’emportera pas sur elle. Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. »
Alors, il ordonna aux disciples de ne dire à personne qu’il était le Messie.

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Pour vous, qui suis-je ?

On trouve dans la culture et dans la société d’aujourd’hui, un fait qui peut nous aider à comprendre l’Evangile de ce dimanche : le sondage d’opinion. Il est utilisé un peu partout, mais surtout dans le domaine politique et le domaine commercial. Jésus veut aussi un jour réaliser un sondage d’opinion, mais, à des fins – nous le verrons – différentes : non pas politiques, mais éducatives. Arrivé dans la région de Césarée-de-Philippe, c’est-à-dire la région la plus au nord d’Israël, lors d’un moment de tranquillité, alors qu’il était seul avec les apôtres, Jésus leur pose la question à brûle-pourpoint : « Le Fils de l’homme, qui est-il, d’après ce que disent les hommes ? ». Il semble que les apôtres n’en attendaient pas plus pour pouvoir finalement ouvrir la porte à toutes les voix qui circulaient sur son compte. Ils répondent : « Pour les uns, il est Jean Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres encore, Jérémie ou l’un des prophètes ». Mais Jésus n’était pas intéressé par son degré de popularité ou son niveau d’appréciation auprès des gens. Son but était bien différent. Il poursuit donc en demandant : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? ».

Cette deuxième question, inattendue, les déroute totalement. Silence et regards qui se croisent. Si à la première question on lit que les apôtres « répondirent », tous ensemble, en chœur, cette fois le verbe est au singulier ; une seule « réponse », Simon-Pierre : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! ». Entre les deux réponses se trouve un saut abyssal, une « conversion ». Si au début, pour répondre, il avait suffit de regarder autour de soi, d’avoir écouté les opinions des personnes, maintenant chacun devait regarder en soi, écouter une voix bien différente, qui ne vient pas de la chair et du sang, mais du Père qui est aux cieux. Pierre a été l’objet d’une illumination qui vient « d’en haut ».

C’est la première reconnaissance claire, si l’on s’en tient aux Evangiles, de la véritable identité de Jésus de Nazareth. Le premier acte de foi public de l’histoire ! Pensons au sillage produit sur la mer par un beau navire. Celui-ci s’élargit à mesure que le navire avance, jusqu’à se perdre à l’horizon. Mais il commence par une pointe qui est la pointe même du navire. Ainsi en est-il de la foi en Jésus Christ. C’est un sillage qui s’est élargit au cours de l’histoire, jusqu’à atteindre « les extrémités de la terre ». Mais qui commence par un point. Et ce point est l’acte de foi de Pierre : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! ». Jésus utilise une autre image, qui, plus que le mouvement, fait ressortir la stabilité ; une image verticale plus qu’une image horizontale : roc, pierre : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église » :

Jésus change le nom de Simon, comme cela se fait dans la Bible quand quelqu’un reçoit une mission nouvelle et importante: il l’appelle Képhas, Pierre. La véritable pierre, la « pierre angulaire » est, et reste, lui, Jésus. Mais une fois ressuscité et remonté au ciel, cette « pierre angulaire », même si elle est présente et active, est invisible. Il faut un signe qui la représente, qui rende visible et efficace dans l’histoire ce « fondement inébranlable » qu’est le Christ. Et ce sera précisément Pierre et, après lui, celui qui le remplacera, le pape, successeur de Pierre, en tant que chef du collège des apôtres.

Mais revenons à l’idée du sondage. Le sondage de Jésus, nous l’avons vu, se déroule en deux temps, et comporte deux points fondamentaux : le premier : « Le Fils de l’homme, qui est-il, d’après ce que disent les hommes ? » ; le deuxième, « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? ». Jésus ne semble pas accorder beaucoup d’importance à ce que les gens pensent de lui ; ce qui l’intéresse c’est de savoir ce que ses disciples pensent de lui. Il les presse avec ce : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? ». Il ne leur permet pas de se retrancher derrière les opinions des autres, il veut qu’ils donnent leur opinion.

La situation se répète aujourd’hui, pratiquement à l’identique. Aujourd’hui aussi « les gens », l’opinion publique, a ses idées sur Jésus. Jésus est à la mode. Voyons ce qu’il en est dans le monde de la littérature et du spectacle. Il ne se passe pas une année sans que soit publié un roman ou paraisse un film avec sa vision propre déformée et désacralisée du Christ. Le cas du Da Vinci Code de Dan Brown est le plus célèbre et suscite tant d’émules.

Puis l’on trouve ceux qui sont à mi-chemin, comme les gens de son temps, et qui considèrent Jésus comme « un des prophètes ». Une personne fascinante, que l’on place au niveau de Socrate, Gandhi, Tolstoï. Je suis sûr que Jésus ne méprise pas ces réponses, parce que de lui on dit que « le roseau froissé, il ne le brisera pas, et la mèche fumante, il ne l’éteindra pas », c’est-à-dire qu’il sait apprécier chaque effort honnête de la part de l’homme. Mais c’est une réponse qui ne tient pas, pas même dans la logique humaine. Gandhi ou Tolstoï n’ont jamais dit : « Je suis le chemin, la vérité et la vie », ou même « qui aime son père et sa mère et sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ».

Avec Jésus on ne peut pas s’arrêter à mi-chemin : ou bien il est celui qu’il dit être, ou il n’est pas un grand homme, mais le plus grand fou exalté de l’histoire. Il n’y a pas de voie intermédiaire. Il existe des édifices et des structures métalliques (je crois que la Tour Eiffel à Paris en est une) ainsi faits que si l’on touche un certain point, ou si l’on ôte un élément, tout s’écroule. Ainsi en est-il de l’édifice de la foi chrétienne, et ce point névralgique est la divinité de Jésus Christ.

Mais laissons les réponses des personnes et venons en à nous, chrétiens. Il ne suffit pas de croire dans la divinité du Christ, il faut également en témoigner. Qui le connaît et ne témoigne pas de cette foi, et même la cache, est plus responsable devant Dieu que celui qui n’a pas cette même foi. Dans une scène de l’oeuvre dramatique de Paul Claudel : « Le père humilié », une enfant juive, très belle mais aveugle, faisant référence au double sens de la lumière, demande à son ami chrétien : « Vous qui voyez, quelle utilisation avez-vous fait de
la lumière ? ». C’est une question adressée à chacun de nous qui nous disons croyants.

Traduit de l’italien par Zenit

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ZENIT Staff

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