Vademecum pour les catholiques en politique : “la dignité de la conscience”

Publication de la congrégation pour la Doctrine de la foi

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CITE DU VATICAN, Mercredi 15 Janvier 2002 (ZENIT.org) – Des principes éthiques incontournables pour une démocratie solide et une saine laïcité : c’est ce que rappelle la « Note doctrinale » sur l’engagement des catholiques en politique publiée en ce 16 janvier par la congrégation pour la Doctrine de la Foi. Le document rappelle “la dignité inaliénable de la conscience” et le caractère central de la personne humaine: “Seul le respect de la personne rend possible la participation démocratique”.

Il s’agit d’un “vademecum” d’une quinzaine de pages, en quatre chapitres, adressée aux évêques, aux fidèles catholiques, aux personnes de bonne volonté engagées dans la politique. Son titre: “Note doctrinale sur certaines questions concernant la participation des catholiques à la vie politique”.

En date du 24 novembre 2002, en la Solennité du Christ-Roi, la “Note” est signée par le cardinal préfet de la congrégation romaine, et de Mgr Tarcisio Bertone, alors secrétaire, et aujourd’hui archevêque de Gênes.

Un document “pastoral”
Il s’agit d’un document non pas théorique (l’enseignement de l’Eglise sur le clonage, l’euthanasie, l’avortement, le mariage est exposé ailleurs) mais pastoral, en quelque sorte un garde-fou soulignant les limites hors desquelles la société va à “l’auto-destruction”.

Le document ne prétend pas diriger les consciences ou s’ingérer dans les affaires politiques: il s’agit d’éclairer un chemin en rappelant l’exigence de la recherche le bien commun que la politique a pour but de promouvoir, et par conséquent, le premier bien, la vie, et la première cellule de la société, la famille, mais aussi les exigences de la justice sociale et de la paix. Il affirme le principe de la laïcité comme “autonomie de la sphère civile et politique”.

Cohérence
Depuis 2000 ans, les chrétiens sont engagés en politique et dans le contexte de ce début de IIIe millénaire cette note fournit une référence, et même une forme de “test” : les principes éthiques énoncés permettent au catholique (évêque, fidèles, législateur, décideur, et même électeur!) de vérifier sa cohérence entre foi, adhésion à l’Evangile et les principes qui guident son engagement politique.

“Les orientations données dans cette Note veulent éclairer un des aspects les plus importants de l’unité de la vie chrétienne, rappelée par le Concile Vatican II: la cohérence entre la Foi et la vie, entre l’Evangile et la culture », explique la conclusion du document.

Une aide d’autant plus importante dans le contexte actuel de “pluralisme” et de “relativisme” et alors que les chrétiens sont dispersés dans différentes formations politiques.

(1) Thomas More et la liberté de “conscience”
La première partie du document rappelle que “parmi ses saints, l’Eglise
vénère bien des hommes et des femmes qui ont servi Dieu par leur engagement
généreux dans les activités politiques et de gouvernement”.

Il cite au premier chef celui que Jean-Paul II a proclamé Patron des Gouvernants et des Politiciens, à l’occasion du Jubilé des Parlementaires, en l’An 2000, saint Thomas More.

Pourquoi un tel choix? Thomas More a en effet témoigné au prix de sa vie de “la dignité inaliénable de la conscience”. Car on ne peut “séparer de Dieu, ni la politique, ni la morale”.

Animer chrétiennement l’ordre temporel
Ainsi, “les fidèles laïcs qui, guidés par la conscience chrétienne, accomplissent les devoirs civils communs selon les valeurs conformes à cette conscience, remplissent aussi leur tâche d’animer chrétiennement l’ordre temporel”, affirme la note.

Cette note veut donc “simplement rappeler quelques principes qui inspirent la conscience chrétienne, dans l’engagement social et politique des catholiques au sein des sociétés démocratiques ».

(2) Relativisme culturel
A propos des questions actuellement débattues, la deuxième partie du document par de la constatation du “relativisme culturel” installé “comme un système” et d’un “pluralisme éthique favorable à la décadence et à la dissolution de la raison et des principes de la loi morale naturelle”.

“Il n’est malheureusement pas rare de rencontrer, dans des déclarations publiques, des assertions qui soutiennent qu’un tel pluralisme éthique est la condition de la démocratie », constatent les auteurs.

Exigences du bien commun
Et de préciser: « Cette conception relativiste du pluralisme n’a rien à voir avec la légitime liberté qu’ont les citoyens catholiques de choisir, parmi les opinions politiques compatibles avec la foi et la loi morale naturelle, celle qui correspond le mieux aux exigences du bien commun, selon leur critère propre”.

La vie démocratique
Positivement, la note affirme: “La vie démocratique a besoin de fondements vrais et solides, c’est-à-dire de principes éthiques que leur nature et leur rôle de fondement de la vie sociale rendent non négociables”.

Et de rappeler la priorité de la personne humaine dans tout enjeu politique: “La structure démocratique sur laquelle se construit un état moderne serait plutôt fragile si elle ne prenait pas comme fondement le caractère central de la personne (…). Seul le respect de la personne rend possible la participation démocratique ».

Obligation grave et précise
La Note rappelle ainsi le devoir de préserver la vie humaine: “Dans la continuité avec l’enseignement constant de l’Eglise, Jean-Paul II a maintes fois répété que ceux qui sont engagés directement dans les instances législatives ont “une obligation grave et précise” de s’opposer “à toute loi qui s’avère un attentat à la vie humaine”. Pour eux, comme pour tout catholique, existe l’impossibilité de participer à une campagne en leur faveur, et il n’est permis à personne de les soutenir par son vote”.

“La conscience chrétienne bien formée ne permet à personne de favoriser par son vote une loi ou un programme politique, dans lesquels le contenu fondamental de la Foi ou de la morale seraient détruits », précise le document.

Le bien intégral de la personne
“Dans ces exigences éthiques fondamentales, auxquelles on ne peut renoncer (…) est en jeu l’essence de l’ordre moral, qui concerne le bien intégral de la personne. C’est le cas, par exemple, des lois civiles en matière d’avortement et d’euthanasie (à ne pas confondre avec le renoncement à l’acharnement thérapeutique, qui du point de vue moral est légitime aussi)”, rappelle le document.

La vie
Il s’agit du “droit à la vie”: “Ces lois, continuent les auteurs, doivent protéger le droit primordial à la vie à partir de la conception jusqu’à son terme naturel. De la même manière, il faut rappeler le devoir de respecter l’embryon humain et de protéger ses droits”.

La famille
Il s’agit aussi des droits de la famille: “De la même façon, il faut sauvegarder la protection et la promotion de la famille, fondée sur le mariage monogame entre personnes de sexe différent, et la préserver dans son unité et sa stabilité, en face des lois modernes sur le divorce: d’autres formes de cohabitation ne peuvent lui être égalée juridiquement en aucune manière, ni recevoir en tant que telles une reconnaissance légale ».

Justice sociale et liberté religieuse
Et d’ajouter cette conséquence: « La garantie de la liberté d’éducation des enfants est un droit inaliénable des parents, reconnu entre autre par les Déclarations internationales des droits de l’homme. On devrait penser aussi à la protection sociale des mineurs et à la libération des victimes des formes modernes d’esclavage (par exemple, la drogue et l’exploitation de la prostitution). On ne peut exclure de cette liste le droit à la lib
erté religieuse et le développement dans le sens d’une économie qui soit au service de la personne et du bien commun, dans le respect de la justice sociale, du principe de solidarité humaine et de la subsidiarité”.

La paix
Un thème d’actualité est aussi abordé: “le grand thème de la paix”: “La paix, qui est toujours “l’œuvre de la justice et l’effet de la charité”, exige le refus radical et absolu de la violence et du terrorisme. Elle demande un engagement constant et attentif de la part de ceux qui exercent une responsabilité politique ».

(3) Laïcité et pluralisme
La troisième partie aborde plus précisément la question de la laïcité et du pluralisme.

Autonomie de la sphère civile et politique
“Pour la doctrine morale catholique, rappelle le document avec insistance, la laïcité est comprise comme une autonomie de la sphère civile et politique par rapport à la sphère religieuse et ecclésiastique, mais non par rapport à la sphère morale. C’est une valeur, reconnue par l’Eglise, que l’on acquiert et qui fait partie du patrimoine acquis de civilisation”.

Rappelant les mises en garde de Jean-Paul II contre toute “confusion entre la sphère religieuse et la sphère politique”, le document affirme: “Les citoyens catholiques ont le droit et le devoir, comme tous les autres, de rechercher sincèrement la vérité, de promouvoir et de défendre par tous les moyens licites, les vérités morales sur la vie sociale, la justice, la liberté, le respect de la vie et les autres droits de la personne. Le fait que certaines de ces vérités soient aussi enseignées par l’Eglise ne réduit en rien la légitimité civile et la laïcité de l’engagement de ceux qui se reconnaissent en elles, indépendamment du rôle joué par la recherche rationnelle et la confirmation reçue de la Foi, dans la manière de les connaître”

Une clarification s’impose: “Ce serait une erreur de confondre la juste autonomie que les catholiques doivent avoir en politique, avec la revendication d’un principe indépendant de l’enseignement moral et social de l’Eglise ».

En d’autres termes: « Vivre et agir politiquement en conformité avec sa conscience ne revient pas à un entérinement servile de positions étrangères à l’engagement politique ou d’une forme de confessionalisme. C’est plutôt l’expression par laquelle les chrétiens offrent leur contribution cohérente pour qu’à travers la politique s’instaure un ordre social plus juste et plus adéquat à la dignité de la personne humaine”.

(4)La vérité et la liberté de conscience
La quatrième partie s’arrête aux notions de “vérité” et de “liberté de conscience”.

“Il est arrivé que même à l’intérieur d’associations ou d’organisations politiques chrétiennes, émergent des orientations en faveur de forces et mouvements politiques, qui ont pris, sur des questions politiques fondamentales, des positions contraires à l’enseignement moral et social de l’Eglise », constate le document, qui affirme clairement qu’ils ne peuvent alors revendiquer la qualité de “catholique”.

Pas d’authentique liberté sans la vérité
“En même temps, l’Eglise enseigne qu’il n’existe pas d’authentique liberté sans la vérité. “La vérité et la liberté se conjuguent ensemble, ou bien elles périssent misérablement ensemble”, a écrit Jean-Paul II[27]. Dans une société où la vérité n’est pas recherchée, où on ne cherche pas à la rejoindre, toute forme d’exercice authentique de la liberté est aussi affaiblie. Cela ouvre la voie à un libertinisme et à un individualisme qui nuisent à la protection du bien de la personne et de la société entière”.

Liberté de conscience
Et de préciser, à propos de la notion de “liberté de conscience”: « Il est bon de rappeler une vérité qui n’est pas toujours perçue et n’est pas formulée comme il se doit dans l’opinion publique commune: le droit à la liberté de conscience et spécialement à la liberté religieuse, proclamé par la Déclaration Dignitatis Humanae du Concile Vatican II. Elle se fonde sur la dignité ontologique de la personne humaine, et non certes sur une égalité entre les religions, ou entre les systèmes culturels humains”.

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ZENIT Staff

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