CITE DU VATICAN, Mercredi 31 octobre 2001 (ZENIT.org) – Le Dieu « caché » tient en main les événements du monde, tel est le message plein « d´espérance » du prophète Isaïe que Jean-Paul II a commenté pour les pèlerins rassemblés place Saint-Pierre.
Après la « création », explique le pape, Dieu n´a pas « abandonné » l´humanité aux fluctuations de l´histoire. « Le prophète invite à reconnaître que Dieu agit dans l´histoire, même s´il n´apparaît pas au premier plan. On dirait qu´il est « en coulisses ». C´est lui le mystérieux réalisateur invisible, qui respecte la liberté de ses créatures mais en même temps tient en main les fils des événements du monde », affirme Jean-Paul II.
Le pape Jean-Paul II a en effet consacré sa catéchèse sur le psautier, ce mercredi 31 octobre, sous le soleil de l´automne romain, au cantique du livre d´Isaïe évoquant la conversion de tous les peuples au Seigneur (Is 45,15-16.21b-23): ce cantique se chante aux laudes du vendredi de la 1ère des quatre semaines sur lesquelles sont distribués les 150 psaumes dans la liturgie latine. Le résumé en français se trouve ci-dessous dans les « Documents ». Nous reprenons ici quelques passages de la catéchèse en italien. Parmi les pèlerins, comme assez souvent le mercredi, on remarque des groupes d´autres confessions chrétiennes: un groupe d´une paroisse anglicane d´Angleterre et un groupe luthérien allemand.
Rappelons que ce que la Bible présente comme le Livre du prophète Isaïe s´est constitué à partir des « oracles » de plusieurs générations de prophètes de « l´école d´Isaïe ». Les exégètes parlent ainsi de « premier », « deuxième », « troisième » et même parfois « quatrième Isaïe ».
Ce cantique, explique Jean-Paul II est tiré « d´une méditation du Second Isaïe sur la grandeur de Dieu manifestée dans la création et dans l´histoire: un Dieu qui se révèle, tout en restant caché dans son mystère impénétrable ». Il est par définition, continue le pape, le « Deus absconditus ». Et d´expliquer: « Aucune pensée ne peut le saisir. L´homme peut seulement contempler sa présence dans l´univers, comme en suivant ses traces et en se prosternant dans l´adoration et la louange ».
Le pape insiste que la réalité historique de l´intervention divine: « L´arrière-fond historique sur lequel naît cette méditation est celui de la surprenante libération que Dieu a procurée à son peuple, au temps de l´exil à Babylone. Qui aurait pensé que les exilés d´Israël puissent rentrer dans leur patrie? En voyant la puissance de Babylone, ils auraient pu désespérer. Mais voilà la grande annonce, la surprise de Dieu, qui vibre dans les paroles du prophète: comme au temps de l´Exode, Dieu interviendra. Et si alors, il avait plié avec ses châtiments terribles la résistance du Pharaon, maintenant il choisit un roi, Cyrus de Perse, pour défaire la puissance babylonienne et pour rendre la liberté à Israël ».
Le pape explique cette présence « cachée » par l´image des « coulisses » de l´histoire: « Tu es un Dieu mystérieux, Dieu d´Israël Sauveur » (Is 45,15). Par ces paroles, le prophète invite à reconnaître que Dieu agit dans l´histoire, même s´il n´apparaît pas au premier plan. On dirait qu´il est « en coulisses ». C´est lui le mystérieux réalisateur invisible, qui respecte la liberté de ses créatures, mais en même temps tient en main les fils des événements du monde. La certitude de l´action providentielle de Dieu est source d´espérance pour le croyant, qui sait qu´il peut compter sur la présence constante de Celui qui « a modelé et fait la terre et l´a rendue stable » (Is 45,18) ».
L´histoire est ainsi rattachée à la création dans la théologie du prophète. « L´acte de la création, continue Jean-Paul II, n´est pas un épisode qui se perd dans la nuit des temps, comme si le monde, après ce début, devait se considérer comme abandonné à lui-même. Dieu appelle continuellement à l´être la création issue de ses mains. Le reconnaître, c´est aussi reconnaître son unicité: « Ne suis-je pas moi, le Seigneur? En dehors de moi, il n´y a pas d´autre Dieu »(Is 45,21). Dieu est par définition l´Unique. Rien ne peut lui être comparé. Tout lui est soumis. Il s´ensuit le rejet de l´idolâtrie, contre laquelle le prophète prononce ces paroles sévères: « Ils n´ont pas d´intelligence ceux qui portent avec eux une idole qu´ils ont sculptée, et prient un dieu qui ne peut sauver » (Is 45,20). Comment être en adoration devant un produit de l´homme? »
Jean-Paul II souligne l´actualité du message d´Isaïe, et de la « pédagogie divine » qui a fait exclure les « images » à Israël , même si l´usage des images a ensuite revêtu un sens chrétien. « Par une discipline rigide d´exclusion des images, [Dieu] a protégé historiquement Israël des contaminations polythéistes, explique le pape. L´Eglise, partant du visage de Dieu manifesté dans l´incarnation du Christ, a reconnu au deuxième concile de Nicée, en 787, la possibilité d´utiliser des images sacrées, pourvu qu´elles soient comprises dans leur valeur essentiellement relationnelle. Mais l´importance de cet avertissement prophétique contre toute forme d´idolâtrie, souvent cachée non tant dans l´usage impropre des images que dans les attitudes par lesquelles les hommes et les choses sont considérés comme des valeurs absolues et sont substitués à Dieu lui-même ».
Pour ce qui est de l´action de Dieu dans l´histoire, le pape explique « qu´Israël a pu faire l´expérience de si nombreuses fois de la puissance bénéfique et miséricordieuse de Dieu, de sa fidélité, et de sa providence ». « En particulier, note Jean-Paul II, lors de la libération de l´Exil, l´amour de Dieu pour son peuple s´est manifesté encore une fois, et cela s´est produit de façon si évidente et surprenante que le prophète appelle comme témoins les « survivants des Nations » en personne. Il les invite à discuter, s´ils le peuvent: « Rassemblez-vous, approchez-vous ensemble, survivants des Nations » (Is 45,20). La conclusion à laquelle arrive le prophète est que l´intervention du Dieu d´Israël est indiscutable ».
Le prophète passe alors à « une perspective universaliste ». « Dieu proclame, continue Jean-Paul II: « Tournez-vous vers moi et vous serez sauvés, vous tous peuples de la terre, parce que je suis Dieu, il n´y en a pas d´autre » (Is 45,22). Il devient ainsi clair que la prédilection par laquelle Dieu a choisi Israël comme son peuple n´est pas un acte d´exclusion mais plutôt un acte d´amour dont toute l´humanité est destinée à profiter ».
Le pape souligne que se « profile » ici, et donc dans l´Ancien Testament déjà, « cette conception « sacramentelle » de l´histoire du salut qui voit dans l´élection spéciale des enfants d´Abraham et ensuite des disciples du Christ dans l´Eglise, non un privilège qui « ferme » et « exclut », mais le signe et l´instrument d´un amour universel ».
« L´invitation à l´adoration et l´offrande du salut concerne tous les peuples: « Devant moi tout genou fléchira, toute langue jurera par moi » (Is 45,23). Lire ces paroles dans une optique chrétienne signifie aller par la pensée à la révélation plénière du Nouveau Testament, qui montre dans le Christ « le Nom qui est au-dessus de tout nom » (Ph 2,9), si bien qu´au « Nom de Jésus, tout genou fléchit, dans le ciel, sur la terre et aux enfers, et que toute langue proclame que Jésus Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père » (Ph 2,10-11) ».
Le pape conclut sur le sens de la récitation de ce cantique aux Laudes: « Notre louange du matin, par ce Cantique, se dilate aux dimensions de l´univers, et prête sa voix à ceux qui n´ont pas eu a grâce de connaître le Christ. C´est une louange qui se fait « missionnaire », nous poussant à aller par tous les chemins proclamer que Dieu s´est manifesté en Jésus comme le Sauveur du monde ».