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Syrie : « Le Moyen-Orient est chrétien »

Interview avec Mgr Youlian Jacques Mourad, archevêque syro-catholique de Homs, Hama et Nabk

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Première publication le 28 novembre 2025 par l’AED

 

Mgr Youlian Jacques Mourad, archevêque syro-catholique de Homs, Hama et Nabk dénonce la crise de confiance du peuple envers son gouvernement. Au milieu des ruines d’un pays dévasté, il constate que les chrétiens syriens ont dramatiquement besoin d’un retour de la sécurité pour envisager de reconstruire leur communauté décimée.

En ce moment-même, le pape se rend au Moyen-Orient 1700 ans après le Concile de Nicée, qu’attendez-vous de cet évènement ?
Mgr Youlian Jacques Mourad, archevêque syro-catholique de Homs, Hama et Nabk. ©AED

Mgr Youlian Jacques Mourad, archevêque syro-catholique de Homs, Hama et Nabk. ©AED

Nous espérons que le Souverain pontife rappellera au monde que le Moyen-Orient est chrétien. Que nous sommes ici chez nous et que c’est même ici que l’Église a débuté. Je suis heureux qu’il rappelle l’anniversaire du Concile de Nicée. Ce Concile est un chemin très efficace pour l’unité des chrétiens, puisque tous le reconnaissent. Or cette unité est un enjeu majeur dans notre Orient, où cohabitent tant d’Églises. Nous avons eu la joie d’envoyer 52 jeunes chrétiens de Homs qui iront rencontrer le pape au Liban, il y en aura aussi qui viennent de Damas.

Homs reste probablement la ville la plus dangereuse de Syrie. Il y a des règlements de comptes réguliers, en particulier contre les Alaouites. Plus profondément, le problème vient de l’absence de confiance entre les Syriens et leur gouvernement. Les initiatives du gouvernement comme le Congrès national, la Constitution ou les élections parlementaires n’ont rassuré personne. L’une des premières promesses du nouveau gouvernement a été qu’il n’y aurait pas de revanche. Dix jours après, des massacres commençaient ! Il existe une rupture de confiance totale entre les citoyens et ceux qui les dirigent. Les Syriens n’ont jamais connu de démocratie, ils manquent complètement de culture sur ce point, et cela favorise des relations très tendues entre les communautés. Nous, chrétiens, avons un rôle capital à jouer dans le domaine de l’entente entre les peuples.

Un an après la chute de Bachar Al-Assad et la fin de la guerre civile, est-ce que la Syrie est en cours de reconstruction ?

Homs reste probablement la ville la plus dangereuse de Syrie. Il y a des règlements de comptes réguliers, en particulier contre les Alaouites. Plus profondément, le problème vient de l’absence de confiance entre les Syriens et leur gouvernement. Les initiatives du gouvernement comme le Congrès national, la Constitution ou les élections parlementaires n’ont rassuré personne. L’une des premières promesses du nouveau gouvernement a été qu’il n’y aurait pas de revanche. Dix jours après, des massacres commençaient ! Il existe une rupture de confiance totale entre les citoyens et ceux qui les dirigent. Les Syriens n’ont jamais connu de démocratie, ils manquent complètement de culture sur ce point, et cela favorise des relations très tendues entre les communautés. Nous, chrétiens, avons un rôle capital à jouer dans le domaine de l’entente entre les peuples.

Le père Jacques Mourad durant la Nuit des témoins. ©AED

Pourquoi vous ? Les chrétiens ne sont-ils pas insignifiants depuis la guerre civile ?

Nous avons perdu une grande partie de notre population. Il n’y a pas plus de 2% des chrétiens dans le pays actuellement, alors que nous étions plus de 10% en 2011. Malheureusement, nous sommes désormais trop peu nombreux. Les exilés ne rentrent pas, parce que la sécurité n’est pas assurée. Ils préfèrent rester autour d’Erbil en Irak ou au Liban, dans des conditions misérables, plutôt que de risquer de revenir sur leurs terres.

Mais nous ne sommes pas insignifiants pour autant ! Nous sommes les seuls à pouvoir discuter avec toutes les communautés. Nous organisons en particulier ici à Homs, mais aussi à Alep et Damas, des réunions des membres de toutes les communautés de notre pays. L’Église n’a jamais fui le pays, elle n’a pas pris les armes et elle est respectée pour cela par les hommes de bonne volonté.

Ici à Homs, on continue à voir des djihadistes à moto avec leurs armes. J’encourage les fidèles à les regarder dans les yeux pour transmettre le respect et l’amour du Christ. « Ne vous arrêtez pas à leurs barbes ou à leurs cheveux, qui affichent leur extrémisme religieux, regardez les dans les yeux ».

Pourtant, les chrétiens pourraient être tentés de faire profil bas, au milieu de l’atmosphère de méfiance et de revanche que vous décrivez…

Nous n’avons pas à nous effacer, nous faisons partie du pays et de son histoire. Il y a beaucoup de peur ici, mais il y a heureusement aussi beaucoup de courage. Après le terrible attentat de Damas, au mois de juin, on aurait pu craindre que les églises se vident mais c’est l’inverse qui s’est produit ! La cathédrale de Homs était pleine le dimanche suivant et j’y ai vu des jeunes que je ne rencontre jamais d’habitude.

Propos recueillis par Sylvain Dorient  

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L’AED est une fondation pontificale, fondée en 1947 dans un esprit de réconciliation. Elle soutient les chrétiens partout dans le monde, là où ils sont confrontés aux persécutions et difficultés matérielles. https://aed-france.org

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