CITE DU VATICAN, Dimanche 16 mars 2003 (ZENIT.org) – « Jamais plus la guerre! » voici le texte intégral de ce discours historique de Paul VI devant les représentants des Nations Unies, à New York, le 4 octobre 1965, un discours que Jean-Paul II citait aujourd’hui à l’angélus (cf. http://www.vatican.va).
Paul VI lui-même y cite l’encyclique de son prédécesseur, le bienheureux pape Jean XXIII, « Pacem in terris » (1963), que Jean-Paul II invite à redécouvrir cette année, à l’occasion du 40e anniversaire de sa publication.
Pal VI avait été invité à l’ONU par M. U Thant, Secrétaire général des Nations Unies de 1961 à 1971. Cette visite se situait dans le cadre du 20e anniversaire de l’ONU.
Le pape citait le défunt président John Kennedy, qui proclamait: « L’humanité devra mettre fin à la guerre, ou c’est la guerre qui mettra fin à l’humanité »
» La paix, vous le savez, disait Paul VI, ne se construit pas seulement au moyen de la politique et de l’équilibre des forces et des intérêts. Elle se construit avec l’esprit, les idées, les oeuvres de la paix. Vous travaillez à cette grande oeuvre. Mais vous n’êtes encore qu’au début de vos peines. Le monde arrivera-t-il jamais à changer la mentalité particulariste et belliqueuse qui a tissé jusqu’ici une si grande partie de son histoire? Il est difficile de le prévoir; mais il est facile d’affirmer qu’il faut se mettre résolument en route vers la nouvelle histoire, l’histoire pacifique, celle qui sera vraiment et pleinement humaine, celle-là même que Dieu a promise aux hommes de bonne volonté. Les voies en sont tracées devant vous: la première est celle du désarmement ».
Il insistait sur la « conscience » et la « conversion »: « Cet édifice que vous construisez ne repose pas sur des bases purement matérielles et terrestres, car ce serait alors un édifice construit sur le sable; il repose avant tout sur nos consciences. Oui, le moment est venu de la « conversion », de la transformation personnelle, du renouvellement intérieur. Nous devons nous habituer à penser d’une manière nouvelle l’homme; d’une manière nouvelle aussi la vie en commun des hommes, d’une manière nouvelle enfin les chemins de l’histoire et les destins du monde ».
– Discours du pape Paul VI pour le 20e anniversaire de l’ONU –
Lundi 4 octobre 1965
Au moment de prendre la parole devant cet auditoire unique au monde, Nous tenons à exprimer d’abord Notre profonde gratitude à Monsieur Thant, votre Secrétaire Général, qui a bien voulu Nous inviter à rendre visite aux Nations-Unies, à l’occasion du vingtième anniversaire de cette institution mondiale pour la paix et la collaboration entre les peuples de toute la terre.
Merci également à Monsieur le Président de l’Assemblée, Monsieur Amintore Fanfani, qui, dès le jour de son entrée en charge, a eu pour Nous des paroles si aimables.
Merci à vous tous, ici présents, pour votre bienveillant accueil. A chacun d’entre vous, Nous présentons Notre salut cordial et déférent. Votre amitié Nous a convié et Nous admet à cette réunion: c’est en ami que Nous Nous présentons à vous.
En plus de Notre hommage personnel, Nous vous apportons celui du Second Concile Œcuménique du Vatican, actuellement réuni à Rome, et dont les Cardinaux qui Nous accompagnent sont les éminents représentants.
En leur nom, comme au Nôtre, à vous tous, honneur et salut! Cette rencontre, vous en êtes tous bien conscients, revêt un double caractère: elle est empreinte à la fois de simplicité et de grandeur. De simplicité car celui qui vous parle est un homme comme vous; il est votre frère, et même un des plus petits parmi vous, qui représentez des Etats Souverains, puisqu’il n’est investi – s’il vous plaît de Nous considérer à ce point de vue – que d’une minuscule et quasi symbolique souveraineté temporelle: le minimum nécessaire pour être libre d’exercer sa mission spirituelle et assurer ceux qui traitent avec lui qu’il est indépendant de toute souveraineté de ce monde. Il n’a aucune puissance temporelle, aucune ambition d’entrer avec vous en compétition. De fait, Nous n’avons rien à demander, aucune question à soulever; tout au plus un désir à formuler, une permission à solliciter: celle de pouvoir vous servir dans ce qui est de Notre compétence, avec désintéressement, humilité et amour.
Telle est la première déclaration que Nous avons à faire. Comme vous le voyez, elle est si simple qu’elle peut paraître insignifiante pour cette assemblée, habituée à traiter d’affaires extrêmement importantes et difficiles.
Et pourtant, Nous vous le disions, et vous le sentez tous, ce moment est empreint d’une singulière grandeur: il est grand pour Nous, il est grand pour vous.
Pour Nous d’abord. Oh! Vous savez bien qui Nous sommes.
Et quelle que soit votre opinion sur le Pontife de Rome, vous connaissez Notre mission: Nous sommes porteur d’un message pour toute l’humanité. Et Nous le sommes non seulement en Notre Nom personnel et au nom de la grande famille catholique: mais aussi au nom des Frères chrétiens qui partagent les sentiments que Nous exprimons ici, et spécialement de ceux qui ont bien voulu Nous charger explicitement d’être leur interprète. Et tel le messager qui, au terme d’un long voyage, remet la lettre qui lui a été confiée: ainsi Nous avons conscience de vivre l’instant privilégié, – si bref soit-il – où s’accomplit un voeu que Nous portons dans le coeur depuis près de vingt siècles. Oui, vous vous en souvenez. C’est depuis longtemps que Nous sommes en route, et Nous portons avec Nous une longue histoire; Nous célébrons ici l’épilogue d’un laborieux pèlerinage à la recherche d’un colloque avec le monde entier, depuis le jour où il Nous fut commandé: » allez, portez la bonne nouvelle à toutes les nations! « . Or c’est vous qui représentez toutes les nations.
Laissez-Nous vous dire que Nous avons pour vous tous un message, oui, un heureux message, à remettre à chacun d’entre vous.
1. Notre message veut être tout d’abord une ratification morale et solennelle de cette haute Institution. Ce message vient de Notre expérience historique. C’est comme » expert en humanité » que Nous apportons à cette Organisation le suffrage de Nos derniers prédécesseurs, celui de tout l’Episcopat Catholique et le Nôtre, convaincu comme Nous le sommes que cette Organisation représente le chemin obligé de la civilisation moderne et de la paix mondiale.
En disant cela, Nous avons conscience de faire Nôtre aussi bien la voix des morts que celle des vivants: des morts tombés dans les terribles guerres du passé en rêvant à la concorde et à la paix du monde; des vivants qui y ont survécu, et qui condamnent d’avance dans leurs coeurs ceux qui tenteraient de les renouveler; d’autres vivants encore: les jeunes générations d’aujourd’hui, qui s’avancent confiantes, attendant à bon droit une humanité meilleure. Nous faisons Nôtre aussi la voix des pauvres, des déshérités, des malheureux, de ceux qui aspirent à la justice, à la dignité de vivre, à la liberté, au bien-être et au progrès. Les peuples se tournent vers les Nations-Unies comme vers l’ultime espoir de la concorde et de la paix: Nous osons apporter ici, avec le Nôtre, leur tribut d’honneur et d’espérance. Et voilà pourquoi pour vous aussi ce moment est grand.
2. Nous le savons, vous en êtes pleinement conscients. Ecoutez maintenant la suite de Notre Message. Il est tout entier tourné vers l’avenir. L’édifice que vous avez construit ne doit plus jamais tomber en ruines: il doit être perfectionné et adapté aux exigences que l’histoire du monde présentera. Vous marquez une étape dans le développement de l’humanité: désormais, impossible de reculer, il faut avancer.
A la pluralité des Etats? qui ne peuvent plus s’ignorer les uns les autres,
vous proposez une forme de coexistence extrêmement simple et féconde. La voici: d’abord vous reconnaissez et vous distinguez les uns et les autres. Vous ne conférez certes pas l’existence aux Etats: mais vous qualifiez comme digne de siéger dans l’assemblée ordonnée des peuples chacune des nations; vous donnez une reconnaissance d’une haute valeur morale et juridique à chaque communauté nationale souveraine, et vous lui garantissez une honorable citoyenneté internationale. C’est déjà un grand service rendu à la cause de l’humanité: bien définir et honorer les sujets nationaux de la communauté mondiale; les établir dans une condition juridique qui leur vaut la reconnaissance et le respect de tous, et d’où peut dériver un système ordonné et stable de vie internationale.
Vous sanctionnez le grand principe que les rapports entre les peuples doivent être réglés par la raison, par la justice, le droit, et la négociation, et non par la force, ni par la violence, ni par la guerre, non plus que par la peur et par la tromperie.
C’est ainsi que cela doit être. Et permettez que Nous vous félicitions d’avoir eu la sagesse d’ouvrir l’accès de cette assemblée aux peuples jeunes, aux Etats parvenus depuis peu à l’indépendance et à la liberté nationales; leur présence ici est la preuve de l’universalité et de la magnanimité qui inspirent les principes de cette institution. C’est ainsi que cela doit être. Tel est Notre éloge et Notre souhait, et comme vous le voyez Nous ne les attribuons pas du dehors: Nous les tirons du dedans, du génie même de votre Institution.
3. Votre Statut va plus loin encore: et Notre message s’avance avec lui. Vous existez et vous travaillez pour unir les nations, pour associer les Etats. Adoptons la formule: pour mettre ensemble les uns avec les autres. Vous êtes une Association. Vous êtes un pont entre les peuples. Vous êtes un réseau de rapports entre les Etats. Nous serions tenté de dire que votre caractéristique reflète en quelque sorte dans l’ordre temporel ce que notre Eglise Catholique veut être dans l’ordre spirituel: unique et universelle. On ne peut rien concevoir de plus élevé, sur le plan naturel, dans la construction idéologique de l’humanité. Votre vocation est de faire fraterniser, non pas quelques uns des peuples, mais tous les peuples. Entreprise difficile?
Sans nul doute. Mais telle est l’entreprise, telle est votre très noble entreprise. Qui ne voit la nécessité d’arriver ainsi progressivement à instaurer une autorité mondiale en mesure d’agir efficacement sur le plan juridique et politique?
Ici encore Nous répétons Notre souhait: allez de l’avant! Nous dirons davantage: faites en sorte de ramener parmi vous ceux qui se seraient détachés de vous; étudiez le moyen d’appeler à votre pacte de fraternité, dans l’honneur et avec loyauté, ceux qui ne le partagent pas encore. Faites en sorte que ceux qui sont encore au dehors désirent et méritent la confiance commune, et soyez alors généreux à l’accorder. Et vous, qui avez la chance et l’honneur de siéger dans cette assemblée de la communauté pacifique, écoutez-Nous: cette confiance mutuelle qui vous unit et vous permet d’opérer de bonnes et grandes choses, faites en sorte qu’il n’y soit jamais porté atteinte, qu’elle ne soit jamais trahie.
4. La logique de ce souhait qui appartient, peut-on dire, à la structure de votre Organisation, Nous porte à le compléter par d’autres formules. Les voici: que personne, en tant que membre de votre union, ne soit supérieur aux autres: Pas l’un au-dessus de l’autre. C’est la formule de l’égalité. Nous savons, certes, que d’autres facteurs sont à considérer outre la simple appartenance à votre organisme. Mais l’égalité aussi fait partie de sa constitution: non pas que vous soyez égaux, mais ici vous vous faites égaux. Et il se peut que, pour plusieurs d’entre vous, ce soit un acte de grande vertu: permettez que Nous vous le disions, Nous, le représentant d’une religion qui opère le salut par l’humilité de son divin Fondateur.
Impossible d’être frère si l’on n’est humble. Car c’est l’orgueil, si inévitable qu’il puisse paraître, qui provoque les tensions et les luttes du prestige, de la prédominance, du colonialisme, de l’égoïsme: c’est lui qui brise la fraternité.
5. Et ici Notre Message atteint son sommet. Négativement d’abord: c’est la parole que vous attendez de Nous et que Nous ne pouvons prononcer sans être conscient de sa gravité et de sa solennité: jamais plus les uns contre les autres, jamais, plus jamais! N’est-ce pas surtout dans ce but qu’est née l’Organisation des Nations-Unies: contre la guerre et pour la paix? Ecoutez les paroles lucides d’un grand disparu, John Kennedy, qui proclamait, il y a quatre ans: « L’humanité devra mettre fin à la guerre, ou c’est la guerre qui mettra fin à l’humanité ». Il n’est pas besoin de longs discours pour proclamer la finalité suprême de votre Institution. Il suffit de rappeler que le sang de millions d’hommes, que des souffrances inouïes et innombrables, que d’inutiles massacres et d’épouvantables ruines sanctionnent le pacte qui vous unit, en un serment qui doit changer l’histoire future du monde: jamais plus la guerre, jamais plus la guerre! C’est la paix, la paix, qui doit guider le destin des peuples et de toute l’humanité!
Merci à vous, gloire à vous, qui depuis vingt ans travaillez pour la paix, et qui avez même donné à cette sainte cause d’illustres victimes!
Merci à vous et gloire à vous pour les conflits que vous avez empêchés et pour ceux que vous avez réglés. Les résultats de vos efforts en faveur de la paix, jusqu’à ces tout derniers jours, méritent, même s’ils ne sont pas encore décisifs, que Nous osions Nous faire l’interprète du monde entier et que Nous vous exprimions en son nom félicitation et gratitude.
Vous avez, Messieurs, accompli, et vous accomplissez une grande oeuvre: vous enseignez aux hommes la paix. L’ONU est la grande écalé où l’on reçoit cette éducation, et nous sommes ici dans l’Aula Magna de cette école. Quiconque prend place ici devient élève et devient maître dans l’art de construire la paix. Et quand vous sortez de cette salle, le monde regarde vers vous comme vers les architectes, les constructeurs de la paix.
La paix, vous le savez, ne se construit pas seulement au moyen de la politique et de l’équilibre des forces et des intérêts. Elle se construit avec l’esprit, les idées, les oeuvres de la paix. Vous travaillez à cette grande oeuvre. Mais vous n’êtes encore qu’au début de vos peines. Le monde arrivera-t-il jamais à changer la mentalité particulariste et belliqueuse qui a tissé jusqu’ici une si grande partie de son histoire? Il est difficile de le prévoir; mais il est facile d’affirmer qu’il faut se mettre résolument en route vers la nouvelle histoire, l’histoire pacifique, celle qui sera vraiment et pleinement humaine, celle-là même que Dieu a promise aux hommes de bonne volonté.
Les voies en sont tracées devant vous: la première est celle du désarmement.
Si vous voulez être frères, laissez tomber les armes de vos mains.
On ne peut pas aimer avec des armes offensives dans les mains. Les armes, surtout les terribles armes que la science moderne vous a données, avant même de causer des victimes et des ruines, engendrent de mauvais rêves, alimentent de mauvais sentiments, créent des cauchemars, des défiances, de sombres résolutions; elles exigent d’énormes dépenses; elles arrêtent les projets de solidarité et d’utile travail; elles faussent la psychologie des peuples. Tant que l’homme restera l’être faible, changeant, et même méchant qu’il se montre souvent, les armes défensives seront, hélas!, nécessaires. Mais vous, votre courage et votre valeur vous poussent à étudier les moyens de garantir la sécurité de la vie internationale sans recourir aux armes: voilà un but digne de vos efforts, voilà ce que les peuples a
ttendent de vous. Voilà ce qu’il faut obtenir! Et pour cela, il faut que grandisse la confiance unanime en cette Institution, que grandisse son autorité; et le but alors – on peut l’espérer – sera atteint. Vous y gagnerez la reconnaissance des peuples, soulagés des pesantes dépenses des armements, et délivrés du cauchemar de la guerre toujours imminente.
Nous savons – et comment ne pas Nous en réjouir? – que beaucoup d’entre vous ont considéré avec faveur l’invitation que Nous avons lancée pour la cause de la paix, de Bombay, à tous les Etats, en décembre dernier: consacrer au bénéfice des Pays en voie de développement une partie au moins des économies qui peuvent être réalisées grâce à la réduction des armements. Nous renouvelons ici cette invitation, avec la confiance que Nous inspirent vos sentiments d’humanité et de générosité.
6. Parler d’humanité, de générosité, c’est faire écho à un autre principe constitutif des Nations-Unies, son sommet positif: ce n’est pas seulement pour conjurer les conflits entre les Etats que l’on oeuvre ici; c’est pour rendre les Etats capables de travailler les uns pour les autres. Vous ne vous contentez pas de faciliter la coexistence entre les nations: vous faites un bien plus grand pas en avant, digne de Notre éloge et de Notre appui: vous organisez la collaboration fraternelle des Peuples. Ici s’instaure un système de solidarité, qui fait que de hautes finalités, dans l’ordre de la civilisation, reçoivent l’appui unanime et ordonné de toute la famille des Peuples, pour le bien de tous et de chacun. C’est ce qu’il y a de plus beau dans l’Organisation des Nations Unies, c’est son visage humain le plus authentique; c’est l’idéal dont rêve l’humanité dans son pèlerinage à travers le temps; c’est le plus grand espoir du monde; Nous oserons dire: c’est le reflet du dessein de Dieu – dessein transcendant et plein d’amour – pour le progrès de la société humaine sur la terre, reflet où Nous voyons le message évangélique, de céleste, se faire terrestre. Ici, en effet, il Nous semble entendre l’écho de la voix de Nos Prédécesseurs, et de celle, en particulier, du Pape Jean XXIII, dont le Message de Pacem in Terris a trouvé parmi vousune résonance si honorable et si significative.
Ce que vous proclamez ici, ce sont les droits et les devoirs fondamentaux de l’homme, sa dignité, sa liberté, et avant tout la liberté religieuse. Nous sentons que vous êtes les interprètes de ce qu’il y a de plus haut dans la sagesse humaine, Nous dirions presque: son caractère sacré. Car c’est, avant tout, de la vie de l’homme qu’il s’agit, et la vie de l’homme est sacrée: personne ne peut oser y attenter. C’est dans votre Assemblée que le respect de la vie, même en ce qui concerne le grand problème de la natalité, doit trouver sa plus haute profession et sa plus raisonnable défense. Votre tâche est de faire en sorte que le pain soit suffisamment abondant à la table de l’humanité, et non pas de favoriser un contrôle artificiel des naissances, qui serait irrationnel, en vue de diminuer le nombre des convives au banquet de la vie.
Mais il ne suffit pas de nourrir les affamés: encore faut-il assurer à chaque homme une vie conforme à sa dignité. Et c’est ce que vous vous efforcez de faire. N’est-ce pas l’accomplissement, sous Nos yeux, et grâce à vous, de 1’annonce prophétique qui s’applique si bien à votre Institution: »Ils fondront leurs épées pour en faire des charrues et leurs lances pour en faire des faux »(Is. 2, 4)? N’employez-vous pas les prodigieuses énergies de la terre et les magnifiques inventions de la science non plus en instruments de mort,mais en instruments de vie pour la nouvelle ère de l’humanité?
Nous savons avec quelle intensité et quelle efficacité croissantes l’Organisation des Nations-Unies et les organismes mondiaux qui en dépendent travaillent pour aider les Gouvernements qui en ont besoin à hâter leur progrès économique et social.
Nous savons avec quelle ardeur, vous vous employez à vaincre l’analphabétisme et à répandre la culture dans le monde; à donner aux hommes une assistance sanitaire appropriée et moderne; à mettre au service de l’homme les merveilleuses ressources de la science, de la technique, de l’organisation: tout cela est magnifique et mérite l’éloge et l’appui de tous, y compris le Nôtre.
Nous voudrions Nous aussi donner l’exemple, même si la petitesse de Nos moyens empêche d’en apprécier la portée pratique et quantitative: Nous voulons donner à Nos institutions caritatives un nouveau développement contre la faim du monde et en faveur de ses principaux besoins: c’est ainsi, et pas autrement, qu’on construit la paix.
7. Un mot encore, Messieurs, un dernier mot: cet édifice que vous construisez ne repose pas sur des bases purement matérielles et terrestres, car ce serait alors un édifice construit sur le sable; il repose avant tout sur nos consciences. Oui, le moment est venu de la » conversion », de la transformation personnelle, du renouvellement intérieur. Nous devons nous habituer à penser d’une manière nouvelle l’homme; d’une manière nouvelle aussi la vie en commun des hommes, d’une manière nouvelle enfin les chemins de l’histoire et les destins du monde, selon la parole de saint Paul: » revêtir l’homme nouveau créé selon Dieu dans la justice et la sainteté de la verité »(Eph. 4, 23). Voici arrivée l’heure où s’impose une halte, un moment de recueillement, de réflexion, quasi de prière: repenser à notre commune origine, à notre histoire, à notre destin commun. Jamais comme aujourd’hui, dans une époque marquée par un tel progrès humain, n’a été aussi nécessaire l’appel à la conscience morale de l’homme. Car le péril ne vient, ni du progrès, ni de la science, qui, bien utilisés, pourront au contraire résoudre un grand nombre des graves problèmes qui assaillent l’humanité. Le vrai péril se tient dans l’homme, qui dispose d’instruments toujours plus puissants, aptes aussi bien à la ruine qu’aux plus hautes conquêtes.
En un mot, l’édifice de la civilisation moderne doit se construire sur des principes spirituels, les seuls capables non seulement de le soutenir, mais aussi de l’éclairer et de l’animer. Et ces indispensables principes de sagesse supérieure ne peuvent reposer – c’est Notre conviction, vous le savez – que sur la foi en Dieu. Le Dieu inconnu dont parlait Saint Paul aux Athéniens sur l’aréopage? Inconnu de ceux, qui pourtant, sans s’en douter, le cherchaient et l’avaient près d’eux, comme il arrive à tant d’hommes de notre siècle? . . . Pour nous, en tout cas, et pour tous ceux qui accueillent l’ineffable révélation que le Christ nous a faite de lui, c’est le Dieu vivant, le Père de tous les hommes.
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