Inde: Tentatives pour « reconvertir » des populations aborigènes à l’hindouisme

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Inquiétude des responsables chrétiens

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ROME, Jeudi 19 janvier 2006 (ZENIT.org) –
Dans l’Etat indien du Gujarat, l’organisation d’un rassemblement religieux hindou, qui vise à « reconvertir » des populations aborigènes à l’hindouisme, inquiète les responsables chrétiens, annonce « Eglises d’Asie », l’agence des Missions étrangères de Paris (EDA 433, eglasie.mepasie.org).

Les responsables chrétiens du district de Dangs, dans l’Etat du Gujarat, ont récemment écrit au président de l’Union indienne, afin de lui faire part de leurs inquiétudes quant à l’organisation, par des groupes d’extrême droite hindous, d’un rassemblement religieux qui se tiendra du 11 au 13 février prochain à Jarsol, localité proche du village de Subir, où 25 % de la population est chrétienne. Ce rassemblement a en effet pour but de « reconvertir » les chrétiens à l’hindouisme, ce qui, selon les auteurs de cette lettre, représente une démarche « anticonstitutionnelle », puisque la Constitution indienne garantit le droit de chaque citoyen à la liberté d’expression et de religion.

En 1998, le district de Dangs, dont la population est aborigène à 92 % et compte moins de 5 % de chrétiens, avait déjà fait la une des journaux lorsque ces mêmes groupes d’extrême droite avaient battu des aborigènes chrétiens, détruit des chapelles et brûlé des pages de la Bible (1).

Ce festival « sera très important et nous prévoyons de reconvertir chacune des personnes qui a été séduite par le christianisme, du fait des missionnaires présents dans la région », a annoncé Pravin Togadia, secrétaire du Vishwa Hindu Parishad (VHP, Conseil hindou mondial), un des mouvements qui finance l’évènement. Le programme du festival s’inspire du Kumbh Mela, (‘la fête de la cruche’), un des plus importants rassemblements religieux hindous qui attire des millions d’hindous et qui est organisée tous les trois ans dans quatre lieux différents en Inde (2). Le district de Dangs n’est pourtant pas un des lieux traditionnels pour célébrer le Kumbh Mela, mais les groupes hindous ont prévu de réaliser le même type de célébration autour d’un temple qu’ils ont ouvert en octobre 2004. A la différence de véritables Kumbh Mela, le festival de Dangs est organisé pour les aborigènes de la région et vise à repousser « l’invasion chrétienne rampante », souligne Pradeep Jain, militant hindou chargé de la logistique du festival, ajoutant que ce festival devrait avoir lieu tous les quatre ans.

Les organisateurs ont également prévu que la fleuve de la région, la Purna, serait le lieu des bains rituels de purification dont l’ordonnance et le cérémonial seront dirigés et contrôlés par 10 000 sadhus (religieux hindous) venus de différentes régions de l’Inde, ainsi que par des yogis (gourous hindous) vivant dans des cavernes de l’Himalaya, et qui se déplaceront à Jarsol pour l’occasion. En effet, selon la religion hindoue, un bain dans un fleuve sacré pendant un rassemblement religieux permet d’être purifié de ses fautes et libéré du cycle des renaissances. Selon Pradeep Jain, les organisateurs attendent 500 000 personnes – le district de Dangs compte 186 000 habitants.

Mgr Godfrey de Rozario, évêque du diocèse de Baroda, auquel appartient le district de Dangs, considère que ce rassemblement religieux est « très sérieux ». Selon lui, « ignorer l’événement serait une erreur », même s’il avoue que l’Eglise se trouve désemparée par rapport à l’initiative des groupes d’extrême droite hindous, qui bénéficient du « plein soutien de la machine étatique ». L’Etat du Gujarat est en effet dirigé par le Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien), le parti nationaliste hindou. Selon les propos du P. Anthony Myladumpura, jésuite qui travaille avec les aborigènes de la région depuis plusieurs années et a été la cible des extrémistes hindous lors des attaques de 1998, le gouvernement a débloqué 800 millions de roupies (14,7 millions d’euros) pour l’événement.

Depuis le début de l’organisation du festival, les villageois de la région ont pu observer des améliorations notoires. L’administration a fait installer des canalisations d’eau, l’électricité, et des routes ont été construites pour que des véhicules puissent parvenir jusqu’au lieu du pèlerinage. Les villageois ne « s’imaginaient pas pouvoir bénéficier, un jour, de ces infrastructures, alors pourquoi s’opposeraient-ils à ce rassemblement ? », s’interroge Jyoti Salve, une femme aborigène travaillant avec l’organisation caritative jésuite de la région. Selon cette dernière, des militants hindous font pression sur les familles chrétiennes afin qu’elles se convertissent à l’hindouisme. « Beaucoup de familles ne supporteront pas cette pression », estime-t-elle.

Selon le P. Xavier Manjooran, qui dirige un centre caritatif pour les aborigènes, les villageois vivant dans des conditions précaires sont la proie du Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS, Corps national des volontaires), le noyau dur de la nébuleuse de l’extrême droite hindoue, qui propage l’idée selon laquelle les peuples aborigènes seraient traditionnellement de religion hindoue, alors qu’ils sont d’origine animiste. « Des militants hindous ont menacé des opposants au rassemblement de février prochain et en guise d’avertissement, ils ont détruit une image de Jésus appartenant à une famille chrétienne », précise le pasteur Augustine Rajwadi, de l’Eglise du nord de l’Inde, ajoutant que ces tactiques sont fréquentes et ont pour but de contraindre les villageois à se « reconvertir ». Ainsi, des tracts circulent dans les villages, indiquant que toute personne qui s’opposera au rassemblement religieux hindou sera considérée comme anti-hindoue, anti-nationale et anti-aborigène.

Pendant les fêtes de Noël dernier, des membres du Hindu Jagran Manch (HJM, Forum pour l’éveil des hindous) ont attaqué deux écoles jésuites et ont mis le feu à un foyer pour enfants aborigènes à Subir, village situé à deux kilomètres de Jarsol. Selon le pasteur Rajwadi, les chrétiens, notamment les jeunes, prévoient un plan d’urgence en cas d’attaque, pendant que les chrétiens plus âgés envisagent, à l’approche du festival, de quitter temporairement la région.
(1) Au sujet des violences contre les chrétiens de la région, voir EDA 301
(2) Voir EDA 323, 395

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ZENIT Staff

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