« Dans l’Opus Dei, nous ne sommes ni anges ni démons »

Entretien avec Marc Carroggio, responsable international du Bureau de Presse de l’Opus Dei

Share this Entry

ROME, Vendredi 6 janvier 2006 (ZENIT.org) – Marc Carroggio, préposé de l’Opus Dei aux relations avec les journalistes du monde entier, reconnaît qu’il est satisfait du livre que le vaticaniste John L. Allen vient de publier : « L’Opus Dei, un regard objectif par-delà les mythes et sur la réalité de la force la plus controversée de l’Église catholique », déjà édité en anglais, en portugais et en coréen (« Opus Dei, an objective look behind the myths and reality of the most controversial force in the catholic church »).

Marc Carroggio a déclaré à Zenit que c’est le premier ouvrage qui compare, de façon objective, les « mythes » sur l’Œuvre (nom connu de l’Opus Dei) avec sa réalité.

Le livre, édité par Doubleday, est un reportage journalistique, précise Marc Carroggio, qui estime que « l’auteur a bien compris la nature de l’Opus Dei ».

Dans cette interview, Marc Carroggio affirme que l’intention principale des membres de l’Opus Dei est « la poursuite d’un idéal spirituel qui [les] enthousiasme » et, au-delà du mythe qui plane sur cette organisation, il constate : « Nous sommes en chair et os, avec des erreurs et des réussites. »

Zenit : Vous appréciez sans doute que cet ouvrage ait démonté tous les lieux communs sur l’Opus Dei ?

M. Carroggio : Je travaillais au Bureau d’information de Rome lorsque John L. Allen écrivait ce livre. Je dois avouer que je suis satisfait, non pas tant par son résultat que par sa méthode.

Je pense que l’auteur fournit de nombreuses données, après avoir investi des centaines d’heures à récolter informations et avis en tout genre. Il situe les faits dans leur contexte ce qui fait comprendre le pourquoi de beaucoup de façons d’agir. Il a entendu tous les sons de cloche et traité avec respect les carillonneurs et, pour finir, il permet au lecteur d’en tirer librement ses propres conclusions.

Je pense que ce sont des qualités fort appréciables pour un travail de ce genre. Les lieux communs sont des obstacles au dialogue et au débat dépassionné. Dans ce sens, tout effort pour démonter de faux clichés est positif. Les comparaisons sont odieuses, mais je ne peux pas ne pas évoquer que l’auteur du Da Vinci Code n’a jamais mis les pieds dans un centre de l’Opus Dei, et, à ma connaissance, n’a jamais parlé avec une personne de l’Œuvre. Le tableau de l’Opus Dei qu’il brosse dans son Code n’existe que dans son imagination. Je pense que le travail d’Allen peut être utile à beaucoup de lecteurs de ce roman qui ne connaissaient pas l’Opus Dei de première main. Ils verront que nous ne sommes « ni anges ni démons ». Nous ne sommes que des êtres en « chair et os », avec des erreurs, des réussites et une volonté de poursuivre un idéal spirituel qui nous enthousiasme.

Zenit : L’auteur a eu accès, il le dit lui-même, à des documents qui ne sont pas à la portée du public. Il a visité des centres de numéraires de l’Opus Dei, il a interviewé des dizaines de personnes de l’Œuvre, il est donc à même de savoir ce que signifie « être de l’Opus Dei ». À votre avis, que lui manquerait-il pour mieux comprendre encore l’Opus Dei ?

M. Carroggio : Je pense que l’auteur a bien compris l’Opus Dei, la nature de son message, les raisons de ses propositions, la façon de vivre de ses fidèles : nos idéaux tout autant que nos limites.

Ce livre est un reportage journalistique, non pas une thèse de théologie ni un traité d’histoire de l’Église. Son approche est plutôt sociologique, bien qu’il considère aussi sa dimension spirituelle. L’auteur lui-même avance que son intention n’est pas d’expliquer l’Opus Dei de façon exhaustive, mais de comparer les mythes avec la réalité.

Par conséquent, il consacre beaucoup de temps à des affaires relativement secondaires dans la vie de l’Opus Dei, tout en ayant constitué le point de mire des médias, aux États-Unis surtout.

Dans ce sens, il aurait pu davantage parler de l’expérience spirituelle de ceux qui font partie de l’Opus Dei et de l’intention profonde qui les pousse à suivre ce chemin de recherche de la sainteté dans le monde : la conscience de la vocation chrétienne personnelle, le désir d’imiter Jésus-Christ, dans le travail, la famille et la vie de tous les jours.

Dans une institution de l’Église, les aspects personnels, existentiels, sont plus importants que les structures d’organisation ou les questions d’image.

Zenit : Dans son enquête, John Allen a aussi interviewé certains anciens membres de l’Opus Dei. Pensez-vous qu’il ait accordé trop d’espace à ces témoignages ?

M. Carroggio : Le livre est un reportage journalistique, non pas une réflexion sur des questions de principe. Il s’agit du résultat d’un grand nombre d’interviews avec des gens différents. Dans ce type de travail, c’est le journaliste lui-même qui décide de l’équilibre de ses sources. Je respecte sa décision, elle me semble totalement légitime.

Quant à moi, je pense que l’auteur explique bien que ces critiques sont d’une nature différente de celles qui ne sont issues que de l’imagination de romanciers. Il est facile de montrer que l’Opus Dei n’a rien à voir avec les sombres manigances relevant du complot qu’on lui attribue (je ne m’étendrai pas sur des exemples).

Dès qu’il s’agit de quelqu’un ayant eu une expérience négative, les choses changent. On ne peut pas démentir une blessure, une souffrance, un mauvais souvenir. Nous ne sommes plus devant des vérités ou des mensonges. Cette expérience négative nous force au respect, au partage de la souffrance, bien que l’interprétation des faits soit parfois discutable.

Ce qui est vrai, c’est que les fidèles de l’Opus Dei vivent leur don à Dieu dans une liberté totale, et que ce don leur apporte l’expérience du bonheur, un bonheur toujours relatif ici-bas.

Aussi, l’immense majorité des hommes et des femmes qui s’approchent des centres de l’Œuvre leur restent-ils attachés toute leur vie. Ce n’est certes pas toujours le cas et, à mon avis, il n’y a rien de négatif à ce qu’un livre comme celui de John L. Allen se fasse l’écho de ces voix que je considère exceptionnelles.

Lorsque l’auteur a interrogé le prélat sur cet aspect-là, Monseigneur Echevarria lui a répondu que nous demandons pardon de tout cœur aux personnes qui ne se sont pas senties bien traitées. Vous êtes à même de comprendre que je n’ai rien à ajouter de plus.

Zenit : Aimeriez-vous une « deuxième partie » de ce livre ?

M. Carroggio : Chaque livre est unique. C’est sa force, me semble-t-il. Le livre de John L. Allen n’est pas seulement un ouvrage sur les controverses, les polémiques y sont très présentes aussi. À mon avis, il traite les questions controversées avec respect et livre des données empiriques plutôt que des explications partisanes ou idéologiques. De plus, l’auteur s’efforce d’y résumer certains traits essentiels de l’Opus Dei : filiation divine, liberté, sanctification du travail et de la vie ordinaire, etc.

J’aimerais qu’un autre ouvrage puisse développer davantage ces aspects, sous la forme d’un reportage journalistique précisément. Un livre qui réussisse à percer la fraîcheur de la vie chrétienne au milieu du monde. Le recours admirable que sont la foi et la prière pour la vie ordinaire, dans les moments pénibles de la maladie physique ou psychique, de la perte d’un travail, ou de la mort d’un être cher. Il y aurait une longue histoire à raconter.

Share this Entry

ZENIT Staff

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel