Lecture: Ps 143, 1-4
1. Béni soit le Seigneur, mon rocher !
Il exerce mes mains pour le combat,
il m'entraîne à la bataille.
2. Il est mon allié, ma forteresse,
ma citadelle, celui qui me libère ;
il est le bouclier qui m'abrite,
il me donne pouvoir sur mon peuple.
3. Qu'est-ce que l'homme, pour que tu le connaisses, Seigneur,
le fils d'un homme, pour que tu comptes avec lui ?
4. L'homme est semblable à un souffle,
ses jours sont une ombre qui passe.
5. Seigneur, incline les cieux et descends ;
touche les montagnes : qu'elles brûlent !
6. Décoche des éclairs de tous côtés,
tire des flèches et répands la terreur.
7. Des hauteurs, tends-moi la main, délivre-moi,
sauve-moi du gouffre des eaux,
de l'emprise d'un peuple étranger :
8. il dit des paroles mensongères,
sa main est une main parjure.
9. Pour toi, je chanterai un chant nouveau,
pour toi, je jouerai sur la harpe à dix cordes,
10. pour toi qui donnes aux rois la victoire
et sauves de l'épée meurtrière David, ton serviteur.
11. Délivre-moi, sauve-moi
de l'emprise d'un peuple étranger :
il dit des paroles mensongères,
sa main est une main parjure.
© AELF
1. Notre itinéraire dans le psautier utilisé par la liturgie des vêpres parvient à présent à un hymne royal, le Psaume 143, dont la première partie a été proclamée: en effet, la liturgie propose ce chant en le divisant en deux moments.
La première partie (cf. vv. 1-8) révèle de manière nette la caractéristique littéraire de cette composition: le psalmiste a recours à des citations d'autres textes des Psaumes, en les articulant dans un nouveau projet de chant et de prière.
Précisément parce que le Psaume appartient à une époque successive, il est facile de penser que le roi qui est exalté ne possède plus désormais les traits du souverain davidique, la royauté hébraïque ayant pris fin avec l'exil à Babylone au VIe siècle av. J.-C., mais qu'il représente la figure lumineuse et glorieuse du Messie, dont la victoire n'est plus un événement guerrier et politique, mais une intervention de libération contre le mal. Au « messie » — terme hébreu qui indique le « consacré », comme l'était le souverain — fait ainsi place le « Messie » par excellence, qui, dans la relecture chrétienne, possède le visage de Jésus Christ, « fils de David, fils d'Abraham » (Mt 1, 1).
2. L'hymne s'ouvre par une bénédiction, c'est-à-dire une exclamation de louange adressée au Seigneur, célébré par une petite litanie de titres salvifiques: il est le roc sûr et stable, il est la grâce pleine d'amour, il est la forteresse protégée, le refuge protecteur, la libération, le bouclier qui tient à distance tous les assauts du mal (cf. Ps 143, 1-2). Il y a également l'image martiale de Dieu qui entraîne son fidèle à la lutte, de manière à ce qu'il sache affronter les hostilités environnantes, les puissances obscures du monde.
Devant le Seigneur tout-puissant, l'orant, malgré sa dignité royale, se sent faible et fragile. Il prononce alors une profession d'humilité qui est formulée, comme on le disait, en reprenant les mots des Psaumes 8 et 38. En effet, il sent qu'il est « comme un souffle », semblable à une ombre passagère, frêle et inconsistant, plongé dans le flux du temps qui passe, marqué par la limite propre à la créature (cf. Ps 143, 4).
3. Voilà alors la question : pourquoi Dieu prend-il soin et se soucie-t-il de cette créature si misérable et caduque ? La grandiose irruption divine répond à cette interrogation (cf. v. 3) ; c'est-à-dire la théophanie qui est accompagnée par un cortège d'éléments cosmiques et d'événements historiques, visant à célébrer la transcendance du Roi suprême de l'être, de l'univers et de l'histoire.
Voici des monts qui fument en éruptions volcaniques (cf. v. 5), des éclairs semblables à des flèches qui dispersent les méchants (cf. v. 6), voici les « grandes eaux » de l'océan qui sont le symbole du chaos dont le roi est cependant sauvé par la main divine elle-même (cf. v. 7). En arrière-plan demeurent les impies qui disent des « paroles mensongères » et qui sont « parjures » (cf. vv. 7-8), une représentation concrète, selon le style sémite, de l'idolâtrie, de la perversion morale, du mal qui s'oppose véritablement à Dieu et à son fidèle.
4. A présent, pour notre méditation, nous nous arrêterons tout d'abord sur la profession d'humilité que le Psalmiste effectue et nous nous remettrons aux paroles d'Origène, dont le commentaire à notre texte nous est parvenu dans la version latine de saint Jérôme. « Le Psalmiste parle de la fragilité du corps et de la condition humaine », car « en ce qui concerne la condition humaine, l'homme est un néant. “Vanité des vanités, tout est vanité”, dit l'Ecclésiaste. Mais c'est alors que revient la question pleine d'étonnement et de reconnaissance: « “Seigneur, qu'est l'homme pour que tu te sois manifesté à lui?”... C'est un grand bonheur pour l'homme de connaître son propre Créateur. C'est en cela que nous nous différencions des fauves et des autres animaux, car nous savons que nous avons notre Créateur, alors qu'ils ne le savent pas ». Cela vaut la peine de méditer un peu ces paroles d'Origène, qui voit la différence fondamentale entre l'homme et les autres animaux dans le fait que l'homme est capable de connaître Dieu, son Créateur, que l'homme est capable de la vérité, capable d'une connaissance qui devient relation, amitié. Il est important, à notre époque, que nous n'oubliions pas Dieu, avec toutes les autres connaissances que nous avons acquises entre-temps, et elles sont nombreuses ! Elles deviennent toutes problématiques, parfois dangereuses, s'il manque la connaissance fondamentale qui donne un sens et une orientation à tout: la connaissance de Dieu créateur.
Revenons à Origène. Il dit: « Tu ne pourras pas sauver cette misère qu'est l'homme, si toi-même tu ne la prends pas sur toi. “Seigneur, ploie le ciel et descends”. Ta brebis égarée ne pourra pas guérir si elle n'est pas mise sur tes épaules... Ces paroles sont adressées au Fils: “Seigneur, ploie le ciel et descends”... Tu es descendu, tu as abaissé les cieux et tu as étendu ta main d'en haut, et tu as daigné prendre sur toi la chair de l'homme, et un grand nombre crurent en toi » (Origène-Jérôme, 74 homélies sur le livre des Psaumes, Milan 1993, pp. 512-515). Pour nous, chrétiens, Dieu n'est plus, comme dans la philosophie précédent le christianisme, une hypothèse, mais une réalité, car Dieu « a ployé le ciel et est descendu ». Le ciel, c'est Lui-même, et il est descendu parmi nous. Origène voit à juste titre dans la parabole de la brebis égarée, que le pasteur prend sur ses épaules, la parabole de l'incarnation de Dieu. Oui, dans l'incarnation, Il est descendu et a pris sur ses épaules notre chair, nous-mêmes. Ainsi, la connaissance de Dieu est devenue réalité, est devenue amitié, communion. Rendons grâce au Seigneur, car il « a ployé le ciel et est descendu », il a pris sur ses épaules notre chair et il nous porte sur la route de notre vie.
Le Psaume, parti de la découverte que nous sommes faibles et éloignés de la splendeur divine, débouche à la fin sur cette grande surprise de l'action divine: à côté de nous, se trouve Dieu-Emmanuel, qui pour le chrétien possède le visage plein d'amour de Jésus Christ, Dieu fait homme, qui est devenu l'un de nous.
[Texte original : italien – Traduction réalisée par Zenit]