ROME, Jeudi 17 août 2006 (ZENIT.org) – « L’hésitation, année après année, à établir la justice et la paix dans cette Terre sainte et le maintien de l’instabilité dans la région est le grand péché des responsables de nos pays. La guerre ne peut pas être la voie pour construire la paix et la sécurité », affirme le patriarche Sabbah.

Tandis que le cardinal Roger Etchegaray présidait, au sanctuaire de Notre Dame du Liban, à Harissa, la messe de l’Assomption de la Vierge Marie, le 15 août, les chrétiens de Terre Sainte étaient unis à la messe présidée par le représentant du pape Benoît XVI, Mgr Antonio Franco à Nazareth, en la basilique de l’Annonciation.

Au cours de cette célébration, le patriarche latin de Jérusalem, Mgr Michel Sabbah, a prononcé l’homélie suivante :

1. Excellence, Mons. Antonio Franco, Nonce en Israël et Délégué Apostolique pour Jérusalem et pour la Palestine, aujourd’hui présent parmi nous au nom du Saint-Père, le Pape Benoît XVI, pour nous exprimer sa sollicitude, sa prière et sa communion avec nous et avec nos souffrances et celles de toute la région. Nous avons entendu sa voix en ces jours, plus d’une fois depuis le début de la guerre, appeler à cesser le feu, à abandonner les voies de la guerre pour reprendre les voies de la paix. Une voix sincère, obstinée, forte, claire, sans équivoque, reconnaissant les droits de tous : « le droit des Libanais à la souveraineté et à l’intégrité de leur pays, le droit des Israéliens à vivre en paix dans leur Etat, et le droit des Palestiniens à une patrie libre et souveraine » (Benoît XVI).

Excellence, nous vous remercions pour votre présence parmi nous. Nos Eglises, les évêques, les prêtres, les religieux et les religieuses et tous nos fidèles vous remercient et vous demandent de faire parvenir notre gratitude au Saint-Père, pour sa présence aujourd’hui parmi nous, par sa parole et par sa sollicitude paternelle.

Mes frères Evêques, prêtres, religieux et religieuses
Frères et Sœurs

2. Nous célébrons aujourd’hui la fête l’Assomption de la Très Sainte Vierge Marie, élevée dans la gloire de l’éternité. Cette fête est le couronnement de celle de l’Annonciation qui a marqué le début de la vie de Marie ici dans cette ville de Nazareth. L’Ange lui dit : « Salut, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi. Il t’a élue pour être la mère du Verbe Incarné. Tu concevras et tu enfanteras un fils et tu l’appelleras du nom de Jésus. L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre, c’est pourquoi l’être saint qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu ». Dans l’Annonciation, nous méditons le début de la vie de Marie sur terre. Aujourd’hui, nous méditons sa gloire au ciel, après avoir accompli sa mission sur terre. Dieu qui a accompagné la Vierge Marie de sa grâce, nous accompagne nous aussi par sa grâce et sa miséricorde. C’est pourquoi, dans tous les événements de notre vie, en temps de paix et de guerre, nous traitons non seulement avec les hommes, avec le mal et le bien qu’ils nous causent, mais aussi avec Dieu, avec sa grâce et son amour pour nous tous.

Aujourd’hui, nous levons notre regard vers la Sainte Vierge au ciel et nous lui demandons de jeter un regard sur notre « vallée de larmes ». Regardant vers l’éternité, nous méditons les épreuves de la guerre que nous vivons avec tous les peuples de notre terre et de notre région.

Devant les souffrances des Palestiniens, des Libanais et des Israéliens, devant les soldats israéliens sous les ordres, les combattants de Hamas à Gaza et ceux du Hizbullah au Sud Liban, et devant les épreuves de tous les réfugiés de partout, devant toute forme de destruction que nous avons vue en ces jours, et en premier lieu la démolition de la personne humaine, de sa vie et de sa dignité, devant tout cela, nous condamnons et nous disons qua la démolition et la mort au Sud Liban, - nous remercions Dieu aujourd’hui que la guerre a commencé à s’arrêter- alors que cela continue à Gaza, est un crime contre l’homme et contre son Créateur. Nous disons que l’hésitation, année après année, à établir la justice et la paix dans cette terre sainte et le maintien de l’instabilité dans la région est le grand péché des responsables de nos pays. La guerre ne peut pas être la voie pour construire la paix et la sécurité.

Et, rassemblés ici pour prier, en présence de Dieu, nous voyons, en tous et en chacun et chacune, Palestiniens, Libanais et Israéliens, et, soldats israéliens sous les ordres, combattants de Hamas à Gaza et ceux du Hizbullah au Sud Liban, des personnes humaines que Dieu a honorées de son image et d’une dignité inviolable. Tous sont appelés par Dieu à la vie non à la mort, à la paix non à la guerre, à l’amour non à la haine. Telle est notre position chrétienne pour toute personne humaine. Et nous maintenons que la dignité initiale de toute personne humaine que Dieu a accordée de façon égale à tous reste la base nécessaire pour tout effort de paix et de reconstruction.

3. La guerre nous a touchés en ces jours d’une façon directe dans nos familles, dans nos maisons et dans nos couvents. Les uns furent tués, d’autres blessés, d’autres devinrent réfugiés. En cela nous disons que nous sommes une partie intégrante de notre terre et de notre société et il est normal que nous partagions les sacrifices de tous.

Et, face à la mort et à la démolition, ici en Israël, nous disons, nous arabes d’Israël : Israéliens, nous désirons pour vous la sécurité et la tranquillité. Oui, dans un monde arabe dont nous sommes partie intégrante, dans un monde arabe en colère contre vous, nous vous disons : nous demandons pour vous la sécurité et la tranquillité ; nous vous aimons de l’amour dont Dieu vous aime, de même que nous aimons tout notre monde arabe plein d’hostilité, de colère et de haine qui ne fait qu’augmenter contre vous. Nous vous aimons, mais nous vous disons que la démolition et la mort causés à Gaza et au Liban n’est pas la voie pour la paix. Vous faites des guerres, vous dites et le monde dit avec vous que vous avez le droit de vous défendre, mais, au lieu de vous défendre, vous vous exposez à plus d’hostilité et d’insécurité. Votre véritable victoire est celle-ci : mettre fin à l’occupation que vous imposez au peuple palestinien. Par le fait même vous connaîtrez et toute la région connaîtra la stabilité et la sécurité. Vous avez besoin d’un nombre croissant d’amis qui puissent vous rappeler cela, en disant avec le psalmiste : «Recherchez la paix et poursuivez-la» (Ps 33,15), et en affirmant que les voies suivies jusqu’aujourd’hui n’étaient pas des voies qui conduisaient à la paix et qu’il faut prendre désormais des nouvelles voies pour arriver à la paix et à la sécurité pour vous et pour toute la région.

4. Frères et Sœurs, telle est notre réalité : guerre, mort, démolition et haine. C’est pourquoi nous sommes venus prier aujourd’hui, à l’appel de Sa Sainteté le pape Benoît XVI, représenté parmi nous par le nonce S.E. Mgr Antonio Franco. Il nous a invité à prier pour notre paix et celle de toute personne humaine dans cette terre.

Nous sommes venus prier et nous avons écouté, dans les paroles de l’Evangile, le chant de la Vierge Marie : « Mon âme exalte le Seigneur et mon esprit tressaille de joie en Dieu mon Sauveur ». Dans son chant, elle dit aussi, et avec elle nous répétons et nous prions que cela s’applique sur notre réalité : « Le Tout-Puissant a dispersé les hommes au cœur superbe. Il a renversé les potentats de leurs trônes et élevé les humbles. Il a rassasié de bien les affamés et renvoyé les riches les mains vides » (Lc 1,46-56). Nous prions, afin que finisse toute oppression imposée par les homme s sur notre terre et en toute région du monde, et afin que nous puissions tous entendre et vivre le chant des anges dans le ciel de Bethléem : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ».

Nous demandons à Dieu que cette grande calamité puisse se transformer en un pas décisif vers la paix totale, définitive et juste. Quant à nous, frères et soeurs, restons forts face à toute épreuve, collaborons ensemble, remplissons nos esprits et nos cœurs de l’amour et de la force de Dieu, et poursuivons nos efforts à construire la paix et la justice avec tous ceux qui construisent dans cette terre sainte.

Demandons à la Sainte Vierge, en ce jour de fête, de nous accorder la paix, à nous, à tous les habitants de cette terre et à toute la région. Prions ensemble et disons: Reine de la paix, accorde la paix à notre terre. Amen