ROME, Jeudi 17 août 2006 (ZENIT.org) –L’exécution de trois catholiques, Fabianus Tibo, Marinus Riwa et Dominggus da Silva, condamnnés à mort en Indonésie, a été suspendue à la suite de l’appel de Benoît XVI et des nombreuses protestations des leaders religieux du pays et de l’opinion publique contre un procès « injuste ».
Dans la province indonésienne de l’Est de Nusa Tenggara, des milliers de manifestants ont en effet demandé la réouverture de ce procès sur les présumées responsabilités des trois catholiques dans les affrontements interethniques dans l’archipel de Sulawesi, en particulier à Poso, entre 1998 et 2001. Les affrontements avaient fait quelque 200 victimes musulmanes.
Le 11 août dernier, la veille de la date fixée pour l’exécution de trois Indonésiens, la salle de presse du Saint-Siège a en effet rendu public un appel de Benoît XVI à la clémence, dans un télégramme que le cardinal secrétaire d’Etat Angelo Sodano a fait parvenir au président de la République indonésienne, M. Susilo Bambang Yudhoyono.
Au nom du pape, le cardinal Sodano invoque cet « acte de clémence » pour des « raisons humanitaires et à la lumière de ce cas très particulier ».
« Unissant ma voix aux autres, je voudrais souligner la position de l’Eglise catholique qui, dans de nombreuses occasions, s’exprime cotnre la peine de mort », dit le télégramme.
Appel des responsables religieux du pays
Un nouvel appel à sauver les vies des trois condamnnés avait été lancé le 10 août, par l’intermédiaire de la Communauté de Sant’Egidio, ensemble par l’évêque de Manado, Mgr Joseph Théodore Suwatan, par le responsable des Ulema musulmans, K.H. Arifin Assagaf, et par le président de l’Association de 21 Eglises protestantes d’Asie, le Dr. Nico Gara, également vice-président du Synode international de la Mission 21.
Le matin même, une « imposante manifestation pacifique » s’était rassemblée à Palu, la ville où les trois condamnés sont détenus. L’évêque avait fait parvenir l’appel des religions à Sant’Egidio demandant « la suspension de l’exécution et la poursuite de la procédure judiciaire ».
« La nouvelle de l’exécution fixée au 12 août 2006 heurte notre sens de la vérité et de la justice, dit cet appel. Les nouveaux témoignages juridiques (NOVUM), exposés dans le procès au tribunal de Palu le 9 mars 2006, n’ont été ni mentionnés, ni considérés comme des preuves susceptibles de faire surgir la vérité dans cette affaire ».
Le droit universel à la vie
C’est « en tant qu’hommes de religion » qu’avec « l’ensemble de la société », ils adressaient cet appel réaffirmant tout d’abord « le droit à la vie » comme « un droit universel » qui par conséquent « ne peut être retiré par personne, ainsi que l’établit la convention mondiale pour le droit universel à la vie et ainsi que cela devrait être établi dans la Constitution de la République indonésienne et reconnu dans les lois qui régissent la vie de la société à l’intérieur de l’État de la République d’Indonésie fondée sur la “Pancasila” et sur la Constitution de 1945 ».
Manque de preuves
Mais le cas lui-même plaide en faveur de la clémence. « L’exécution de la condamnation à mort des trois prisonniers est injuste, expliquent les leaders religieux d’Indonésie, dans la mesure où la lumière n’a pas été faite sur la vérité et que les nouveaux témoignages juridiques apportés dans le procès de recours le 9 mai 2006, auquel a pris part l’équipe des 5 juges de la Haute Cour, n’ont pas été pris en considération ».
Et de préciser que l’accusation portée contre Fabianus Tibo « s’est révélée être un choix erroné, de même que le fait d’attaquer de cette manière la localité de Moengko, qui, notons-le bien, est l’endroit où sont situés le lieu de culte, les écoles et les dortoirs de ses habitants » car « les preuves juridiques recueillies pour expliquer les faits du 23 mai 2000 à Moengko ne sont assurément pas vraies ».
Ils invoquent par conséquent le manque de « jugement équitable » et l’absence de « preuves matérielles » pour refuser la condamnation à mort de Tibo.
Ils invoquent également « les résolutions du nouveau Code de la Constitution de la République » encore en discussion au Parlement indonésien.
L’image d’une Nation
Ils invoquent aussi les répercussions, dans le monde entier, sur l’image de la justice et de la Loi et la bonne réputation de la Nation indonésienne.
Les précisions du P. Cervellera
Au micro de Radio Vatican, le directeur de l’agence AsiaNews, de l’Institut pontifical des Missions étrangères de Milan (PIME), le P. Bernardo Cervellera a souligné que les ONG et en particulier une association musulmane, le « Wahid Institute », présidé par l’ancien président indonésien, M. Abdurrahman « Gus Dur » Wahid, travaille depuis des mois pour la révision du procès.
Il précise que du point de vue théorique, la Constituion de la Nation garantit aux chrétiens et aux autres croyants « parité de dignité et de liberté », mais qu’en même temps « l’intégrisme et le fondamentalisme » progressent aussi dans le pays, comme le montrent des attaques dont des églises ont fait l’objet, un cetain mépris manifesté aux chrétiens, des difficultés pour construire des églises, manifester leur foi par des prières publiques. Pourtant, il reconnaît que dans les grandes villes et dans les îles les plus importantes, la « coexistence » existe entre chrétiens et musulmans.
Appel de la commission Justice et Paix
Pour sa part, le président de la commission Justice et Paix de l’archidiocèse de Kupang, le P. Maxi Un Bria, avait également diffusé un communiqué invitant les catholiques à manifester pacifiquement et à prier pour les condamnnés. « La mort d’un homme, soulignait-il, est entre les mains de Dieu et non entre celles d’un peloton d’exécution ».
Protestation des étudiants
A Makassar, province du Sud Sulawesi, de nombreux étudiants du groupe « Etudiants pour défendre et se soucier de la justice » (“Students to Defend and Care for Justice”) ont également manifesté, convaincus que la décision du tribunal était « insensée et tout à fait erronée », toujours selon Asianews.