Une conception néo-païenne des relations entre l´Etat et la Religion, par Mgr Simon

Conférence épiscopale de France: Présidentielles, nouvelles réactions des évêques

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CITE DU VATICAN, Vendredi 3 mai 2002 (ZENIT.org) – Le site de la conférence des évpeques de france continue de publier les différentes interventions des évêques invitant leurs diocésains à la « responsabilité », à un choix en accord avec les « valeurs de l´Evangile » lors du second tour des présidentielles, invitant aussi à la « prière ». Voici le communiqué de Mgr Simon.

Communiqué de Mgr Hippolyte Simon, évêque de Clermont
26 avril 2002

« Une instrumentalisation qui relève plus d´une conception néo-païenne des relations entre l´Etat et la Religion que d´une conception chrétienne »

Depuis ce dimanche 21 avril, premier tour des élections présidentielles, notre pays traverse une période agitée. C´est le moins que l´on puisse dire. Dans ce contexte, beaucoup de gens s´adressent à l´église catholique, et en particulier aux évêques, pour leur demander d´intervenir dans le débat public. À plusieurs reprises, ces jours-ci, je me suis trouvé en situation d´intervenir devant des groupes de jeunes, lycéens ou étudiants, de façon très variée. J´ai naturellement été pressé de questions sur les événements politiques que nous vivons. Suite à ces rencontres, j´ai essayé de résumer ma réflexion. J´ai aussi rencontré plusieurs responsables de mouvements de jeunes du diocèse pour connaître leur réaction devant le texte que voici. Je les remercie de m´avoir ainsi aidé à mieux comprendre les sentiments qui les animent et à mieux préciser ma position.

1° – Il n´est pas surprenant que nous, évêques, soyons sollicités de bien des manières pour intervenir dans le débat électoral. En effet, dans la mesure où le Président du FN utilise souvent des références aux valeurs religieuses, il est légitime que l´on nous demande si ces références correspondent aux valeurs chrétiennes.

Sur ce point, il ne peut pas y avoir d´ambiguïté. Pour ne prendre qu´un exemple récent : la manière dont M. Jean-Marie Le Pen a repris une expression célèbre du pape Jean-Paul II : « n´ayez pas peur… Entrez dans l´espérance. » est bien significative. C´est la récupération d´une référence chrétienne à des fins partisanes. Ici, je partage complètement l´analyse du cardinal Lustiger. Il s´agit bien d´un détournement de sens. Le pape invitait tous les catholiques et tous ses auditeurs à entrer dans l´Espérance et à « ouvrir toutes grandes les portes au Christ. » Son message était donc universel et nous situait dans l´espérance ouverte par la Résurrection du Seigneur. On ne peut pas rabattre cette espérance dans les limites d´une campagne électorale. En tout cas, si on reprend les paroles du Pape, il faut aussi reprendre ce qu´il dit, par exemple, et entre autres, sur la solidarité avec le Tiers-Monde, le respect des immigrés et le refus de la torture.

Chacun le sait : cette récupération partisane des grandes figures du christianisme n´est pas nouvelle. On connaît la manière dont on utilise Jeanne d´Arc. Mais il ne faut pas oublier qu´une tentative analogue vis-à-vis de Clovis a échoué, à Reims, en 1996. Dans tous ces exemples, il s´agit d´une instrumentalisation qui relève bien plutôt d´une conception néo-païenne des relations entre l´Etat et la Religion que d´une conception chrétienne. La Foi chrétienne se doit de respecter la distinction ouverte par Jésus de Nazareth : « rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » Elle appelle aussi, et c´est le sens de la parabole du bon Samaritain, au respect non pas seulement de ceux qui nous sont naturellement proches, mais aussi de ceux qui ont besoin de notre compassion, et dont nous avons à nous rendre proches, en traversant la frontière de nos routines ou de nos préjugés.

Le christianisme appelle au respect de chaque personne, quelles que soient ses origines. Il appelle en même temps à l´ouverture à tout le genre humain, car tous les hommes sont créés par Dieu. Ils sont donc appelés à se respecter mutuellement. Nous ne pouvons pas idolâtrer notre groupe de naissance, ni même notre Nation, puisque chaque nation est une médiation qui doit vivre dans le respect et la solidarité au milieu des autres nations, pour le bien commun de toute l´humanité.

Pour ma part, j´ai essayé, hors de tout contexte électoral, d´appeler au discernement sur ce qui me paraît relever d´une forme de paganisme dans les discours et les écrits de certains dirigeants de l´extrême droite. Je pense donc que tout le monde m´accordera que je ne suis suspect d´aucune complaisance pour les perspectives religieuses et politiques de ce courant. Même si, parfois, les mots et les expressions sont les mêmes, notre manière de lire les Evangiles, nos valeurs et nos références ne sont pas les mêmes. Nous n´avons pas la même conception, entre autres, de la solidarité, de la fraternité, de l´Etat, de la liberté religieuse, de la Nation et de l´Europe [1]

2° -.Parmi les jeunes que j´ai rencontrés, beaucoup m´ont demandé de publier un communiqué donnant des consignes explicites et nominales de vote. Je leur ai répondu qu´il ne me semble pas nécessaire de le faire.

En effet, ce qui précède me rend assez libre pour dire que ce discernement sur les valeurs me paraît suffisant. Tout lecteur qui voudra bien se donner la peine de réfléchir, pourra, à partir de là, éclairer sa conscience. Et si je limite ainsi mon intervention au domaine des valeurs religieuses et à leur implication dans la vie en société, c´est précisément pour respecter le suffrage universel et la démocratie à laquelle nous sommes tous attachés. Je fais donc pleinement mien le communiqué du Président de la conférence des évêques de France, Mgr Jean-Pierre Ricard et j´invite tous les catholiques de mon diocèse à le prendre comme base de réflexion pour le temps qui nous reste avant le second tour. Sans oublier le temps de la méditation, de la prière et des échanges. Pour nourrir et éclairer ces derniers, je renvoie, entre autres, à quelques textes publiés par notre Conférence, et qui sont toujours d´actualité : « Pour une pratique chrétienne de la politique »[2] , voté à Lourdes, en 1972 , et plus près de nous : « réhabiliter la politique »[3]
Hippolyte Simon,
évêque de Clermont

[1] Mgr Simon, « Vers une France païenne ? » Cana, février 1999. En particulier au chapitre intitulé : « Pour ne pas se tromper d´alliance », p.159 et suivantes
[2] Politique, Eglise et Foi, Pour une pratique chrétienne de la politique, Centurion, 1972
[3] Réhabiliter la politique, Bayard-Editions, Cerf, Centurion, 1999

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ZENIT Staff

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