Un « mot » qui a marqué cette première année de pontificat…?
« Caritas ». Amour. Benoît XVI, qui a donné ce titre à sa première encyclique « Deus Caritas Est », ne cesse de vouloir infuser cet amour, dans l’Eglise, dans les bureaux de l’Eglise, dans les paroisses, les familles, entre les baptisés, entre les chrétiens, entre les peuples. Et ce mot est inséparable de l’autre : « vérité », comme test de l’authenticité de l’amour : Judas, expliquait le pape le Vendredi Saint, fait un « double jeu », il s’endurcit dans le mensonge. La vérité rend libre dit saint Jean. Et si la devise du pape – et du cardinal Ratzinger – dit, avec saint Paul « Coopérateurs de la vérité », c’est dans l’amour. Evangéliser, c’est, a dit le pape, faire pénétrer l’amour du Christ « dans tous les milieux ».
Une phrase ?
Ce que le pape Benoît XVI a dit dès sa première messe, le 20 avril, en la chapelle Sixtine : pour l’unité des chrétiens, les paroles ne « suffisent pas », il faut des « gestes concrets ». Tout l’enseignement de cette année sur l’unité des chrétiens, que le pape a désignée comme une priorité de son pontificat va dans ce sens. Aussi bien une décision prise rapidement de se rendre en Turquie, au Phanar, au siège du patriarcat œcuménique de Constantinople va dans ce sens. Le voyage n’a pas été possible pour la fête du Saint patron de l’Eglise de Constantinople, l’apôtre saint André – frère de saint Pierre -, le 30 novembre 2005 : il devrait avoir lieu le 30 novembre prochain. En recevant des délégués d’autres communautés chrétiennes il réaffirmait avec force « l’engagement irréversible » pris par le concile Vatican II à marcher sur le chemin de l’unité des chrétiens. La même recherche de l’unité se manifeste dans la consultation que le pape a faite des cardinaux à propos du dialogue avec les disciples de Mgr Marcel Lefebvre. Le pape Benoît XV a été un pape très sensible aux chrétiens d’Orient. Le pape Allemand est également sensible au dialogue avec le protestantisme.
Un discours ?
Le discours de Benoît XVI à la curie romaine, le 22 décembre dernier : un exposé magistral sur l’héritage du concile Vatican II et sa juste interprétation et mise en œuvre. Benoît XVI a présenté à la curie sa vision de l’état de l’Eglise à la lumière de la disparition de Jean-Paul II, et de sa vie marquée par la souffrance, de la Journée mondiale des Jeunes de Cologne, de l’année de l’Eucharistie et du synode convoqué par Jean-Paul II sur ce thème, et du 40e anniversaire de la conclusion du concile Vatican II. Pour Benoît XVI, une juste interprétation du concile en fait une « grande force de renouveau » pour l’Eglise. Mais aussi son homélie du Jeudi Saint, lors de la messe chrismale, aux prêtres, sur l’amitié avec le Christ et la priorité de la prière personnelle et de la lectio divina comme étant une « authentique pastorale ». Le pape n’a pas écrit, comme le faisant Jean-Paul II une « lettre aux prêtres » spéciale pour le Jeudi Saint, mais il a mis toute son âme sacerdotale dans cette homélie.
Une cause ?
La famille. On prépare la rencontre des familles avec le pape en Espagne !
Un appel ?
Pour la paix et la justice, et spécialement pour la paix en Côte d’Ivoire, dans la région des Grands lacs africains, dans le Darfour. Le jeune clerc qui portait la livre des bénédictions lors de la bénédiction de ce dimanche de Pâques était d’origine africaine. Un signe fort. Mais aussi pour la paix en Irak. En Terre Sainte.
Une visite ?
En paroisse : la première paroisse de son diocèse visitée a été celle dont il était « titulaire » comme cardinal. En famille ! La deuxième, celle que Jean-Paul II aurait dû visiter : il a transmis le message préparé par son prédécesseur et jamais prononcé.
Une langue ?
Le polonais : le souci pastoral de ne pas abandonner les compatriotes de Jean-Paul II a fait que le pape travaille son polonais. Il ira en Pologne en mai prochain, parlant leur langue ! Dès le début, à chaque audience, à chaque angélus, le pape a eu le souci de s’adresser à eux !
Une « photo » ?
La « photo » du pape remontant le Rhin avec les jeunes du monde entier sur le bateau et sur les rives, les pieds dans l’eau pour le saluer. Le Rhin, signe autrefois de la division de l’Europe, devenu fleuve de la paix, portant un pèlerin de paix. Le pape Bavarois revenant dans sa patrie pour conduire les jeunes à l’école des rois mages pour « adorer » le Christ. On a découvert le visage d’un pape affectueux, spontané, même dans sa timidité : il embrasse et bénit avec élan les enfants qu’on lui présente aux audiences générales. Avec les jeunes, le courant passe. Benoît XVI a dit récemment aux jeunes de l’Univ 2006 que « l’amitié avec le Christ » sera source de bonheur. On pourrait faire un recueil avec les paroles du pape aux jeunes en cette première année. Y compris son message sur la Parole de Dieu pour la JMJ, le dimanche des Rameaux : que tous les jeunes aient une bible et la lisent ! Et ses paroles aux jeunes de son diocèse pour préparer la JMJ, il y a une dizaine de jours : une réponse spontanée à leurs questions. Pas de texte écrit. Il a parlé d’abondance du cœur, même sur le ton de la confidence, du témoignage personnel lorsqu’il a expliqué comment la confrontation avec le régime nazi « anti-humain » l’a conforté dans son désir d’être prêtre. Il les a conquis.
Le pape est musicien, quelle musique ?
Le son du shofar dans la synagogue de Cologne, avec cette gravité et cette émotion que communique le son du shofar, qui rappelle les fêtes d’automne, le jour du Grand pardon, Kippour. Le pape lui-même était ému. Mais il y avait une joie réelle de constater que les relations religieuses avec le judaïsme qui ont tellement évolué depuis continuent, progressent, dans le respect, le dialogue, la connaissance mutuelle. Et les chants bibliques chantés en hébreu par la chorale composée en partie d’émigrés de l’Est européen qui ont redonné vie à la communauté juive décimée par la seconde guerre mondiale.
Quelle personne a eu le plus d’influence sur le pape ?
Jean-Paul II. Benoît XVI, cet « humble travailleur dans la vigne du Seigneur » nous fait regarder le pape Jean-Paul II, – dès son homélie des funérailles le 8 avril 2005 – « à la fenêtre du Père », qui nous « regarde » et qui nous « bénit », il avance les temps de la cause de béatification, qui a été ouverte le 28 juin au niveau diocésain. Il se réfère à son enseignement, pour la mise en œuvre du concile Vatican II, et tant de fois. Il y a vraiment un lien spirituel fort et fécond. On dirait que la collaboration commencée il y a plus de vingt-cinq ans se poursuit d’une façon nouvelle avec le « grand et bien-aimé pape Jean-Paul II » …
Quel saint ?
Joseph ! Et Augustin. Certes. Mais aussi Benoît de Nursie. Vendredi 1er avril 2005, le cardinal Joseph Ratzinger a reçu à Subiaco, le prix Saint Benoît, pour la promotion de la vie et de la famille en Europe, la veille du décès de Jean-Paul II, et le mardi 19 avril, il lui a succédé en choisissant le nom de Benoît XVI : il place son pontificat sous la protection de Saint Benoît, père du monachisme occidental et patron de l’Europe. Actuellement, le monastère de moniales présent au Vatican, selon la volonté de Jean-Paul II est tenu par des Bénédictines. Une coïncidence pour un pape ami de sainte Scholastique, sœur de saint Benoît. Le matin, le pape Jean-Paul II avait appelé auprès le lui son grand ami pour le saluer une dernière fois, parce qu’il savait qu’il allait rendre son âme à Dieu. Dans son disc
ours à Subiaco, le cardinal a évoqué la crise culturelle et d’identité qui frappe le Vieux continent. Il a présenté le terrorisme et la capacité de manipulation de l’homme comme deux des menaces les plus grandes qui pèsent sur l’humanité d’aujourd’hui. Il citait le clonage, et insistait sur le fait que la morale ne doit pas être confondue avec le moralisme. Il déplorait qu’en Europe la culture exclue Dieu de la « conscience publique ». Il soulignait même: « En Europe, s’est développée une culture qui constitue la contradiction la plus radicale non seulement avec le christianisme, mais des traditions religieuses et morales de toute l’humanité ». Et il affirmait au contraire: « Nous ne devons pas perdre Dieu de vue, si nous voulons que la dignité humaine ne disparaisse pas ». C’est pourquoi il expliquait: « Nous avons besoin d’hommes comme Benoît de Nursie qui, à une époque de dissipation et de décadence, s’est abîmé dans la solitude la plus extrême et a réussi après toutes les purifications qu’il dut subir, à revenir à la lumière et à fonder le Mont-Cassin, la cité sur le mont, qui, avec tant de ruines, a mis ensemble les forces à partir desquelles s’est formé un monde nouveau ».
Un continent ?
L’Europe, justement. Je résumerais la préoccupation du pape pour ce continent par cette question empruntée à Jean-Paul II en France : « Qu’as-tu fait de ton baptême ? »
Et quel pays ?
La Chine, qui était dans le cœur de Jean-Paul II, avec le souci exprimé par le pape dès son premier discours au corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège au lendemain de l’inauguration de son pontificat d’établir des relations avec ceux qui sont loin, et la « création » d’un cardinal chinois pour honorer cette grande nation et les chrétiens de ce pays, mais aussi avoir ainsi dans son « sénat » comme il appelle les cardinaux, une voix de la Chine. On se souviendra que le pape Benoît XV dont Benoît XVI a pris le nom a été un pape d’ouverture à la Chine.
A la France, qu’est-ce que le pape a dit en cette première année ?
Benoît XVI a reçu au Vatican, le 19 décembre, le nouvel ambassadeur de France près le Saint-Siège, M. Bernard Kessedjian, qui lui présentait ses lettres de créance. Le pape aime la France, c’est un francophone raffiné, et il a, à l’instar de Jean-Paul II, le sens de la mission spirituelle de la France. Il a eu ces paroles éclairantes, à l’occasion de l’anniversaire de la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat : « Comme l’a rappelé mon prédécesseur le pape Jean-Paul II dans la lettre qu’il adressait le 11 février dernier aux évêques de France, le principe de laïcité consiste en une saine distinction des pouvoirs, qui n’est nullement une opposition et qui n’exclut pas cependant pour l’Église ‘de prendre une part toujours plus active à la vie de la société, dans le respect des compétences de chacun’ (n. 2) ». « Une telle conception, reprenait le pape, doit aussi permettre de promouvoir davantage l’autonomie de l’Église, que ce soit dans son organisation ou dans sa mission. À ce propos, je salue l’existence et les rencontres des instances de dialogue entre l’Église et les Autorités civiles, à tous les niveaux. Je suis sûr que cela permettra de faire concourir au bien des citoyens toutes les forces ainsi mises en œuvre et portera des fruits dans la vie sociale ».
Un lieu ?
Le sanctuaire du « Divin Amour », en fait le sanctuaire – marial – aux portes de Rome, où le pape a décidé de se rendre pour le 1er mai prochain. Le nouveau sanctuaire est dû à un vœu des Romains pendant la seconde guerre mondiale : en quelque sorte, un sanctuaire de Marie reine de la Paix. Il se rendra aussi à Altötting, en Bavière, en septembre prochain.
Une couleur ?
Le damier bleu et blanc du drapeau de la Bavière qui a envahi la plaine de « Marienfeld » lors de la JMJ de Cologne.
Un animal ?
L’ours de saint Corbinien sur le blason du pape.
Quel objet ?
Le pallium ! Le pape porte un pallium qui renvoie aux origines de l’Eglise : il a fait une petite pédagogie du pallium lors de son homélie le 24 avril 2005. Un signe liturgique qui frappe à chaque fois que le pape préside une grande célébration. Le pallium est porté autour du cou et retombe sur l’épaule gauche, du côté du coeur. Il est fait de la laine des agneaux élevés par les trappistes des Trois-Fontaines et de brebis, car le Christ confie à Pierre, dans la scène de saint Jean, de paître ses « agneaux » puis de paître ses « brebis ». Les agneaux sont traditionnellement bénis par le pape le jour de la sainte Agnès et sont tondus le mardi saint, une seule fois : ce jour là, dans la liturgie, le livre d’Isaïe évoque le Serviteur souffrant, figure du Christ, qui se laisse conduire comme un agneau muet que l’on tond. La laine est ensuite filée et tissée par les moniales bénédictines de Sainte-Cécile. Benoît XVI a choisi cette forme de pallium long de deux mètres soixante et large de onze centimètres, semblable à ceux du premier millénaire chrétien que l’on voit sur les antiques mosaïques de Sainte-Cécile par exemple. Les croix de soie rouge qui l’ornent, représentent les plaies glorieuses du Christ. Trois d’entre elles, dont celles qui apparaissent sur les épaules sont ornées de broches d’or, représentant les trois clous de la crucifixion. Dans son homélie, Benoît XVI a souligné surtout la symbolique du Bon pasteur à la recherche de la brebis perdue représentée par le pallium. Il est bordé de soie noire, détail qui symbolise le sabot de la brebis. On pourrait aussi souligner l’importance de la « chaire » de saint Pierre : le pape a souligné la signification en prenant « possession » de la basilique Saint-Jean du Latran au lendemain de son élection.
Quelle décision a marqué cette année ?
La consultation des cardinaux avant le premier consistoire pour la création de cardinaux, avec la volonté de consulter et de gouverner avec un grand souci de la collégialité, de la « communion ». Il veut s’appuyer davantage sur ces réunions des « sénateurs » que sont les cardinaux, sans jamais oublier la charisme de Pierre, mais dans l’humilité : il a supprimé de sa titulature le titre de « Patriarche d’Occident », obsolète et équivoque – le sens du mot « Occident » est faussé aujourd’hui. Benoît XVI s’est montré un homme de dialogue : il a un art du dialogue qui va de pair avec ses dons de pédagogue. Il peut faire une homélie de 35 minutes, mais se faire comprendre de tous. Il encourage le dialogue là où il pourrait sembler le plus difficile pour des raisons théologiques, culturelles, politiques : avec le monde musulman. Et ceci justement sans jamais perdre l’identité chrétienne: Jésus, est le Sauveur, le Rédempteur de tous !
Quel livre ?
La Bible. Il invite les jeunes a avoir toujours une bible à portée de la main, à devenir des « familiers de la Bible », à méditer la Parole de Dieu, Ancien et Nouveau Testament : le thème de la JMJ 2006 était tiré pour la première fois de l’Ancien Testament. Il fait cardinal le Père Vanhoye, jésuite, grand exégète. Il invite les prêtres, les fidèles laïcs à pratiquer la lectio divina. Il est en effet fils de Saint Benoît: Ora et labora! Prie et travaille !
Un événement ?
La résurrection du Christ, que le pape annonce aujourd’hui, en disant qu’elle nous concerne : elle a changé « notre vie » et « l’histoire de l’humanité ».
Un geste ?
La bénédiction Urbi et Orbi depuis la loggia des bénédictions, par laquelle se communique la miséricorde divine au monde entier et donne la force de « persévérer dans le bien ».