CITE DU VATICAN, Jeudi 2 mai 2002 (ZENIT.org) – « Misericordia Dei »: Jean-Paul II publie une lettre apostolique pour relancer la pastorale du sacrement de la réconciliation, une pastorale « personnaliste », insiste le cardinal Ratzinger. Comme la faute est « personnelle », le pardon aussi doit être « personnel ». Car l´humanité, souligne le cardinal a besoin de « purification et de pardon »: cette « relance » correspond a un besoin actuel. Le sacrement de la pénitence offre à la fois une « libération », explique encore le cardinal et une nouvelle « jeunesse ».
Le cardinal Joseph Ratzinger, préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, le cardinal Jorge Medina Estevez, préfet de la congrégation pour le Culte divin et la discipline des Sacrements, et Mgr Julian Herranz, président du conseil pontifical pour l´Interprétation des textes législatifs ont présenté ce matin le nouveau document de Jean-Paul II « Misericordia Dei »
Il s’agit d’une Lettre apostolique de Jean-Paul II en forme de « motu proprio » « sur certains aspects de la célébration du sacrement de pénitence ». Intitulée « Misericordia Dei », elle compte 9 paragraphes, publiés en un fascicule de 17 pages par les éditions du Vatican. Elle est en date du dimanche 7 avril 2002, dimanche dit de la « miséricorde », selon la demande du Christ à sainte Faustine Kowalska à Cracovie. Nous traduisons rapidement l´intervention – en italien – du cardinal Ratzinger.
« Que l´humanité ait besoin de purification et de pardon, est tout à fait évident en cette heure historique, constate le cardinal Ratzinger. C´est justement pour cela que le Saint-Père, dans sa Lettre apostolique Novo Millennio Ineunte a souhaité parmi les priorités de la mission de l´Eglise pour le nouveau millénaire « un courage pastoral renouvelé pour que la pédagogie quotidienne des communautés chrétiennes sache proposer de manière persuasive et efficace la pratique du sacrement de la Réconciliation » (n. 37) ».
« C´est à cette invitation que se relie la nouveau Motu proprio Misericordia Dei qui concrétise théologiquement, pastoralement, et juridiquement certains aspect importants de la pratique de ce Sacrement. Le Motu proprio souligne avant tout le caractère personnaliste du Sacrement de la Pénitence: comme la faute, en dépit de tous nos liens avec la communauté humaine, est ultimement quelque chose de totalement personnel, de même que notre guérison, le pardon doit être totalement personnel ».
Et d´expliquer: « Dieu ne nous traite pas comme une partie d´un collectif – Il connaît chaque individu par son nom, et il le sauve s´il est tombé dans la faute. Même si dans tous les sacrements le Seigneur s´adresse directement à chacun, le caractère personnaliste du fait d´être chrétien se manifeste de façon particulièrement clair dans le sacrement de la pénitence. Cela signifie que font partie de façon constitutive du sacrement la confession personnelle et le pardon adressé à cette personne ».
La révision du rituel en anglais ne donnera plus la présentation de trois « rites » de la confession (célébration individuelle avec confession individuelle, célébration collective avec confession individuelle, célébration collective avec absolution collective), explique le cardinal Medina. En effet, explique-t-il, la présentation de l´absolution collective comme « troisième rite » (« third rite »), a créé la confusion: ce troisième type de célébration sera désormais présenté en « annexe » pour manifester son caractère exceptionnel.
« L´absolution collective, explique pour sa part le cardinal Ratzinger, est une forme extraordinaire et possible seulement dans des cas de nécessité bien déterminés; elle présuppose en outre – justement à partir de l´essence du sacrement – la volonté de pourvoir à la confession personnelle des péchés, dès que possible. Ce caractère fortement personnaliste du sacrement de la Pénitence avait été un peu mis dans l´ombre au cours des dernières décennies, en raison d´un recours toujours plus fréquent à l´absolution collective, qui était considéré toujours davantage comme une forme normale du sacrement de la pénitence – un abus qui a contribué à la disparition progressive de ce sacrement dans certaines parties de l´Eglise ».
« Si le pape resserre à nouveau les frontières de cette possibilité, une objection pourrait surgir, remarque le cardinal: mais le sacrement de la pénitence a pourtant subi des transformations au cours de l´histoire, et pourquoi pas celle-là aussi? A cet égard, il convient de dire que la forme du sacrement présente en réalité au cours de l´histoire des variations notables, mais la composante personnaliste lui a toujours été essentielle ».
Le cardinal rappelle quelques points de cette histoire de l´intelligence du sacrement par l´Eglise, et à partir de ses fondements bibliques. « L´Eglise a eu conscience et a conscience, explique-t-il, que Dieu seul peut pardonner les péchés (cf. Mc 2, 7). Pour cela, elle devait apprendre à discerner attentivement, quasi avec crainte, quels pouvoirs le Seigneur lui avait transmis ou non. Après un long chemin de maturation historique, le concile de Trente a exposé dans une forme organique la doctrine ecclésiale sur le sacrement de la pénitence (DS 1667-1693; 1701-1715) ».
« Les Pères du Concile de Trente ont compris les paroles du Ressuscité à ses disciples en Jean (20, 22 suiv.) comme les paroles spécifiques de l´institution du sacrement: « Recevez l´Esprit Saint! A qui vous remettrez les péchés, ils seront remis et à qui vous ne les remettrez pas, ils ne seront pas remis » (DS 1670; 1703; 1710). A partir de Jean 20, ils ont interprété Matthieu 16, 19 et 18, 18 et ils ont compris le pouvoir des clefs de l´Eglise comme le pouvoir de remettre les péchés (DS 1692; 1710). Ils étaient pleinement conscients des problèmes d´interprétation de ces textes et ont par conséquent fondé l´interprétation dans le sens du sacrement de la pénitence avec l´aide de « l´intelligence de l´Eglise », qui s´exprime dans le consensus universel des Pères (1670; 1679; 1683; importante 1703) ».
« Le point décisif de ces paroles d´institution consiste dans le fait, souligne le cardinal Ratzinger, que le Seigneur confie aux disciples le choix entre remettre et lier, retenir et absoudre: les disciples ne sont pas simplement un instrument neutre du pardon divin, plutôt, il leur est confié un pouvoir de discerner et ainsi un devoir de discerner dans les cas particuliers. Les Pères ont vu ici le caractère judiciaire du sacrement. Au sacrement de la pénitence appartiennent par conséquent essentiellement deux aspects: d´une part, l´aspect sacramentel, c´est-à-dire le commandement du Seigneur, qui va au-delà du pouvoir propre des disciples, et aussi de la communauté des disciples de l´Eglise; de l´autre, la charge de la décision, qui doit être fondée objectivement, donc, qui doit être juste et dans ce sens a un caractère judiciaire. C´est ainsi qu´appartient au sacrement même la « iurisdictio », qui exige un ordre juridique de la part de l´Eglise, mais naturellement, elle doit toujours être orientée vers l »essence du sacrement, à la volonté de salut de Dieu (1686s). Trente se différencie ainsi clairement de la position réformée selon laquelle le sacrement de la pénitence signifie seulement une manifestation d´un pardon déjà accordé dans la foi, donc, qui n´apporte rien de nouveau mais annonce seulement ce qui existe déjà depuis toujours dans la foi ».
« Ce caractère sacramental-juridique du sacrement, a deux importantes implications, continue le cardinal Ratzinger: il s´agit, si les choses sont ainsi, d´un sacrement différent du baptême, d´un sacrement spécifique qui suppose un pouvoir sacramentel particulier, et donc est lié à l´ordre (1684). Mais il faut une évaluation judiciaire, alors il est clair que le juge doit connaître la matière à juger. Dans l
´aspect juridique est implicite la nécessité de la confession personnelle avec la communication des péchés pour lequel le pardon doit être demandé à Dieu et à l´Eglise, parce qu´ils ont brisé l´unité d´amour avec Dieu donnée dans le baptême. A partir de cela, le concile peut dire qu´il est nécessaire « iure divino » de confesser tous et chacun des péchés mortels (can. 7, 1707). Le devoir de la confession est institué – le concile parle ainsi – par le Seigneur même et constitutif du sacrement, et par conséquent, il n´est pas laissé à la discrétion de l´Eglise ».
Et de conclure: « Il n´appartient donc pas au pouvoir de l´Eglise de remplacer la confession personnelle par l´absolution générale: c´est ce que nous rappelle le Pape dans le nouveau Motu proprio, qui est ainsi l´expression de la conscience de l´Eglise des limites de son pouvoir – exprime le lien avec la parole du Seigneur, qui oblige aussi le Pape. Ce n´est que dans une situation de nécessité, lorsque le salut dernier de l´homme est en jeu, que l´absolution peut être anticipée et la confession renvoyée à un moment où il en sera donné la possibilité: voilà le vrai sens de ce que de façon plutôt obscure on désigne par le mot absolution collective. Ici, il n´en est pas moins du ressort de l´Eglise de définir quand l´on est en présence d´une telle nécessité. Après la diffusion, ces dernières décennies – comme on l´a déjà mentionné – d´interprétations extensives pour beaucoup de motifs intenables, du concept de nécessité, le Pape, dans ce document, donne des déterminations précises qui doivent être appliquées dans les détails par les évêques ».
« Alors ce texte, interroge le cardinal à propos de « Misericordia Dei », met des poids nouveaux sur les épaules des chrétiens? C´est justement le contraire: le caractère totalement personnel de l´existence chrétienne est défendu. Certes, la confession de sa propre faute peut souvent apparaître pesante à la personne, parce qu´elle humilie son orgueil et le confronte à sa pauvreté. Mais c´est justement de cela dont nous avons besoin; justement c´est de cela que nous souffrons: nous nous replions sur notre délire de non-culpabilité, et ainsi nous nous fermons aussi devant les autres et envers les autres. Dans les cures de psychothérapie, on exige des personnes de porter le poids de profondes et souvent de dangereuses révélations sur leur intériorité. Dans le sacrement de la Pénitence, on dépose avec confiance dans la bonté miséricordieuse de Dieu la simple confession de sa propre faute. Il est important de faire cela sans tomber dans le scrupule, dans l´esprit de confiance propre aux enfants de Dieu ».
En somme le sacrement de la pénitence est une libération et une fontaine de jouvence. Le cardinal conclut ainsi: « Ainsi la confession peut devenir une expérience de libération dans laquelle le poids du passé nous quitte et nous pouvons nous sentir rajeuni par le mérite de la grâce de Dieu qui nous redonne à chaque fois la jeunesse du coeur ».