Q : Hier s’est déroulée la Conférence internationale sur le Liban, une initiative des Etats-Unis d’Amérique et de l’Italie, à laquelle ont participé le « core group » sur le Liban ainsi que d’autres pays. La Salle de presse du Saint-Siège a annoncé qu’une Délégation propre était également présente, en qualité d’observateur. Pouvez-vous nous expliquer de quelle manière le Saint-Siège a participé à cette conférence ?
Mgr Lajolo : Comme nous le savons, le Saint-Siège est directement intéressé par la paix au Moyen Orient, comme il l’a démontré à de multiples occasions. Hier, invité par les Etats-Unis et l’Italie, il a pu participer à cette Conférence en qualité d’Observateur ; c’est à ce titre et de par sa nature que le Saint-Siège participe normalement aux réunions des Organisations internationales.
Q : Quel est votre sentiment sur cette Conférence ?
Mgr Lajolo : Le fait qu’elle ait été convoquée si rapidement, à l’initiative du gouvernement italien, et qu’elle ait concentré son attention sur les questions les plus urgentes du moment, est certainement un fait positif.
Q : Les conclusions rapportées dans la Déclaration des deux co-présidents, le secrétaire d’Etat américain, Madame Condoleeza Rice et le ministre des affaires étrangères italien, Monsieur Massimo D’Alema, ont cependant été jugées plutôt décevantes. Qu’en pensez-vous ?
Mgr Lajolo : Les attentes de l’opinion publique étaient certes importantes, mais pour ceux qui sont chargés des travaux, qui connaissent les difficultés, on peut dire que les résultats sont appréciables. Je voudrais relever surtout les aspects positifs suivants :
1. Le fait que des pays de différentes parties du monde, du Canada à la Russie, se soient réunis, conscients de la gravité de ce qui se passe au Liban, réaffirmant l’exigence qu’il retrouve au plus vite sa pleine souveraineté, et qu’ils se soient engagés à lui fournir leur aide.
2. La demande de constituer une force internationale, sous mandat des Nations Unies, qui soutienne les forces régulières libanaises en matière de sécurité.
3. L’engagement à fournir une aide humanitaire immédiate au peuple libanais et l’assurance d’un soutien à sa reconstruction avec la convocation d’une Conférence de Donateurs. Divers pays ont anticipé l’affectation d’aides importantes, même si elles sont encore insuffisantes pour couvrir les besoins énormes du pays.
4. Est également positif l’engagement pris par les participants, après la clôture officielle de la Conférence, de rester en contact permanent pour suivre les développements de l’intervention de la communauté internationale au Liban.
Q : Toutefois qu’est-ce qui a engendré cette impression de déception ?
Mgr Lajolo :Tout d’abord le fait que l’on n’ait pas demandé la cessation immédiate des hostilités. L’unanimité des participants n’a pas été atteinte car certains pays soutenaient que l’appel n’aurait pas eu l’effet désiré et qu’il était plus réaliste d’exprimer l’engagement de chacun pour obtenir immédiatement la cessation des hostilités : engagement pris, et qui peut être de fait maintenu.
Le fait que l’on se soit limité à inviter Israël à exercer la plus grande modération possible est également problématique : une telle invitation revêt en soi une ambiguïté inévitable, alors que l’attention à la population civile innocente est un devoir précis auquel on ne peut pas se soustraire.
Q : Quelle est la réaction du gouvernement libanais ?
Mgr Lajolo : D’un côté le premier ministre Siniora a eu la possibilité d’exposer tout le tragique de la situation dans laquelle se trouve le pays et a présenté son plan pour résoudre immédiatement et définitivement le conflit avec Israël ; d’autre part, il a pu constater, et dans un deuxième temps encourager, les efforts positifs que la communauté internationale est en train d’accomplir pour secourir la population libanaise, pour mettre fin aux hostilités, et pour renforcer le contrôle de son gouvernement sur le pays.
Hier après-midi, le premier ministre Siniora, accompagné du ministre des affaires étrangères Salloukh, a souhaité rencontrer le cardinal secrétaire d’Etat ainsi que moi-même. Il a dit qu’il appréciait beaucoup l’engagement avec lequel le Saint-Père, personnellement, ainsi que le Saint-Siège, suivent le conflit qui déchire le Liban, et il a demandé de continuer à soutenir son pays sur le plan international. Il a également rappelé les paroles du pape Jean-Paul II qui avait défini le Liban, non pas seulement comme un pays mais comme un « message » pour tous les peuples, de coexistence équilibrée entre diverses religions et confessions dans un même Etat. Ceci est sans aucun doute la vocation historique du Liban, qui doit pouvoir se réaliser. Le Saint-Siège continuera à œuvrer avec tous les moyens à sa disposition afin que le pays redevienne ce « jardin » du Moyen-Orient qu’il était auparavant.
Q : En qualité d’Observateur, avez-vous eu la possibilité d’influencer, au moins indirectement, les travaux de la Conférence ?
Mgr Lajolo :L’Observateur n’a pas le droit de parole et celui-ci ne m’a même pas été donné. J’estime cependant que la présence, même silencieuse de l’Observateur du Saint-Siège à la table des chefs de délégation a eu son importance, clairement perceptible.
Q : Après cette Conférence, quelle est la position du Saint-Siège sur la situation ?
Mgr Lajolo : Le Saint-Siège se prononce pour une suspension immédiate des hostilités. Les questions en jeu sont multiples et extrêmement complexes. C’est précisément pour cette raison qu’il est impossible de les aborder toutes en même temps ; même si l’on garde en mémoire le cadre général et la solution globale à atteindre, il faut résoudre les problèmes les uns après les autres, en commençant par ceux que l’on peut résoudre immédiatement. La position de ceux qui soutiennent qu’il faut avant tout créer les conditions pour que la trêve ne soit pas violée une nouvelle fois, est d’un réalisme seulement apparent : car de telles conditions peuvent et doivent être créées avec d’autres moyens que l’assassinat de personnes innocentes. Le pape est proche de ces populations, victimes d’oppositions et d’un conflit auxquels elles sont étrangères. Benoît XVI prie, et avec lui toute l’Eglise, afin que le jour de la paix soit aujourd’hui même et pas demain. Il prie Dieu et supplie les responsables politiques. Le pape pleure avec chaque mère qui pleure ses enfants, avec toute personne qui pleure ses proches. Une suspension immédiate des hostilités est possible : elle est donc un devoir.