Jan Bentz 

Traduction d’Anne Kurian

ROME, mercredi 31 octobre 2012 (ZENIT.org) – Le cardinal Schönborn invite à rester « ouvert à l’inattendu », car l’Eglise ne cesse de refleurir : « trop souvent on ignore et on ne partage pas les belles choses », et l'on voit seulement que "le vent souffle souvent contre nous", alors que "le souffle de l’Esprit-Saint aussi est perceptible".

Le cardinal Christoph Schönborn, archevêque de Vienne, en Autriche, et président de la Conférence épiscopale autrichienne, confie ses impressions sur le synode pour la nouvelle évangélisation auquel il vient de participer (6-28 octobre 2012), pour les lecteurs de Zenit.

Zenit - Eminence, à combien de synodes avez-vous déjà participé ?

Cardinal Christoph Schönborn – C’est le troisième synode auquel je participe. Le premier fut en 1985, quand j’ai aidé comme collaborateur théologique. Je me souviens encore très bien du travail nocturne, sur ce que le Saint-Père avait abordé en priorité. Ordonner les Propositions, regrouper les discours, sélectionner les thèmes. Ce fut une session très décisive, où il fut demandé au Saint-Père de rédiger le Catéchisme. Donc au premier j’ai pu participer en tant que théologien. Le second synode, auquel j’ai participé, fut celui pour l’Europe en 1999, comme préparation au Jubilé. Celui-ci est donc le troisième.

Qu’est-ce qui vous a le plus touché dans ce synode ?

La première chose et la plus importante, qui comme un cantus firmus a imprégné de nombreuses interventions, a été le thème: “Nous devons commencer pour nous-mêmes”. J’ai été très touché par le fait que de nombreux évêques ont déclaré que nous pouvons évangéliser seulement si nous nous laissons évangéliser nous-mêmes. Cela a été une très belle clarification; nous ne pouvons pas nous évangéliser nous-mêmes, nous devons nous laisser évangéliser, comme le rappelle le Catéchisme : personne ne peut s’annoncer à soi-même l’Evangile. Nous devons le recevoir. Cela implique le thème de la conversion, un thème très fréquent dans les interventions des évêques. Cela me fait sentir très certainement que nous ne sommes pas en train de parler de ce que devraient faire les autres mais plutôt – comme l’a dit Paul VI dans Evangelii nuntiandi – de ce que nous devons commencer avec nous-mêmes.

Le second élément est la très grande importance des petites communautés chrétiennes. Ceci implique tous les continents et correspond pleinement à la toute première expérience chrétienne. Nous devons pratiquer en communauté. Bien que la paroisse normale soit le lieu le plus adapté, seule elle ne réussit pas à offrir cette densité demandée par le témoignage chrétien vécu. Dans le diocèse de Vienne, dans une perspective à long terme, nous cherchons à organiser des paroisses plus grandes – non pas des méga-paroisses, nous en sommes loin – mais plus grandes que les paroisses de 200-300 personnes. Ce qui existe déjà depuis longtemps dans les paroisses – groupes familiaux, groupes de travail – devrait devenir de vraies communautés, qui puissent devenir porteuses d’évangélisation.

Un troisième point est l’encouragement. Le vent souffle souvent contre nous, mais le souffle de l’Esprit-Saint aussi est perceptible. Le Saint-Père nous a donné deux exemples. Le premier est celui de l’Eglise au Cambodge qui a été presque complétement détruite durant le génocide et qui aujourd’hui commence à nouveau à fleurir, croître et prospérer. On y sent la puissance du Seigneur ressuscité, qui reconstruit avec sa force. Le second exemple a été le témoignage de l’évêque de la Norvège, un pays très sécularisé, qui a raconté des choses très surprenantes sur la manière dont refleurit l’Eglise locale. A la fin il nous a assurés que nous pouvions avoir confiance dans l’inattendu. Ceci est important aussi pour moi en Autriche, pour toutes les difficultés que nous avons. Trop souvent on ignore et on ne partage pas les belles choses. Nous devons être toujours ouverts à l’inattendu. Qui aurait pensé en 1850 qu’à Lourdes jaillirait une source, qui deviendrait source d’espérance et de force pour des millions de personnes?

Nous pouvons seulement demander, mais ultimement ce n’est pas dans nos mains. Comme Marie au Cénacle, nous pouvons seulement attendre Dieu. Nous devons beaucoup prier et avoir beaucoup de confiance.

Vous êtes dominicain. Que peut dire saint Thomas d’Aquin aujourd’hui au sujet de la nouvelle évangélisation?

Saint Thomas est un maître de la nouvelle évangélisation, parce que de façon tout à fait inégalable et je dirais, presque comme un champion solitaire, comparable seulement à quelques-uns des maîtres de notre époque, parmi lesquels appartient résolument notre Saint-Père Benoît XVI, il a le don d’exposer les choses dans la simplicité et la clarté, à la lumière de la raison. Je ne connais personne – et j’ai moi-même enseigné de nombreuses années – qui ait ce don autant que notre Saint-Père. En son temps, de façon extraordinaire, saint Thomas l’avait aussi.