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LA FIN DE LA TRANSITION DANS LA CONCORDE NATIONALE
Déclaration spéciale de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO)
1. Dans la logique et le suivi du message des évêques de la CENCO Pour une fin de transition apaisée (24 juin 2006), nous voulons une fois de plus inviter notre peuple, les acteurs politiques et la communauté internationale à faire des prochaines élections une réelle chance pour la RD Congo.
En effet, après seize années d’une transition politique caractérisée notamment par deux guerres et divers conflits armés ayant causé des morts innombrables et une paupérisation sans cesse croissante, le peuple congolais aspire ardemment à la tenue des élections, voie normale pour la légitimité du pouvoir et l’instauration d’un Etat de droit, promoteur de paix, de justice, de développement intégral et durable.
2. Ces élections, dont les enjeux constituent une question de vie ou de mort pour la nation, le peuple congolais les veut véritablement libres, démocratiques et transparentes, organisées dans un climat général de paix, de joie et de sérénité, de vérité et de pleine responsabilité, dans l’unité et la concorde nationale.
Aussi est-ce avec enthousiasme que l’Eglise Catholique et les autres confessions religieuses se sont attelées à l’éducation civique et électorale de la population, afin que celle-ci s’approprie le processus électoral et en maîtrise les notions et les mécanismes.
3. Pour promouvoir le climat général de paix dans le pays, les évêques de la CENCO ont à plusieurs reprises, en 2005 et 2006, encouragé instamment les fidèles catholiques et les hommes et les femmes de bonne volonté à considérer attentivement le bien-fondé d’une concertation des forces vives de la nation. Une telle concertation, toujours actuelle et tant souhaitée par la majorité des Congolais, a pour finalité, à travers un dialogue positif et consensuel, de sécuriser le processus électoral, pour une fin de transition pacifique et rassurante pour tous. Par ailleurs elle viserait à prendre les dispositions nécessaires sur les modalités du gouvernement du pays pendant la campagne électorale et avant la mise en place de nouvelles institutions issues des élections.
4. Nous stigmatisons les lenteurs et les hésitations incompréhensibles, les doubles jeux regrettables et les faux-fuyants inadmissibles qui, jusqu’à présent, ont empêché la nation de baliser le chemin des élections dans la paix, l’entente et la concorde nationale.
Au stade actuel, en effet, toutes les conditions ne sont pas encore réunies pour la tenue des scrutins réellement transparents, libres et démocratiques. Bien au contraire, un ensemble de données confirment les craintes de manipulation, de tricherie sinon de fraude : notamment les déclarations contradictoires sur les listes électorales et le nombre exact des électeurs, les explications embarrassées sur celui des bulletins de vote excédentaires, les suspicions sur la localisation du serveur central et sur les programmes informatiques, l’absence du calendrier électoral complet et les doutes sur la volonté réelle d’organiser toutes les échéances électorales : nationales, provinciales et locales. Le peuple a besoin d’être rassuré sur toutes ces questions.
5. Voilà pourquoi la CENCO, sous peine de ne pas reconnaître la validité des élections, demande à tous les acteurs concernés dans l’organisation de celles-ci de s’employer à corriger les irrégularités constatées et à créer, à tous les niveaux, les conditions requises de vérité, de transparence, de liberté et de pleine responsabilité qui doivent entourer la tenue des prochains scrutins.
6. Il y a lieu d’insister spécialement sur la neutralité et le professionnalisme des forces de l’ordre. A ce propos, il est impérieux que les milices non brassées ni intégrées dans les Forces Armées de la RD Congo (FARDC) soient neutralisées. Dans cet ordre d’idées, nous condamnons une fois de plus toute forme de violence d’où qu’elle vienne, en particulier la répression sanglante des manifestations pacifiques des citoyens. Dans l’Etat de droit, la violence et la loi de la force ne peuvent se substituer à la force de la loi.
7. En outre, la CENCO tient à un déploiement conséquent des observateurs tant nationaux qu’internationaux, aux fins de garantir la totale transparence et la crédibilité du processus électoral du début à la fin jusqu’à la proclamation finale des résultats des scrutins. La CENCO s’engage à faciliter au mieux aux observateurs les conditions favorables à l’accomplissement efficace de leur mission.
8. Pour conclure, nous demandons à tous les fils et filles de notre peuple de bien considérer l’importance des enjeux du processus électoral. Aussi les invitons-nous à faire, devant Dieu, un usage responsable de leur liberté, et de voter en âme et conscience comme mandataires publics des hommes et des femmes honnêtes et intègres, capables de gouverner notre pays dans le concert d’un monde globalisé et complexe.
L’Eglise Catholique, qui a étroitement accompagné et soutenu les fidèles chrétiens et tous les hommes de bonne foi et de bonne volonté, pendant la longue période de la transition politique qu’a connue notre pays, particulièrement au cours de ces dix dernières années, prie le Seigneur Dieu, Maître du monde et de l’histoire, pour qu’il accorde au peuple congolais la grande grâce d’un aboutissement vraiment heureux et pacifique de la transition. Qu’il nous assure et bénisse une entrée dans la IIIe République bien pleine de promesses solides et fondées pour l’avenir d’un Congo profondément renouvelé, qui contribuera au bonheur et à la prospérité de son peuple, ainsi qu’au bénéfice du développement général de l’Afrique et du monde dans son ensemble.
Que Dieu bénisse la RDCongo et lui accorde la paix.
Fait à Kinshasa, le 20 juillet 2006
+ L. MONSENGWO PASINYA
Archevêque de Kisangani
Président de la CENCO
+ Th. TSHIBANGU TSHISHIKU
Evêque de Mbuji-Mayi
Vice-Président de la CENCO