Dans un communiqué du 5 mars dernier, Mgr Filipe Neri Ferrao, archevêque catholique de Goa, a vivement condamné les violences communautaires qui ont éclaté, pour la première fois dans l’histoire de Goa, le 3 mars dernier. Des vandales ont notamment pillé dix-huit magasins, une station essence et ont endommagé vingt-quatre véhicules appartenant à des membres de la communauté musulmane.

Les violences, qui ont duré trois jours, ont conduit certaines familles musulmanes à fuir leurs habitations. Les autorités de l’Etat ont ainsi évacué une centaine de familles à leur demande. Le ministre-président de l’Etat, Pratapsing Rane, a condamné les violences des extrémistes hindous, principaux suspects dans cette affaire. Selon la communauté musulmane, les violences auraient été perpétrées par le Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS, Corps national des volontaires), le noyau dur de la nébuleuse de l’extrême droite hindoue. Un responsable musulman de la région a précisé que la communauté s’attendait depuis quelque temps à des violences, étant donné que des groupes inconnus avaient déjà vandalisé des lieux de culte chrétiens.

Tout a commencé lorsque une femme musulmane, Samshad Begum Anar Bi, a fait édifier une construction sommaire dans le quartier de Guddemol, à Sanvordem, avec l’aide financière de la communauté musulmane, sur un terrain appartenant à l’Etat. « Ce local devait servir de mosquée et de madrasa (école coranique). Les gens auraient pu prier et les enfants étudier l’arabe », explique-t-elle, encore sous le choc. Le 24 février dernier, un tribunal avait donné l’ordre à l’administration locale de démolir, dans les sept jours, le local, construit sans autorisation sur le terrain de l’Etat. Mais la direction du tribunal reçut ensuite l’ordre de ne rien faire et, dans la nuit qui suivit, des personnes vinrent attaquer et démolir le local. Plusieurs centaines de personnes musulmanes avaient alors prévu d’organiser une marche silencieuse en faveur de l’harmonie et de la fraternité entre les différentes communautés, mais, l’autorisation ne leur ayant pas été donnée, les organisateurs ont dû annuler la manifestation. En début d’après-midi, des personnes de différentes régions de Goa, qui s’étaient rassemblées à Curchorem en vue de cette marche, ont été attaquées par une bande qui a jeté des pierres, les contraignant à se réfugier dans une mosquée. Les jours suivants, des vandales ont incendié et endommagé des véhicules appartenant à des musulmans, du fait de rumeurs qui annonçaient l’arrivée massive de manifestants équipés de sabres et de couteaux, en provenance de l’Etat voisin du Karnataka. Selon l’agence d’informations catholique Sar News, ces nouvelles étaient de fausses rumeurs, puisque aucun véhicule incendié n’appartenait à des habitants du Karnataka, mais bel et bien à des résidents locaux, présents dans l’Etat depuis plus d’une quinzaine d’années.

A ce sujet, Mgr Filipe Neri Ferrao a précisé que « le mensonge a souvent pour habitude de se faire passer pour la vérité même, alors qu’en réalité il est le vecteur de l’égoïsme et du désir de manipulation ». Selon lui, ces violences sans précédent ont été orchestrées par des « intérêts politiques déguisés », et ces agressions ne peuvent qu’inquiéter et scandaliser les habitants de Goa qui aspirent à vivre en paix. Sans faire directement allusion au litige initial des autorités civiles à propos du local construit sans autorisation, l’archevêque de Goa a rappelé que les « situations illégales devaient être résolues par les autorités compétentes, et non par des groupes extrémistes, l’âme de la justice devant être la vérité ». Il a également appelé toutes les personnes concernées par les agressions à ne pas répondre aux provocations afin de ne pas envenimer la situation, mais au contraire à « s’entraider pour construire une société meilleure, notamment en s’engageant pour l’harmonie et en favorisant une civilisation d’amour et une culture de paix ».

Selon l’Economic Survey of Goa, paru en juin 2005, la proportion des hindous dans la population de Goa est passée de 59,92 % en 1960 à 65,79 % en 2001, pendant que la population musulmane qui représentait 1,95 % atteignait 6,84 %, les chrétiens passant de 38,07 % à 26,68 %. L’étude attribue cette évolution démographique au rattachement de Goa à l’Inde en 1961, Goa ayant été une colonie portugaise de 1510 jusqu’à cette date.