Nathalie Duplan, à Beyrouth

Dr Fouad Abou Nader © DR
« Votre patrie, le Liban, refleurira de nouveau, belle et vigoureuse comme le cèdre, symbole de l’unité et de la fécondité du peuple. » C’est sur ces paroles que le pape a pris congé de la jeunesse à Bkerké, au deuxième jour de sa visite. Et c’est à la rencontre de cette patrie qui ne demande qu’à refleurir que le Saint-Père est allé, une nouvelle fois, en ce troisième jour de pèlerinage sur cette terre bénie mais en souffrance. La première étape de cette dernière matinée, l’hôpital psychiatrique de la Croix, était tout un symbole, salué unanimement.
Ainsi, le recteur de l’Université Saint-Joseph, le P. Salim Daccache, confiait-il : « Le fait que le pape visite cet hôpital est un acte courageux pour nous dire qu’il est présent avec les abandonnés, les gens qui souffrent en silence, leurs familles. Voilà un beau geste d’amour, capital, qui s’inspire fortement de l’Évangile de saint Matthieu. Il ne s’agit pas d’un acte marginal de solidarité : c’est une expression de la foi et de la doctrine chrétiennes qui consistent à être avec Jésus là où il se trouve. »
Mgr César Essayan, évêque latin de Beyrouth, renchérit : « Que Léon XIV passe à l’hôpital de la Croix où il a retrouvé les plus exclus parmi les exclus, ainsi que la figure du P. Jacques, « l’homme de la Providence », est très significatif. À travers ce geste, le pape nous dit : « N’oubliez pas que pour construire la paix, pour aller vers la justice, vers plus de réconciliation, il faut partir du plus pauvre. Si vous agissez ainsi, le Dieu de la Providence viendra à votre rencontre. Cessez de faire des calculs, de penser à vos intérêts, dépensez-vous pour le bien commun, et le Seigneur vous comblera de ses grâces ». Il nous faut retrouver la foi de Nicée, celle de l’Évangile. »

Rasha, bénévole avec les Guides du Liban © Nathalie Duplan
À l’issue de cette visite, le Dr Fouad Abou Nader, président de l’ONG Nawraj, commentait quant à lui : « Cette présence du pape, ici, porte le message que l’Église doit être avec les plus démunis, les malades et les blessés. C’est pour cela que Léon XIV a insisté pour rencontrer les enfants souffrant d’un trouble mental et d’un retard psychomoteur profond. »
Ce geste va bien au-delà de ce que certains imaginent, car l’hôpital des Sœurs de la Croix est l’unique hôpital psychiatrique du pays et c’est un hôpital privé à but non lucratif. Comme les 253 écoles semi-gratuites et établissements socio-médicaux sous ce statut propre au Liban, il est en danger financièrement. Ce concept singulier d’établissement privé à but non lucratif signifie que tout en étant privées, ces structures sont sous contrat avec l’État qui leur délègue la mission d’assurer un service public. À ce titre, ce dernier devrait les payer. Ce qu’il ne fait plus depuis 2014, ou alors en retard et à un taux qui ne prend pas en considération la dévaluation de la monnaie. Concrètement, ce sont environ 150 millions de dollars que l’État doit à ces établissements, selon un rapport complet, publié par L’Œuvre d’Orient à l’occasion de la Journée des pauvres, et après deux ans de travail. Vincent Gelot, directeur du bureau Liban et Syrie de l’association française, espère que le pape aura pu prendre connaissance de ce rapport car des vies sont en jeu. En effet, seuls ces établissements, gérés par différentes confessions, prennent en charge les handicapés, les orphelins, les personnes âgées, les malades et les élèves de familles pauvres.

© Nathalie Duplan
Autre moment fort, chargé d’émotion, ce 2 décembre : la rencontre avec les familles de victimes de l’explosion du 4 août 2020, face aux silos éventrés du port de Beyrouth. L’heure était à l’intimité, à la prière, aux larmes, aux confidences, juste avant la messe, à quelques mètres de là, sur le front de mer.
Chants, applaudissements et ovations ont rythmé le dernier grand rassemblement de la visite papale qui a réuni près de 150 000 fidèles. Bénévole avec les Guides du Liban, Rasha ne cache pas son enthousiasme : « C’était trop beau, immense ! » Élèves de l’école des Saints-Cœurs à Jezzine, Mike et Teresa s’exclament : « Trop beau ! Impressionnant de voir le pape ! »
Sous des tonnerres d’applaudissements, après avoir énuméré les souffrances qui accablent le Liban, le pape à lancé son appel : « J’ai voulu venir en pèlerin d’espérance au Moyen-Orient, implorant Dieu d’accorder la paix à cette terre bien-aimée, marquée par l’instabilité, les guerres et la douleur. Chers chrétiens du Levant, lorsque les résultats de vos efforts pour la paix tardent à venir, je vous invite à lever les yeux vers le Seigneur qui vient ! Regardons-le avec espérance et courage, en invitant chacun à s’engager sur la voie de la coexistence, de la fraternité et de la paix. Soyez des artisans de paix, des annonciateurs de paix, des témoins de paix ! »
