ROME, Vendredi 4 novembre 2005 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile de ce dimanche (Mt 25, 1-13) que proposait cette semaine le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale, dans l’hebdomadaire catholique italien « Famiglia cristiana ».
XXXIIe Dimanche du temps ordinaire (Année A) – 6 novembre 2005
A la rencontre de l’Epoux
Matthieu 25, 1-13
« Alors, le Royaume des cieux sera comparable à dix jeunes filles invitées à des noces, qui prirent leur lampe et s’en allèrent à la rencontre de l’époux.
Cinq d’entre elles étaient insensées, et cinq étaient prévoyantes :
les insensées avaient pris leur lampe sans emporter d’huile,
tandis que les prévoyantes avaient pris, avec leur lampe, de l’huile en réserve.
Comme l’époux tardait, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent.
Au milieu de la nuit, un cri se fit entendre : ‘Voici l’époux ! Sortez à sa rencontre.’
Alors toutes ces jeunes filles se réveillèrent et préparèrent leur lampe.
Les insensées demandèrent aux prévoyantes : ‘Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent.’
Les prévoyantes leur répondirent : ‘Jamais cela ne suffira pour nous et pour vous ; allez plutôt vous en procurer chez les marchands.’
Pendant qu’elles allaient en acheter, l’époux arriva. Celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces et l’on ferma la porte.
Plus tard, les autres jeunes filles arrivent à leur tour et disent : ‘Seigneur, Seigneur, ouvre-nous !’
Il leur répondit : ‘Amen, je vous le dis : je ne vous connais pas.’
Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure.
© AELF
Dans ce commentaire de la parabole des dix vierges nous ne voulons pas tant insister sur ce qui différencie les jeunes filles (cinq d’entre elles sont sages et cinq insensées), que sur ce qui les unit : elles vont toutes à la rencontre de l’époux. Ceci nous permet de réfléchir à un aspect fondamental de la vie chrétienne : son orientation eschatologique ; c’est-à-dire l’attente du retour du Seigneur et de notre rencontre avec lui. Cela nous aide à répondre à l’éternelle et inquiétante question : qui sommes-nous et où allons-nous ?
Les Ecritures disent que dans cette vie nous sommes « étrangers et voyageurs », que nous sommes « parroci » (« curés » en italien, « ceux qui dirigent la paroisse », ndlr) car « paróikos » est le mot du Nouveau Testament traduit par étranger et voyageur (cf. 1P 2, 11) de même que « paroikía » (paroisse) est le mot traduit par voyage ou exil (cf. 1P 1, 17). Le sens est clair : en grec, « pará » est un adverbe et signifie « à côté » ; oikía est un substantif et signifie demeure ; par conséquent, habiter à côté, près, non pas à l’intérieur mais aux abords. De là le terme en est venu à désigner celui qui habite en un lieu pour peu de temps, l’homme de passage, ou l’exilé de sa patrie ; « paroikía » indique donc une habitation provisoire.
La vie des chrétiens est une vie d’étrangers et de voyageurs, car ils sont « dans » le monde, mais pas « du » monde (cf. Jn 17, 11.16) ; car leur vraie patrie est dans les cieux, d’où ils attendent que vienne Jésus Christ Sauveur (cf. Ph 3, 20) ; car ils n’ont pas de demeure fixe ici-bas, mais sont en marche vers la demeure de l’avenir (cf. He 13, 14). L’Eglise tout entière n’est autre qu’une grande et unique « paroisse ».
L’Epître à Diognète, du IIe siècle, définit les chrétiens comme des hommes qui « résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers (paróikos) domiciliés. Ils s’acquittent de tous leurs devoirs de citoyens, et supportent toutes les charges comme des étrangers. Toute terre étrangère leur est une patrie, et toute patrie leur est une terre étrangère.. ». Il s’agit cependant d’une qualité « d’étranger » particulière. Certains penseurs de l’époque définissaient également l’homme : « par nature, étranger au monde ». Mais la différence est énorme : ils considéraient le monde comme une œuvre du mal et par conséquent recommandaient l’abstention de l’engagement envers le monde qui s’exprime par le mariage, le travail, l’Etat. Il n’y a rien de tout cela chez le chrétien. Celui-ci est, lit-on dans l’Epître, un homme « qui se marie et a des enfants », un homme qui participe à tout.
Sa qualité d’étranger est d’ordre eschatologique, et non ontologique ; c’est-à-dire que l’homme se sent étranger par vocation, non par nature, en tant qu’homme destiné à un autre monde, non pas en tant qu’homme provenant d’un autre monde. Le sentiment chrétien d’être « étranger » est fondé sur la résurrection du Christ : « Du moment donc que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d’en haut ». Il n’annule pas par conséquent la création et sa bonté fondamentale.
Récemment, la redécouverte du rôle et de l’engagement des chrétiens dans le monde a contribué à atténuer le sens eschatologique, si bien que l’on ne parle presque plus des réalités ultimes : la mort, le jugement, l’enfer et le paradis. Mais lorsqu’elle est authentiquement biblique, l’attente du retour du Seigneur ne détourne pas de l’engagement envers ses frères ; elle le purifie au contraire ; elle enseigne à « évaluer avec sagesse les biens de la terre, toujours orientés vers les biens du ciel ». Après avoir rappelé aux chrétiens que les temps sont courts, saint Paul concluait en disant : « Ainsi donc, tant que nous en avons l’occasion, pratiquons le bien à l’égard de tous et surtout de nos frères dans la foi ! » (Ga 6, 10).
Vivre dans l’attente du retour du Seigneur ne signifie pas non plus souhaiter mourir tôt. « Chercher les choses d’en haut » signifie plutôt orienter sa vie en vue de la rencontre avec le Seigneur, faire de cet événement le pôle d’attraction, le phare de sa vie. Le « quand » est secondaire et est laissé à la volonté de Dieu.
[Texte original en italien publié dans « Famiglia cristiana » – Traduction réalisée par Zenit]