CITE DU VATICAN, Jeudi 6 février 2003 (ZENIT.org) – L’archevêque de Hô Chi Minh-Ville expose ses vues sur les tares de la société actuelle placée, selon lui, sous un régime injuste et aliénant, explique l’agence des Missions étrangères de Paris, Eglises d’Asie (EDA, cf. http://eglasie.mepasie.org) (eglasie.mepasie.org), dans le bulletin du 1er février N°368.
A l’occasion de son 4ème Congrès national – qui a lieu tous les cinq ans et se déroulait cette année à Hanoi les 2 et 3 janvier 2003 –, le Comité d’union du catholicisme (ancien Comité d’union des catholiques patriotes) a envoyé une invitation à l’archevêque de Hô Chi Minh-Ville, Mgr Pham Minh Mân. Celui-ci, à cause de sa charge pastorale, a décliné l’invitation mais a envoyé aux membres du Comité, qui est placé sous le patronage du Front patriotique du Vietnam, une lettre dans laquelle il brosse un tableau très critique de la société vietnamienne ainsi que du régime qui la régit et détaille le type de contribution que, selon lui, l’Eglise catholique peut apporter à la société vietnamienne.
Dans la première partie de sa lettre envoyée le 25 décembre 2002 (traduction du texte intégral en annexe au présent numéro d’Eglises d’Asie), l’archevêque commente une formule que l’on peut trouver dans les résolutions du 6ème Congrès du Parti communiste vietnamien : « Le service de l’homme est l’objectif suprême ». C’est de cette vérité fondamentale, conclut l’archevêque, qu’il faut tirer les consignes à appliquer pour édifier une société plus humaine. Les œuvres prioritaires à accomplir aujourd’hui sont au nombre de deux. En premier lieu, il faut éliminer les tares de la société existante et, ensuite, développer des valeurs humaines susceptibles de permettre aux citoyens de vivre dans l’indépendance, la liberté et le bonheur.
Dans la suite de sa lettre, l’archevêque entre dans le détail des tâches concrètes à accomplir pour parvenir aux objectifs indiqués. Selon lui, l’élimination du phénomène social que l’on appelle « l’aliénation » s’impose en premier, car cette mutilation de l’homme fait chaque jour davantage de ravage chez les citoyens de ce pays, leur faisant perdre dignité et humanité.
L’aliénation se présente sous de multiples formes. Elle se manifeste, dit l’archevêque, avec l’appétit de consommation qui pousse les hommes vers des satisfactions superficielles. L’aliénation sévit encore dans une société où le travail est organisé pour garantir des intérêts particuliers sans tenir compte de l’amélioration de la vie et du progrès des travailleurs. Enfin, l’aliénation ne cesse d’étendre ses effets dans une société où la liberté est considérée comme le droit de faire tout ce qui plaît aux individus, tout ce qui rapporte immédiatement, au lieu de rester le pouvoir d’accomplir ce que la conscience dicte à chacun. Une liberté ainsi aliénée est source d’un nombre considérable d’injustices.
La seconde tâche également importante devrait consister à éliminer un régime injuste et aliénant pour l’homme. Ce régime, l’archevêque le nomme, à la suite des évêques de la province ecclésiastique de Hô Chi Minh-Ville, « le régime demander-donner » (co chê xin cho) (expression, aujourd’hui très répandue, employée pour la première fois par les évêques de la province ecclésiastique de Hô Chi Minh-Ville, à propos d’un projet d’ordonnance sur la religion), que l’on peut paraphraser en parlant du système fonctionnant par demande d’autorisation et octroi d’autorisation. Dans ce genre de régime, tous les droits civiques sont concentrés entre les mains de l’Etat, qui, du haut de sa toute puissance, accorde ou refuse l’autorisation d’en bénéficier aux citoyens qui le demandent. C’est en quelque sorte une description imagée du totalitarisme ordinaire. « Ce n’est qu’en abolissant le ‘régime de la demande et de l’octroi’ en remettant au peuple les droits qui lui appartiennent que l’Etat deviendra véritablement l’Etat du Peuple… »
L’archevêque propose ensuite que soient développées un certain nombre de valeurs. Il insiste sur l’esprit de solidarité : « L’esprit de solidarité empêche n’importe quelle collectivité sociale, fût-elle l’Etat lui-même, d’accaparer le monopole du développement, car c’est là l’œuvre de tous les éléments de la communauté nationale. Le monopole conduit au totalitarisme et à la dictature, au bureaucratisme, à l’oppression et à l’injustice… »
Les rapports publiés dans la presse officielle (p.ex. Vietnam Express, 2 et 3 janvier 2003) au sujet du Congrès du Comité d’union du catholicisme n’indiquent pas si cette critique de la société actuelle du Vietnam inspirée de la critique marxiste de l’aliénation religieuse a trouvé un écho lors des débats du 4ème Congrès du Comité d’union. On ne sait pas non plus si les propositions contenues dans la lettre de l’archevêque de Hô Chi Minh-Ville ont reçu l’approbation des participants de la réunion. En tout cas, il n’en est pas fait mention dans les résolutions publiées à l’issue du Congrès qui a élu à la tête du Comité, le P. Nguyên Tân Khoa, curé doyen de Tâm Ky, dans le diocèse de Da Nang. En effet, il n’y est question que de faire grandir la tradition d’unité nationale, de fortifier le patriotisme des catholiques, de s’accorder au mouvement révolutionnaire du peuple…
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