(ZENIT Actualités / Istanbul, 03.12.2025) – Le 1700e anniversaire du concile de Nicée a offert au pape Léon XIV l’occasion de commémorer les racines de l’unité chrétienne dans la même ville où les évêques se sont réunis en 325. Le voyage devait être réfléchi, délibérément solennel et strictement contrôlé. Cependant, à la veille de l’arrivée du pape, un personnage inattendu est apparu dans les rues d’Iznik : Mehmet Ali Agca, l’homme qui a tiré sur Jean-Paul II sur la place Saint-Pierre en 1981.
Agca est arrivé avec l’intention claire de s’impliquer dans l’histoire. Dans des déclarations aux médias turcs, il a exprimé son désir d’avoir une brève conversation avec le pontife — quelques minutes, rien de plus —, tout en insistant sur le fait que la présence papale à Iznik était « extraordinaire ». Ses commentaires mêlaient admiration et déclarations grandiloquentes habituelles, notamment l’idée qu’il se trouve « au centre d’un plan divin », un récit qu’il a réécrit d’innombrables fois au fil des ans.
Les autorités locales n’avaient pas l’intention de le laisser s’approcher du pèlerinage en cours. Alors que les forces de sécurité intensifiaient leurs préparatifs, la police a escorté Agca hors de la ville. Iznik, avec sa population modeste et son immense poids symbolique, se préparait déjà à l’une des visites papales les plus sensibles de la Turquie moderne. L’apparition soudaine de l’auteur de l’un des attentats les plus tristement célèbres du XXe siècle contre un pape n’a fait qu’accroître la tension.
La présence d’Agca a ravivé le souvenir d’un passé qui recèle encore des zones d’ombre. Son parcours est bien connu, mais jamais tout à fait compris : agent ultranationaliste lié à l’extrême droite turque et au crime organisé, assassin condamné du journaliste Abdi Ipekçi, fugitif de prison dans des circonstances qui suscitent encore des spéculations, et aspirant assassin dont les balles ont failli coûter la vie à Karol Wojtyła. Plus tard, il a reçu un geste personnel inattendu de la part de Jean-Paul II, qui lui a rendu visite dans sa cellule italienne pour lui offrir son pardon, une rencontre qui est devenue un symbole de la miséricorde du défunt pontife.
Après avoir passé près de deux décennies en Italie, Agca est retourné en Turquie en 2000, où il a purgé une autre décennie de prison avant de retrouver la liberté en 2010. Depuis lors, il est resté une figure publique versatile, oscillant entre des explications contradictoires sur son attaque, des déclarations sporadiques de conversion et des affirmations à connotation mystique. Ses déclarations sont aussi imprévisibles qu’égocentriques, et changent souvent en fonction du public auquel il s’adresse.
Son voyage à Iznik suit le même schéma : rechercher la proximité d’événements très médiatisés, prononcer des phrases pleines d’esprit mêlant excuses, égocentrisme et complot, et tenter de se replacer dans l’orbite du Vatican. Cependant, cette fois-ci, l’histoire s’est déroulée sans lui. Le pape Léon XIV est arrivé en hélicoptère, a prié dans l’ancien cadre de Nicée et a poursuivi sa visite sans aucune trace de l’intrusion d’Agca.
Le contraste était saisissant. D’un côté, un pape soucieux d’apaiser les divisions et d’honorer l’héritage du premier concile œcuménique. De l’autre, un homme dont les actions passées ont autrefois bouleversé l’Église et dont les déclarations actuelles semblent faire écho à un rôle qu’il ne joue plus.
