« Ah! cette hérésie du Père Noël importée par les Français ! » : ce cri du cœur d’un ami belge, scan-da-li-sé, trouve son explication – et sa réconciliation! – chez l’historienne Nadine Cretin qui analyse les représentations du Père Noël et de saint Nicolas, l’évêque de Myre, ville marchande d’Asie Mineure (Turquie) aux IIIe-IVe siècles. Et qui est toujours aujourd’hui plus que jamais, ce 6 décembre 2019, jour de sa fête, l’ami des… enfants !
« Une barbe blanche, un habit rouge, des cadeaux pleins les bras, et un sourire chaleureux. (…) D’où vient cette ressemblance ? » Nadine Cretin poursuit son investigation. Ce qui les rapproche – serait-ce un « indice pensable »? – , c’est « la même générosité » : « Nos deux donateurs de cadeaux reposent en réalité sur des croyances anciennes, qui les rapprochent des masqués de l’hiver, saison noire et stérile avant le retour du printemps. De telles créatures figurent encore dans les mascarades du Nouvel An ou les carnavals. Les beaux, bien habillés, distribuent noix ou gâteaux, symbolisant les beaux jours, la lumière et l’abondance. »
Leurs compagnons aussi se ressemblent fait observer la chercheuse: « Ils sont affublés de compagnons à l’aspect bestial, vêtus de paille, de mousse, de fourrures. Ces « laids » symbolisent un monde inquiétant, un monde non civilisé, inconnu, que l’on peut rapprocher de l’Au-delà », comme le « Père Fouettard » alias Hans Trapp en Alsace, Zwarte Piet aux Pays-Bas et en Belgique, Schmutzli en Suisse…
Avant d’être le saint patron des petits enfants, l’évêque de Myre a été honoré comme le saint patron des marins, des marchands, des prisonniers, des avocats, des fiancés, du fait de sa généreuse intervention en leur faveur rappelle encore l’historienne : « Les légendes de saint Nicolas en faisaient le patron des marins car il en avait sauvé de la tempête, celui des marchands car il avait préservé sa ville de la famine, mais aussi des prisonniers et des avocats car il avait délivré des captifs, et celui des fiancés car il avait aidé des jeunes filles pauvres à se marier. »
Et puis ce fut la « légende des trois enfants » ressuscités du saloir d’un méchant boucher, « la plus connue en Occident ».
Ensuite, elle pourfend l’idée de toute « hérésie » française car les reliques de saint Nicolas reposent à Bari, sur la côte adriatique – auprès duquel le pape François a organisé une journée de prière pour la paix au Moyen-Orient, en juillet 2018 – et de là sa réputation est passée en Lorraine : « En 1087, des marins italiens de Bari ont rapporté dans leur ville les restes de saint Nicolas, craignant l’action des Infidèles en Asie Mineure. De là, un chevalier lorrain a rapporté une relique qu’il a mise à Saint-Nicolas-de-Port, devenu un grand centre de pèlerinage près de Nancy. »
Autrement dit, les Français n’ont pas exporté « l’hérésie » du Père Noël, mais, en passant par la Lorraine, ils ont importé – puis exporté ! – la mémoire des bienfaits d’un bon évêque! Ouf! Acquittés.
Et le voilà qui franchit l’Atlantique nord, explique Nadine Cretin, toujours sur ses traces: « C’est ce saint Nicolas transformé que les premiers colons américains ont importé avec eux en Amérique du Nord au XVIIe siècle. Là, il a peu à peu donné ses traits au Père Noël. Dans un poème (1822), Clement Clark Moore fait de saint Nick un minuscule personnage, rond et jovial à l’habit « couleur de suie » venant en traîneau tiré par des rennes, et descendant dans les cheminées déposer des cadeaux. Plus de Père Fouettard à ses côtés ! Vers 1860, Thomas Nast a dessiné Santa Claus, le faisant venir du Pôle Nord. Ses habits étaient souvent rouges. Vers 1930, une campagne de publicité de Coca-Cola a fixé son image à travers le monde. »
Après une enquête si rondement menée, on peut donc conclure que, sous ce nom et sous cet aspect, c’est saint Nicolas qui accompagne les fêtes de Noël chaque année dans le monde entier! Certes, incognito pour beaucoup, sauf pour ceux qui se rappellent de son nom et de sa sainteté – « Santa Claus » ! -, et pour tous les petits enfants qui le fêtent aujourd’hui avec joie en chantant « Venez, venez, saint Nicolas, venez, venez ! ».
Autrement dit, c’est bien vrai, le Père Noël existe, c’est lui, saint Nicolas, mais incognito! Chut! Il a juste renoncé à son nom, à sa mitre et à sa crosse d’évêque.
Mais « pourquoi? » demande un jeune « fan » de saint Nick? « Eh bien, répond un vieux sage, qui lui ressemble, c’est certainement parce que saint Nicolas voulait pouvoir se faire proche de tous les enfants du monde, pas seulement les petits baptisés. Mais pouvoir entrer dans toutes les maisons comme un ami, pour pouvoir dire à tous, à Noël, que Dieu les aime tendrement ».
Petits enfants, vous savez maintenant quoi répondre au grand frère ou à la grande soeur qui prétendrait que le Père Noël n’existe pas! Vous pouvez aussi ne rien dire, et garder votre secret, en les confiant à la prière du grand saint Nicolas.
Saint Nicolas de Bari © basilicasannicola.it
"Venez, venez, saint Nicolas, venez, venez!": le Père Noël … c'est lui!
Autrement dit, le Père Noël existe bel et bien!