CITE DU VATICAN, Mardi 11 mars 2003 (ZENIT.org) – Le cardinal Paul Poupard, président du Conseil pontifical de la Culture, prêche le carême à Notre Dame de Paris: il a choisi pour thème de ses six conférences: « La sainteté au défi de l’Histoire. Portrait de six témoins pour le IIIe millénaire ». On peut les suivre par radio (en différé, à 20 h sur Radio Notre-Dame, 100.7) ou à la télévision sur Kto (en léger différé à 19 h 10). Kto propose aussi une série de rencontres autour des thèmes des conférences (cf. www.ktotv.com).
Six témoins pour le nouveau millénaire
Dimanche dernier, le cardinal Poupard à évoqué la figure de Robert Schuman, « dont l’Evangile a illuminé l’existence et éclairé l’action politique ». Dimanche prochain, il présentera Mère Teresa de Calcutta, qui sera béatifiée par Jean-Paul II en octobre prochain; puis le philosophe d’Aix-en-Provence, Maurice Blondel; sainte Joséphine Bakhita, cette esclave soudanaise devenue religieuse chez les Canossiennes en Italie; le bienheureux Pier Giorgio Frassati, mort à vingt-quatre ans de la poliomyélite, alors qu’il était élève ingénieur, skieur et alpiniste, ami des pauvres de Turin, et ami de la paix en Europe – « l’homme des huit béatitudes », disait Jean-Paul II -; et le bienheureux pape Jean XXIII.
Les saints de notre Histoire
« Les saints de notre Histoire, disait le cardinal Poupard dimanche dernier, sont la preuve de la vitalité de l’Eglise et de la force inouïe de l’Evangile. La culture européenne est devenue ne part notable de la civilisation mondiale. Le futur de l’Europe et du monde dépend de la spiritualité que les chrétiens offrir à l’homme d’aujourd’hui, pour répondre à ses aspirations et à ses besoins, identifier les causes de ses erreurs et y remédier, tâche parmi les plus urgentes à l’aube du IIIe millénaire ».
La retraite de mai 1950
Robert Schuman est fameux en particulier pour sa déclaration du 9 mai 1950, fondement de la construction européenne, et dont l’anniversaire est aujourd’hui choisi pour la Journée de l’Europe: cinq ans seulement après la défaite de la barbarie nazie. Il venait de passer quelques jours de recueillement dans l’isolement d’une retraite. Il entrevoyait une Europe où ceux qui ont imposé deux guerres mondiales au monde pourraient fonder sur leur réconciliation une Europe qui dirait: « Plus jamais cela ». Schuman avait aussi l’intuition que l’Allemagne et la France devaient mettre en commun ce qui leur avait permis de faire la guerre: le charbon et l’acier. Leurs économies désormais liées ne permettraient plus jamais un conflit aussi sanglant, ni la monstruosité des camps d’extermination. Ce fut le premier accord européen: celui de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), en 1951, prémices du Marché commun. Il avait trouvé dans le chancelier allemand Konrad Adenauer la bonne personne au bon endroit au bon moment. Le 19 mars 1958, comme le rappelait le cardinal Poupard, Robert Schuman était élu à l’unanimité et par acclamation président du premier Parlement européen.
Une « mère admirable »
Mais le cardinal a évoqué d’abord la genèse de cette personnalité hors du commun, fils d’un père « sévère », qu’il perd à l’âge de 14 ans, et d’une mère « admirable » dont il apprend les grandes vertus chrétiennes. Il est né le 29 juin 1886, au Luxembourg, d’une mère alsacienne et d’un père lorrain. Il est d’emblée bilingue: aussi à l’aide en français qu’en allemand. Ses études ne feront que renforcer en lui cette vocation de pont: à dix sept ans, il étudie à Bonn, Berlin et Strasbourg. A 26 ans, docteur en droit, il s’installe comme avocat à Metz. En 1914, sa santé ne lui permet pas de faire son service militaire. Elu aux élections législatives de 1924, il devient, à Paris, le porte-parole des députés d’Alsace et de Lorraine. Il sera élu en 1928 à Thionville et sans cesse réélu. En 1940, la Gestapo l’arrête. Il s’évade deux ans plus tard de Neustadt. A la fin de la guerre, il est de nouveau député. En 1946, il est ministre des Finances, en 1947-1948, président du Conseil, et de 1948 à 1953, Ministre des Affaires étrangères. Il est la cheville ouvrière du Pacte de Bruxelles, avec ses partenaires européens et les Etats-Unis, puis du Pacte atlantique (1949), prélude à l’OTAN (1952).
« Il faut lui donner une âme »
Le cardinal Poupard citait amplement des réflexions du grand politicien français qui sont peut-être plus que jamais d’actualité: « tel est le message que nous laisse le chrétien Robert Schuman, résumait le cardinal Poupard: Il nous faut construire l’Europe, non comme un îlot de prospérité égoïste refermé sur lui-même au milieu d’un océan de misère, mais somme une communauté généreuse d’hommes et de femmes libres, fraternels et responsables aussi des autres peuples moins pourvus: il faut lui donner une âme ».
Ses « responsabilités »
« Cet ensemble, disait Schuman, cité par le cardinal Poupard, ne pourra et ne devra demeurer une entreprise économique et technique: il lui faut une âme, l’Europe ne vivra et ne se sauvera que dans la mesure où elle aura conscience d’elle-même et de ses responsabilités, où elle fera retour aux principes chrétiens de solidarité et de fraternité ».
Etre adroit…
Mais comment rester « pur » et être chrétien en politique? « Etre droit est la meilleure manière d’être adroit », disait-il. Et le cardinal Poupard d’ajouter: « eT Dieu sait si Robert Schuman n’a cessé d’être adroit ».
« Nous ne serons jamais des négateurs de la patrie »
Le cardinal Poupard citait encore ces réflexions de Schuman sur l’Europe: « Il ne s’agit pas de fusionner les Etats associés, de créer un super-Etat. Nos Etats européens sont une réalité historique. Il serait psychologiquement impossible de les faire disparaître. Leur diversité est même très heureuse, et nous ne voulons ni les niveler, ni les égaliser. La politique européenne, dans notre esprit, n’est absolument pas contradictoire avec l’idéal patriotique de chacun de nous. Tous les pays européens ont été pétris par la civilisation chrétienne. C’est cela l’âme de l’Europe qu’il faut faire revivre. Que cette idée d’une Europe réconciliée, unie et forte, soit désormais le mot d’ordre pour les jeunes générations désireuses de servir une humanité enfin affranchie de la haine et de la peur, et qui réapprend , après de trop longs déchirements, la fraternité chrétienne. L’Europe a procuré à l’humanité son plein épanouissement. C’est à elle qu’il appartient de montrer une route nouvelle, à l’opposé de l’asservissement, par l’acceptation d’une pluralité de civilisations dont chacune pratiquera un même respect envers les autres. Nous ne sommes, nous ne serons jamais des négateurs de la patrie, oublieux des devoirs que nous avons envers elle. Mais au-dessus de chaque patrie, nous reconnaissons de plus en plus distinctement l’existence d’un bien commun dans lequel se fondent et se confondent les intérêts individuels de os pays. A une époque où tout est e fermentation, il faut savoir oser. Entreprendre vaut mieux que se résigner, et l’attente de la perfection est une piètre excuse à l’inaction ».
« Le plus grand respect des diverses familles spirituelles »
Le cardinal Poupard soulignait l’importance de l’engagement des chrétiens en politique: « L’exemple de Robert Schuman le montre: une politique d’inspiration chrétienne peut susciter l’adhésion de tous les hommes de bonne volonté, lorsqu’elle est conduite dans le plus grand respect des diverses familles spirituelles. Pour le chrétien Robert Schuman, le christianisme a profondément marqué a culture de l’Europe, et commande sa vision spécifique de l’homme et de l’Histoire, en leur ouvrant des perspectives d’éternité ».
« Question posée à toute l’Europe »
Le Ministre de la Culture de Jean-Paul II ne manquait pas d’évoquer le magistère
du pape. Soulignant que « l’Européen est responsable de sa mémoire chrétienne ». Il citait en particulier cette interrogation de Jean-Paul II au Bourget le 1er juin 1980: « Fille aînée de l’Eglise, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême? France, fille aînée de l’Eglise et éducatrice des Peuples, es-tu fidèle, pour le bien de l’homme, à l’alliance avec la sagesse éternelle? » Et de commenter: « Question posée à toute l’Europe, à l’aube du IIIe millénaire. Responsable de sa mémoire chrétienne qui est partie constituante de son identité, l’Européen à la croisée des chemins peut l’accueillir ou la récuser, l’enrichir ou la travestir. Au lendemain d’un siècle tragique, durablement marqué par le nazisme et par le marxisme-léninisme, l’un et l’autre athées, l’illusion n’est plus de mise: l’Europe, de l’Atlantique à l’Oural, connaît une réelle déchristianisation. Les signes de renouveau se font certes plus nombreux, mais demeurent encore timides. Les peuples qui redécouvrent les bienfaits de la liberté religieuse ne sont pas à l’abri des méfaits d’une sécularisation insidieuse, porteuse de sécularisme. C’est toute l’Europe qui a besoin de « sortir de l’oubli de Dieu pour retrouver le centre profond de son être millénaire ». «
« C’est notre tâche à tous »
Le prédicateur du carême à Notre Dame concluait: « Robert Schuman dont l’Evangile a illuminé l’existence et éclairé l’action politique au service de la France et de l’Europe, nous le redit avec sa ferme conviction qui entraîne notre adhésion: « La démocratie doit son existence au christianisme. Elle est née le jour où l’homme a été appelé à réaliser dans sa vie temporelle la dignité de la personne humaine dans sa liberté individuelle, dans le respect des droits de chacun, et la pratique de l’amour fraternel à l’égard de tous. Jamais avant le Christ de pareilles idées n’avaient été formulées. L’Europe doit se faire une âme. » C’est notre tâche à tous, à l’exemple de Robert Schuman, à l’aube du IIIe millénaire ».