CITE DU VATICAN, Mercredi 27 novembre 2002 (ZENIT.org) – « Le Bon Pasteur: Dieu Très Haut et Très Sage »: c’est le titre donné par L’Osservatore Romano en français du 26 novembre (www.vatican.va) au commentaire du cantique d’Is 40 donné en italien par Jean-Paul II au cours de l’audience générale du 20 novembre.
– Traduction de l’allocution de Jean-Paul II –
Lecture: Is 40, 10-17
1. Dans le livre du grand prophète Isaïe, qui vécut au VIII siècle av. J.-C., sont également recueillies les voix d’autres prophètes, ses disciples et ses continuateurs. C’est le cas de celui que les spécialistes de la Bible ont appelé « le Second Isaïe », le prophète du retour d’Israël de l’exil babylonien, qui eut lieu au VI siècle av. J.-C. Son œuvre constitue les chapitres 40-55 du livre d’Isaïe, et c’est précisément du premier de ces chapitres qu’est tiré le Cantique entré dans la Liturgie des Louanges et qui vient d’être proclamé.
Ce Cantique se compose de deux parties: les premiers deux versets proviennent de la fin d’un très bel oracle de consolation qui annonce le retour des exilés à Jérusalem, sous la conduite de Dieu lui-même (cf. Is 40, 1-11). Les versets suivants forment le début d’un discours apologétique, qui exalte l’omniscience et l’omnipotence de Dieu et, d’autre part, soumet les fabricants d’idoles à une dure critique.
2. Au début du texte liturgique apparaît donc la figure puissante de Dieu, qui revient de Jérusalem précédé par ses trophées, comme Jacob était revenu en Terre Sainte précédé par ses troupeaux (cf. Gn 31, 17; 32, 17). Les trophées de Dieu sont les juifs exilés, qu’Il a arrachés à l’emprise de leurs conquérants. Dieu est donc décrit « tel un berger » (Is 40, 11). Cette image, fréquente dans la Bible et dans d’autres traditions antiques, évoque l’idée de guide et de domination, mais ici, les traits sont surtout tendres et passionnés, car le pasteur est également le compagnon de voyage de ses brebis (cf. Ps 22). Il a soin de son troupeau, non seulement en le nourrissant et prenant garde à ce qu’il ne se disperse pas, mais également en se penchant avec tendresse sur les agneaux et sur les brebis, qui sont leurs mères (cf. Is 40, 11).
3. Après la description de l’entrée en scène du Seigneur roi et pasteur, voilà la réflexion sur son action comme Créateur de l’univers. Personne ne peut l’égaler dans cette œuvre grandiose et colossale: certainement pas l’homme, et encore moins les idoles, des êtres morts et impuissants. Le prophète a ensuite recours à une série d’interrogations rhétoriques, c’est-à-dire dans lesquelles la réponse est déjà incluse. Elles sont prononcées dans une sorte de procès: personne ne peut rivaliser avec Dieu et s’arroger son pouvoir immense ou sa sagesse illimitée.
Personne n’est capable de mesurer l’immense univers créé par Dieu. Le prophète fait comprendre à quel point les instruments humains sont ridiculement inadaptés à cette tâche. D’autre part, Dieu est un artisan solitaire; personne n’a été en mesure de l’aider ou de le conseiller dans un projet aussi immense, tel que celui de la création cosmique (cf. vv. 13-14).
Dans sa dix-huitième Catéchèse baptismale, saint Cyrille de Jérusalem, sur la base de notre cantique, invite à ne pas mesurer Dieu à l’aune de notre humanité limitée: « Pour toi, homme si petit et si faible, la distance du pays des Goths à l’Inde, de l’Espagne à la Perse, est grande, mais pour Dieu, qui tient le monde entier dans sa main, toutes les terres sont proches » (Les catéchèses, Rome 1993, p. 408).
4. Après avoir célébré la toute-puissance de Dieu dans la création, le prophète retrace son pouvoir dans l’histoire, c’est-à-dire sur les nations, sur l’humanité qui peuple la terre. Les habitants des territoires connus, mais également ceux des régions lointaines, que la Bible appelle « îles » lointaines, constituent une réalité microscopique par rapport à la grandeur infinie du Seigneur. Les images sont brillantes et intenses: les nations sont « comme une goutte d’eau au bord d’un seau », « un grain de poussière » (Is 40, 15).
Personne ne serait en mesure de préparer un sacrifice digne de ce grandiose Seigneur et roi: toutes les victimes sacrificielles de la terre ne suffiraient pas, ni toutes les forêts de cèdres du Liban, pour allumer le feu de cet holocauste (cf. v. 16). Le prophète reconduit l’homme à la conscience de ses limites, face à la grandeur infinie et à la toute-puissance souveraine de Dieu. La conclusion est lapidaire: « Toutes les nations sont comme rien devant lui, il les tient pour néant et vide » (v. 17).
5. Le fidèle est donc invité, dès le début de la journée, à l’adoration du Seigneur tout-puissant.
Saint Grégoire de Nysse, Père de l’Eglise de Cappadoce (IV siècle), méditait ainsi les paroles du Cantique d’Isaïe: « Lorsque nous entendons prononcer la parole « tout-puissant », nous pensons au fait que Dieu tient ensemble toutes les choses dans l’existence, qu’elles soient intelligibles ou qu’elles appartiennent à la création matérielle. En effet, c’est pour cette raison qu’il tient le cercle de la terre, pour cette raison qu’il tient entre les mains les extrémités de la terre, pour cette raison qu’il tient le ciel dans un poing, pour cette raison qu’il mesure l’eau avec la main, pour cette raison qu’il comprend en lui-même toute la création intellectuelle: pour que toutes les choses demeurent dans l’existence, tenues avec force par la puissance qui les embrasse » (Théologie trinitaire, Milan 1994, p. 625).
Pour sa part, saint Jérôme demeure stupéfait face à une autre vérité surprenante: celle du Christ, qui, « de condition divine… s’anéantit lui-même, prenant condition d’esclave, et devenant semblable aux hommes » (Ph 2, 6-7). Ce Dieu infini et tout puissant – remarque-t-il – s’est fait petit et limité. Saint Jérôme le contemple dans l’étable de Bethléem et s’exclame: « Lui, qui tient l’univers dans sa main, le voilà couché à l’étroit dans une mangeoire » (Lettre 22, 39, in: Œuvres choisies, I, Turin 1971, p. 379).
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