CITE DU VATICAN, Vendredi 24 Janvier 2003 (ZENIT.org) – Voici le texte intégral du Message de Jean-Paul II pour la XXXVIIe Journée mondiale des Communications sociales, dans la traduction de l’anglais publiée par la salle de presse du Saint-Siège (http://www.vatican.va).

Les moyens de communication sociale
au service de la paix authentique
à la lumière de «Pacem in terris»

Chers Frères et Sœurs,

1. Aux jours sombres de la guerre froide, la Lettre Encyclique du bienheureux Pape Jean XXIII, Pacem in terris, s’est révélé être une lumière d'espoir pour les hommes et les femmes de bonne volonté. Instaurer cette paix authentique exige «le respect diligent de l'ordre divinement établi» (Pacem in terris, 1), le Saint Père y a indiqué la vérité, la justice, la charité et la liberté comme les piliers d'une société pacifique (ibid., 37).

L'apparition du pouvoir des communications sociales modernes constitue une partie importante des présupposés de l'Encyclique. Le Pape Jean XXIII pensait tout particulièrement aux médias quand il invitait à «la justice et à l’impartialité» dans l'usage des «instruments pour la promotion et la diffusion de la compréhension mutuelle entre les nations», mis à notre disposition par la science et la technologie; il a dénoncé «les manières de disséminer l’information qui violent les principes de la vérité et de la justice, et porte offense à la réputation d'une autre nation» (ibid., 90).

2. Aujourd'hui, au moment où nous célébrons le quarantième anniversaire de Pacem in terris, la division des peuples en blocs opposés est en grande partie un souvenir douloureux du passé, mais la paix, la justice et la stabilité sociale sont encore encore absentes en beaucoup de régions du monde. Le terrorisme, les conflits au Moyen Orient et en d’autres régions, les menaces et les contre-menaces, l’injustice, l’exploitation, les assauts à la dignité et à la sainteté de la vie humaine avant et après la naissance sont de consternantes réalités de notre temps.

Parallèlement, le pouvoir des médias à façonner les rapports humains et à influencer la vie politique et sociale, pour le meilleur ou pour le pire, a énormément augmenté. D'ici l'opportunité du thème choisi pour la trente-septième Journée mondiale des communications: «Les moyens de communication sociale au service de la paix authentique à la lumière de Pacem in terris». Le monde et les médias ont encore beaucoup à apprendre du message du bienheureux Pape Jean XXIII.

3. Médias et vérité. L'exigence morale fondamentale de toute communication est le respect envers la vérité et le service à cette même vérité. La liberté de chercher et de dire ce qui est vrai est essentielle à la communication humaine, pas seulement en relation aux faits et à l'information mais aussi, et surtout, concernant la nature et le destin de la personne humaine, concernant la société et le bien commun, concernant notre rapport avec Dieu. Les mass-media ont une responsabilité inéluctable en ce sens, car ils constituent le forum moderne où les idées sont partagées et où les gens peuvent mûrir en compréhension mutuelle et en solidarité. C'est pourquoi le Pape Jean XXIII a défendu le droit «à la liberté d’enquêter au sujet de la vérité et, dans les limites de l'ordre moral et du bien commun, à liberté de parole et de publication» comme conditions nécessaires pour la paix sociale (Pacem in terris, 12).

En fait, les médias rendent souvent un service courageux à la vérité; mais quelquefois ils fonctionnent comme agents de propagande et de désinformation au service d'intérêts restreints, ou de préjugés nationaux, ethniques, raciaux, et religieux, ou de l’avidité matérielle et des idéologies mensongères des plusieurs types. Il est impératif que les pressions exercées en ce sens sur les médias pour les amener à se leurrer ainsi soient contrastées avant tout par les hommes et les femmes des médias eux-mêmes, mais aussi par l’Église et les autres groupes concernés.

4. Médias et justice. Le bienheureux Pape Jean XXIII a parlé avec éloquence, dans la Pacem in terris, du bien commun humain universel - «le bien, qui appartient à la famille humaine tout entière» (No. 132) - auquel chaque individu et tous les peuples sont en droit de participer.

L'extension globale des médias implique des responsabilités spéciales à cet égard. S’il est vrai que les médias appartiennent souvent à des groupes d'intérêts particuliers, privés et publics, la nature même de leur impact sur la vie exige qu'ils ne doivent pas servir à opposer un groupe contre un autre - par exemple, au nom des conflits de classe, de nationalisme exagéré, de suprématie raciale, de purification ethnique, et ainsi de suite. Mettre des groupes les uns contre les autres au nom de la religion est une faute particulièrement grave contre la vérité et la justice, tout comme le traitement discriminatoire envers les croyances religieuses, étant donné que celles-ci appartiennent au niveau le plus profond de la dignité et de la liberté de la personne humaine.

En rapportant fidèlement des événements, en expliquant correctement des questions et en évoquant équitablement des points de vue divers, les médias ont le strict devoir de prendre en charge la justice et la solidarité dans les rapports humains à tous les niveaux de la société. Cela ne veut pas dire atténuer indûment les griefs et les divisions mais en dévoiler les racines afin qu'ils puissent être compris et être guéris.

5. Médias et liberté. La liberté est une condition préalable de vraie paix aussi bien qu'un de ses fruits les plus précieux. Les médias servent la liberté en servant la vérité: ils font obstacle à la liberté dans la mesure où ils se dissocient de ce qui est vrai en disséminant des mensonges ou en créant un climat de réaction émotive malsaine face aux événements. Seulement s’ils ont un libre accès à l’information vraie et suffisante les gens pourront rechercher le bien commun et tenir les autorités publiques pour responsables de celui-ci.

Si les médias sont appelés à servir la liberté, ils doivent être libres et doivent utiliser correctement cette liberté. Leur situation privilégiée oblige les médias à s’élever au-dessus d’intérêts purement commerciaux et à servir les vrais besoins et le vrai bien être de la société.

Bien qu’une certaine réglementation publique des médias concernant les intérêts du bien commun soit appropriée, le contrôle gouvernemental ne l'est pas. Les journalistes et en particulier les commentateurs ont le grave devoir de suivre les impératifs de leur conscience morale et de résister aux pressions pour «adapter» la vérité en vue de satisfaire les exigences des riches ou du pouvoir politique.

Concrètement, il faut non seulement trouver des modalités pour donner aux couches plus faibles de la société un accès à l'information dont ils ont besoin pour leur développement individuel et social, mais aussi pour assurer qu'ils ne soient pas exclus de leur rôle efficace et responsable à décider des contenus médiatiques et à déterminer les structures et les politiques des communications sociales.

6. Médias et amour. «La colère d'homme n’accomplit pas la justice de Dieu» (Jacques 1:20). Au plus fort de la guerre froide, le bienheureux Pape Jean XXIII a exprimé cette idée simple mais profonde sur ce que la voie de la paix implique: «La préservation de la paix doit dépendre d’un principe radicalement différent de celui qui est en vigueur au temps présent. La vraie paix parmi les nations ne dépend pas de la possession et d'une répartition égale des armes, mais uniquement de la confiance mutuelle» (Pacem in terris, 113).

Les médias de communication sont des acteurs prioritaires dans le monde d'aujourd'hui, et ils ont un rôle immense à jouer dans la construction de cette confiance. Leur pouvoir est tel qu'en quelques jours seulement ils peuvent créer une réaction publique positive ou négative aux événements, selon leurs intentions. Les gens raisonnables se rendront compte que ce pouvoir énorme exige les plus hauts niveaux d'engagement envers la vérité et la bonté. En ce sens les hommes et les femmes des médias sont tenus à contribuer à la paix dans toutes les régions du monde en brisant les barrières de la méfiance, sachant prendre en considération le point de vue des autres. Qu’ils s'efforcent toujours d’encourager les peuples et les nations à la compréhension et au respect mutuels --et au-delà de la compréhension et du respect-- à la réconciliation et à la miséricorde! «Là où la haine et la soif de vengeance dominent, où la guerre cause la souffrance et la mort des innocents, la grâce de la miséricorde est indispensable pour apaiser les esprits et les cœurs humains et y établir la paix» (Homélie au Sanctuaire de la Miséricorde Divine à Cracovie-Lagiewniki, le 17 août 2002, No. 5).

Tout cela représente un défi impressionnant, mais en aucun cas ce ne serait trop demander aux hommes et aux femmes des médias. En effet, par vocation aussi bien que par profession, ils sont appelés à être agents de vérité, de justice, de liberté, et d’amour, contribuant par leur travail si important à l’ordre social, fondé sur la vérité, édifié grâce à la justice, nourri et animé par la charité, et rendu effectif sous les auspices de la liberté» (Pacem in terris, 167). Ma prière, donc, en la Journée mondiale des communications de cette année, est que les hommes et les femmes des médias soient plus que jamais à la hauteur du défi de leur vocation: le service du bien commun universel. Leur réalisation personnelle et la paix et le bonheur du monde dépendent grandement de tout ceci. Que Dieu les bénisse et leur donne la lumière et le courage dans leur mission.

Du Vatican, le 24 janvier 2003, en la Fête de Saint François de Sales

IOANNES PAULUS II