ROME, Mercredi 16 août 2006 (ZENIT.org) – Le fondateur de la Communauté de Taizé a laissé « un héritage immense… Tout d’abord peut-être, l’importance de se convertir jour après jour à la confiance en Dieu ». A l’occasion du premier anniversaire de la mort de frère Roger de Taizé, nous reprenons ci-dessous un entretien accordé par le frère Alois, nouveau prieur de la communauté, à Daniele Zappalà, pour le quotidien italien www.avvenire.it (cf. Dimanche 13 août).
Frère Alois Löser, catholique, est devenu le prieur de la communauté œcuménique de Taizé après l’assassinat du fondateur, frère Roger Schutz, le 16 août 2005, par une personne souffrant d’un déséquilibre psychique, au cours de la prière du soir. Il est né en Allemagne en 1954.
« Après la mort de frère Roger, raconte frère Alois, nous avons vraiment vécu une unité profonde entre nous et nous avons été surpris de retrouver ce quelque chose si bien décrit dans les Actes des Apôtres, où l’on parle des premiers chrétiens comme d’un seul cœur et d’une seule âme ».
Q : Peut-on parler du début d’une nouvelle saison pour Taizé ?
Fr. Alois : Absolument, car avec la disparition si tragique de frère Roger, tout a changé pour nous. Il n’est plus là et un an après nous sentons encore le vide. Mais dans le même temps, nous devons reconnaître que rien n’a changé car nous avons le sentiment de continuer à avancer sur le chemin évangélique qu’il nous a indiqué. Les jeunes continuent par ailleurs à vivre avec nous ce pèlerinage de confiance. Ceci indique clairement que frère Roger n’a pas attiré l’attention sur lui-même mais sur la présence du Christ, comme Jean-Baptiste. Nous sentons cette présence du Christ, et celle-ci nous permet d’aller de l’avant.
Q : Quels ont été les moments les plus intenses vécus ces derniers mois par la communauté ?
Fr. Alois : Tout d’abord la rencontre européenne à Milan. C’était la première rencontre sans frère Roger et l’accueil a été vraiment formidable. Dans les paroisses, dans les églises et dans le silence des temps de prière. Je me souviendrai en particulier de la bonté et du visage de Mgr Mario Spezzibottiani, qui est décédé depuis. Les personnes participaient avec une intensité plus grande que jamais et nous avons senti qu’elles voulaient poursuivre ce pèlerinage de confiance. Après la rencontre, j’ai pu avoir une audience privée avec le pape Benoît XVI. Le fait qu’il nous encourage à continuer à vivre avec l’héritage de frère Roger est merveilleux. Nous recevons depuis, encore plus de visites.
Q : Vous avez parlé d’un changement. Pouvez-vous nous expliquer dans quel sens ?
Fr. Alois : Nous le verrons à long terme. Pour le moment il y a encore énormément à faire pour continuer à explorer le chemin ouvert par frère Roger. Un exemple. Avant la Pentecôte je me trouvais avec deux frères à Moscou où nous avons été accueillis très chaleureusement par le patriarche Alexis II. Il nous a dit que nous devrions approfondir notre collaboration car de nombreux jeunes orthodoxes viennent à Taizé. J’ai pu constaté la confiance, exceptionnelle, que frère Roger a réussi à créer à travers plusieurs décennies de contacts. Ce n’est qu’un exemple. Il en est de même avec les rencontres de jeunes sur d’autres continents. En octobre, nous aurons une rencontre à Calcutta. Il y a un nombre assez important de jeunes indiens qui viennent ici et nous nous demandons comment créer une écoute entre les continents. La mondialisation existe mais de nouveaux murs se créent également entre les continents.
Q : L’œcuménisme – le chemin des chrétiens vers l’unité – apparaît comme une vaste frontière. Qu’en pensez-vous ?
Fr. Alois : Pour nous, la recherche de l’unité des chrétiens reste une passion. Nous nous demandons comment il est possible de parler d’un Dieu d’amour et de justifier en même temps nos séparations avec une telle énergie. Je crois que de nombreuses personnes éloignées de l’Eglise ne comprennent pas cela et nous devons tout faire pour rechercher cette unité. Il y a de nombreuses choses que nous pouvons faire mais nous que nous ne faisons pas suffisamment. Ici à Taizé nous nous réunissons trois fois par jour entre confessions différentes dans une prière commune autour de la parole de Dieu. Avec le chant des psaumes, le silence… Il s’agit d’une humble contribution mais je crois, d’une contribution concrète, pour avancer sur un chemin qui se révèle encore ardu aujourd’hui.
Q : Que cherchent les milliers de jeunes qui viennent chaque année à Taizé ?
Fr. Alois : Nous ne le savons pas et nous continuons nous aussi à nous le demander. Il y a certes la soif d’une vie spirituelle et nous voulons que les jeunes trouvent dans l’Eglise cette source de la présence de Dieu. Les rencontres internationales permettent une expérience d’Eglise qui encourage ensuite à retourner dans les paroisses, dans son propre environnement local. Nous disons à tous les jeunes que nous ne voulons pas créer un mouvement de Taizé. Une personne qui vient d’Italie ne peut pas avoir sa communauté stable à Taizé. Il est nécessaire d’avoir des communautés locales et des paroisses. La paroisse restera importante car toutes les générations s’y retrouvent et l’on ne se choisit pas. Nous sommes ensemble dans l’Eglise parce que le Christ nous réunit et non parce que nous nous sommes choisis les uns les autres.
Q : Que restera-t-il du message et du charisme de frère Roger ?
Fr. Alois : Un héritage immense et encore vivant. Tout d’abord peut-être, l’importance de se convertir jour après jour à la confiance en Dieu. A partir de là de nombreuses choses deviennent possibles et Dieu nous montrera le chemin.