Cardinal, évêque, prêtre, religieux, pasteur : des « Justes parmi les Nations »

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Une exposition pour leur rendre hommage

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ROME, Jeudi 20 juillet 2006 (ZENIT.org) – Le Mémorial de la Shoah présente une exposition temporaire et organise un cycle de films et de conférences en hommage aux « Justes », parmi eux, des chrétiens, pasteur protestant, cardinal, évêque, prêtre, religieuse ou religieux, ou fidèles laïcs.

Le concept de « Juste des Nations » est emprunté à la tradition du Talmud. Il a désigné tout d’abord toute personne non juive ayant manifesté une relation positive et amicale envers les Juifs.

Depuis plus de quarante ans, au nom de l’Etat d’Israël, le Musée Mémorial de Yad Vashem honore sous ce titre les hommes et les femmes, non-Juifs, qui, pendant la Seconde Guerre mondiale et la Shoah, ont aidé des Juifs en danger, au péril de leur vie, sans recherche d’aucun avantage.

Le nouveau porteur du titre de Juste des Nations reçoit une médaille et un diplôme d’honneur lors d’une cérémonie, à Yad Vashem, ou, par les soins de la mission diplomatique d’Israël, dans le pays de résidence, même à titre posthume.

Ce fut le cas, par exemple en Italie, de deux religieuses de Notre-Dame de Sion qui protégèrent des familles – des enfants, mais aussi des hommes dans la serre, et des femmes, sous l’habit religieux – dans leur couvent du Janicule. En cas de perquisition, la cave à charbon avait été aménagée et l’ouverture, donnant dans les cuisines, avait été cachée derrière une armoire à marmites. Les novices montaient la garde jour et nuit. L’occupant arrivera un jour jusqu’à l’armoire, sans cependant songer à la déplacer. La secrétaire de Pie XII, sœur Pascalina Lehnert, bavaroise, vint en personne accompagner une fourgonnette pleine de farine destinée aux nouvelles bouches à nourrir, signe de la sollicitude du pape Pacelli pour les persécutés: les couvents étaient devenus territoire du Vatican, dans l’espérance que ce fût un obstacle de plus contre la persécution.

C’est aussi le cas d’une Ursuline du Pas-de-Calais, Mère Marie-Xavier Marteau qui se trouvait à Rome en 1943, lorsque la ville fut envahie par les troupes nazies. Le 16 octobre, le quartier juif fut encerclé. Une impitoyable chasse à l’ homme commença dans les rues de la ville. Pie XII demanda à tous les couvents d’ouvrir leurs portes aux Juifs pourchassés. Sœur Marie-Xavier, avec sa communauté, prit le risque d’en recueillir plus de cent, risque d’autant plus grand que la maison des Ursulines était à une douzaine de mètres de celle qui fut réquisitionnée pour servir de logement à des officiers allemands. Les longs mois qui suivirent furent occupés à trouver pour ces nouveaux « pensionnaires » d’autres papiers d’identité, de quoi les nourrir à une époque où le pain et même l’eau manquaient, à les écouter, à les occuper par des cours, des séances littéraires et musicales et, surtout, à éviter d’attirer l’attention sur leur présence.

L’institut Yad VaShem de Jérusalem a également élevé à titre posthume, au rang de « Juste », Mgr Gabriel Piguet, évêque français de Clermont pendant la guerre. Il reste le seul évêque français à avoir été déporté par les nazis de 1944 à 1945. Dans le camp de concentration, Mgr Piguet a ordonné prêtre un jeune séminariste allemand, Karl Leisner, prisonnier N°22356, qui a été béatifié le 23 juin 1996. Sœur Imma Mack, une jeune allemande de 20 ans, a pour sa part servi régulièrement de liaison entre le camp et l’extérieur, au risque de sa vie. Elle vient de décéder, le 21 juin 2006, dans sa congrégation bavaroise.

Selon le site du mémorial, plus de deux mille Français ont reçu ce titre et en particulier le cardinal Jules Saliège et Mgr Pierre-Marie Théas, mais aussi des prêtres catholiques et des pasteurs protestants, comme le pasteur André Trocmé. On peut lire leur histoire, résumée en français sur le site.

Pierre Péteul, en religion un capucin, le « père Marie-Benoît » (1895-1990) est connu pour sa part sous le surnom du « Père des juifs ».

Il résidait à Rome, lorsque la guerre éclata, et il partit pour Marseille: l’Italie se préparait à entrer dans le conflit. Il va rapidement secourir les innombrables réfugiés juifs qui convergent vers le sud de la France. Ses motivations ? « Les Chrétiens, dit-il, se sentent les fils spirituels du grand patriarche Abraham… ce qui suffirait à exclure tout antisémitisme, mouvement auquel nous, Chrétiens, nous ne pouvons avoir aucune part ».

Il obtint, grâce à son Supérieur Général, d’être présent à une audience de Pie XII le 16 juillet 1943 : il fut présenté au pape. Sa relation des évènements en France occupée fut accueillie avec bienveillance par le pape qui lui fit cette réflexion, au sujet des interventions de la police de Vichy contre les Juifs : « On n’aurait pas cru cela de la part de la France », et lui promit de s’intéresser personnellement aux questions qu’il lui soumettait.

Il restera à Rome pour mieux aider les réfugiés. Un jour, un Juif étranger, muni d’un « authentique faux passeport » espagnol, se présenta à la Préfecture. On s’aperçut rapidement qu’il n’était pas de cette nationalité, et le consulat espagnol fut contacté pour vérifier. Bien entendu, la réponse fut négative. Le pauvre homme se voyait déjà perdu quand l’employé du service lui dit : « Ne vous en faites pas. Allez au 159, via Sicilia, et demandez le Père Marie-Benoît. Là, on arrange tout. »

On estime que ce fils de François d’Assise aura réussi à sauver environ 4 000 Juifs.

Les justes, ou leurs représentants, ont planté des arbres dans « l’Allée des Justes » sur le site du Mémorial Yad Vashem. Aujourd’hui, faute de place, le nom des Justes est gravé sur le Mur d’honneur édifié dans le périmètre du Mémorial. Près de 21 000 Justes ont été ainsi reconnus dans le monde.

En France, les Justes permirent aux deux tiers des Juifs de survivre à la Seconde Guerre mondiale en dépit de la contribution du gouvernement de Vichy à la déportation.

Présentation de plus de 50 « Justes de France »

Lorsque la guerre éclata, en septembre 1939, il y avait en France environ 300.000 Juifs, dont 110.000 Français depuis plusieurs générations, 70.000 naturalisés Français et 120.000 étrangers et apatrides. En mai 1940, la France accueillit près de 40.000 réfugiés juifs de Belgique, des Pays Bas et du Luxembourg, qui avaient fui sous le choc de l’invasion nazie, et plus tard d’Italie.

L’exposition « Les Justes de France » retrace le parcours et les actions de sauvetage de plus de 50 Justes, organisés en réseaux ou individuels. L’hébergement dans des maisons, fermes, institutions chrétiennes ou à l’échelle d’un village, l’intervention au sein même des camps d’internement, le passage clandestin des frontières, la fabrication de faux papiers civils ou religieux… permirent de sauver des milliers de personnes.

Des extraits du film « Les Justes » d’Emmanuel Finkiel, ainsi que plusieurs entretiens ponctuent l’exposition, tandis qu’une base de données des Justes de France, accessible en plusieurs points du parcours, permet l’accès aux biographies du « Dictionnaire des Justes de France ».

L’exposition est conçue par le Mémorial de la Shoah, sous la direction de l’auteur de ce dictionnaire, Lucien Lazare, historien, ancien combattant de la Résistance française, membre de la commission pour la désignation des Justes pour le Mémorial de Yad Vashem, avec le concours du Musée Mémorial de Yad Vashem, de Jérusalem et en partenariat avec le Comité français pour Yad Vashem (cf. http://www1.yadvashem.org/education/French/homepage.htm).

Commencer par parler des « Justes » à
un enfant est souvent pour les familles une façon pédagogique d’évoquer progressivement la tragédie de la Shoah, dont l’horreur insoutenable serait trop violente pour leur jeune psychologie.

En Pologne plus de 5500 personnes ont reçu le titre de « juste », plus de 4370 aux Pays-Bas, et plus de 1600 en Ukraine : Jean-Paul II a béatifié un prêtre qui a payé de sa vie le fait d’avoir sauvé des enfants Juifs, le P. Emilien Kovtch, tué par les nazis au camp de Majdanek.

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ZENIT Staff

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