Le congrès, qui s’est déroulé au Centre culturel Don Orione Artigianelli, était promu par Pax Romana et le Mouvement ecclésial d’engagement culturel dans le but d’affronter la question de la candidature de la Turquie à l’Union européenne.
Dans son intervention, prononcée le 10 novembre sur « la fonction publique des religions en Europe » le cardinal Scola a constaté que « le phénomène qui domine la scène mondiale en ce début de troisième millénaire, est un processus de mélange inédit de peuples, de cultures et de civilisations que l’on appelle couramment, en élargissant un thème cher à l’anthropologie culturelle, métissage de cultures et de civilisations ».
« Avec ce terme, a-t-il expliqué, je me réfère à un processus en cours et non à une théorie abstraite à appliquer ensuite à la réalité. Je vois l’histoire comme un entrelacement de libertés : la liberté de Dieu, la liberté de l’homme et également la liberté du malin ».
« Mais si Dieu guide l’histoire, cela veut dire que c’est Dieu qui nous appelle à ce mélange : nous ne devons pas en avoir peur, mais nous demander comment nous mouvoir dans ce mélange, comment l’aider de façon critique et comment l’orienter » a-t-il ensuite affirmer.
Dans ce contexte, le patriarche a mis l’accent sur la nécessité de repenser « les critères pour le respect du multiforme dans l’unité qui ne mélange pas les différences et ne fige pas les identités ».
C’est dans cette perspective, a ensuite souligné le cardinal, que doit être prise en considération la question de la candidature de la Turquie à l’Union européenne.
« L’Europe ne peut pas ne pas se poser la question de la confrontation avec la Turquie et avec ce que celle-ci représente : cette confrontation devra-t-elle conduire à l’intégration de la Turquie dans l’Union ? », s’est interrogé le cardinal Scola.
« En premier lieu, a affirmé le patriarche, je considère que le nombre des chrétiens qui vivent en Turquie, et en particulier la présence du patriarcat oecuménique à Constantinople, constituent un facteur décisif ».
« L’Europe est sans aucun doute appelée à prendre cela en charge, et nous chrétiens devons tenir compte en particulier des sujets ecclésiaux qui vivent en Turquie » a-t-il souligné.
« Pour les catholiques, l’urgence œcuménique est décisive et l’engagement à intensifier les relations avec nos frères et à renforcer toujours plus les liens avec le patriarcat de Constantinople doit être total », a-t-il poursuivi.
Rappelant ensuite « le sacrifice » de don Andrea Santoro, le prêtre assassiné le 5 février dernier alors qu’il priait dans son église de Trébizonde (Turquie), le patriarche de Venise a souligné qu’il est de notre devoir « de prêter attention (ndlr aux frères chrétiens) à leur situation également en vue de la candidature de la Turquie à l’Union ».
« C’est un facteur qui peut faire pencher la balance dans un sens plutôt que dans un autre. Il est évident que la question doit être analysée de manière très approfondie, à travers un dialogue permanent », a-t-il poursuivi.
Selon le cardinal, le deuxième critère d’orientation pour évaluer le cas de la Turquie est relatif « à la conception et à la pratique des droits humains ».
« La relation entre les religions et la politique a besoin du respect de la nature d’ universale concreto des religions qui n’est pas moins déterminante que l’universalité des droits fondamentaux, trop souvent considérés comme un simple répertoire de règles qui ne sont pas suffisamment insérées dans un contexte historique », a observé le cardinal.
« Il ne faut pas penser les droits de l’homme en termes abstraits, comme une simple liste de principes » a affirmé le cardinal Scola.
Et à ce propos, il a suggéré que serait souhaitable « la reconnaissance d’un cercle public pluriel et religieux qualifié, où les religions jouent un rôle de sujet public, bien séparé des institutions étatiques et distinct de la société civile bien que se trouvant en son sein ».
Pour y arriver, il s’agirait, de la part du pouvoir politique « de dépasser la relation de tolérance passive à l’égard des religions au profit d’une attitude ‘d’ouverture active’, qui ne réduise pas l’importance publique de la religion aux espaces concordataires avec l’Etat ».
Alors que de la part des religions serait nécessaire « l’abandon de l’auto-interprétation de type privé ou fondamentaliste pour créer un terrain d’échange direct avec les autres religions et les autres cultures ; un espace de dialogue ou les religions puissent jouer leur rôle de discours public sur les valeurs de civilisation et exprimer leur jugement historique ».
« L’universalité des droits humains – a souligné le cardinal – pourrait connaître une plus grande efficacité si elle était alimentée par l’universalité des religions. Les confessions religieuses ont une portée universelle. Leur universalité est toutefois enracinée dans la vie quotidienne concrète des personnes et des peuples ».
« Si l’on impose une relation correcte entre raison, foi et religion, l’expérience religieuse peut alimenter la promotion et la défense des droits humains » a-t-il poursuivi.
L’expérience religieuse, a-t-il expliqué, aide en effet « à ne pas les concevoir seulement comme des droits des individus pris séparément, mais plutôt comme des droits inaliénables des personnes qui nourrissent une appartenance communautaire positive et sont en mesure d’effectuer une action dans le temps, capillaire et universelle ».
« Dans ce contexte, la liberté religieuse ne peut pas ne pas faire fonction de critère guide, également dans le cas de la Turquie » a-t-il enfin conclu.
En 1993, à l’occasion du Conseil européen de Copenhague, l’Union européenne a conditionné l’adhésion des pays candidats au respect de trois groupes de critères : le « critère politique », relatif à la stabilité institutionnelle, à l’ordre démocratique et au principe de l’Etat de droit, la défense des droits humains, ainsi que le respect et la protection des minorités.
Dans le « Partenariat pour l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne » souscrit en 2001, l’on fixait en particulier comme priorité à moyen terme, la liberté de croyance et de religion.
Le Partenariat d’adhésion de 2001 posait comme condition à la Turquie « une garantie totale de tous les droits humains et des libertés fondamentales pour tous sans discrimination ni distinction de langue, de race, couleur de la peau, sexe, opinion politique, conception ou religion ; et le développement des conditions de défense du droit à la liberté d’opinion, de conscience et de religion ».
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Nov 19, 2006 00:00