ROME, dimanche 22 février 2004 (ZENIT.org) – L’intégration des musulmans en Europe est nécessaire et peut être un bien pour l’islam et pour l’Europe, affirme le père Samir Khalil Samir, S.J. dans cet entretien accordé à Zenit.
Auteur de « Cent questions sur l’islam », livre-entretien de Giorgio Paolocci et Camille Eid, publié en différentes langues, le père Samir Khalil Samir est également professeur à l’Université Saint Joseph de Beyrouth et à l’Institut Pontifical Oriental de Rome.
Zenit : Quelle est la grande question qu’il faut se poser sur l’islam?
Père Samir Khalil Samir : La question est simple: qu’est-ce que l’islam? L’islam est une religion à la fois semblable au christianisme et différente. Dans de nombreuses valeurs profondes il y a des points communs avec le christianisme. Il ne faut pas oublier que l’islam naît dans un contexte géographique, culturel et historique où le judaïsme et le christianisme existent déjà. A la Mecque il y avait beaucoup de chrétiens et à Médine, la deuxième ville de l’islam, beaucoup de juifs.
Le contexte de la culture bédouine, en milieu arabe, fait que la manière de concevoir Dieu et la religion est différente. Lorsque je dis différente, je ne fais pas un jugement de qualité; c’est simplement différent.
Les occidentaux sont tentés d’assimiler l’islam à une forme de christianisme ou de l’opposer au christianisme comme étant quelque chose de totalement différent: eh bien, non. Il ne faut faire ni l’un ni l’autre. Il faut commencer par comprendre ce que c’est.
Zenit : L’islam se sent « missionnaire » par définition?
Père Samir Khalil Samir : Tout comme pour le chrétien, l’essentiel est de vouloir transmettre l’Evangile à tous, pour le musulman il est également essentiel de transmettre le Coran. Jusque là c’est justifiable et juste. Le problème se pose lorsque la manière de procéder est agressive. Il y a un problème lorsque le chrétien, dans son désir d’annoncer le Christ et l’Evangile à tous, le fait de manière même légèrement agressive ou en méprisant ceux qui n’ont pas la même vision du monde.
Si je suis convaincu d’avoir découvert quelque chose de beau et que par charité et amitié je veux le transmettre, il n’y a pas de problème, à condition que je le fasse en laissant une liberté absolue à tous. Ceci devient même un acte de fraternité et d’amour.
Zenit : Mais certains voudraient répandre l’islam par des voies non pacifiques…
Père Samir Khalil Samir : Nous constatons en effet aujourd’hui qu’il y a souvent des personnes qui veulent répandre l’islam par des moyens qui ne sont pas toujours pacifiques. On a même vu le faire avec la guerre.
Je crois que lorsque nous parlons de guerre il ne faut pas dire: « mais les chrétiens ont fait les croisades », car, selon ma lecture de l’histoire, le but de la croisade n’était pas de convertir les musulmans. Celle-ci avait un objectif de défense. Les objectifs étaient militaires et sociaux; ils ne sont jamais partis là-bas pour convertir des musulmans. Ils sont peut-être plutôt partis pour défendre les chrétiens et les routes par lesquelles passaient les pèlerinages vers les lieux saints.
L’islam a toujours envisagé la conquête et la guerre. Non pas pour la violence. Cela jamais. L’islam n’accepte pas le principe de « la violence pour la violence », et n’utilisera pas la guerre pour se répandre.
La foi musulmane s’est surtout répandue par l’intermédiaire des commerçants – pensons à l’Inde ou la Malaisie – et par l’intermédiaire des mystiques. Il a eu plusieurs méthodes de diffusion. Le fait de vouloir répandre sa foi et la partager est un acte noble. Il faudrait voir ce qu’il convient de faire pour affiner ce concept de diffusion qui pour eux est la « dawa » et pour les chrétiens la « mission ».
Zenit : Dans le Coran, on trouve de la violence et de la non-violence…
Père Samir Khalil Samir : La violence se trouve déjà dans le Coran et dans la vie de Mahomet. Celui qui affirme le contraire n’a pas lu le Coran et ne connaît pas Mahomet. Ses premières biographies étaient intitulées : les livres de la conquêtes. C’est comme cela qu’ils les appellent.
Mais en même temps que j’affirme que l’on trouve la violence dans le Coran, je dois aussi dire que l’on y trouve la « non violence », ainsi que dans la vie de Mahomet. Je ne suis pas en train de me contredire. C’est la réalité.
D’un côté la violence faisait partie de l’islam naissant. La question plus profonde que nous devons nous poser est: comment concilier les faits de violence qui subsistent dans le Coran et qui obligent – je dis bien obligent – presque à tuer dans certains cas, et en même temps, les passages qui obligent – je répète, obligent – à ne pas faire de mal et à respecter la diversité? On trouve les deux visions et nous ne commencerons à comprendre la réalité musulmane dans son ensemble que si nous nous posons cette question.
( La deuxième partie de l’entretien sera publiée dans le bulletin de mardi 24 février)