Le pape François se rend en Terre Sainte les 24-26 mai pour trois jours intenses, sur les pas de Paul VI et du patriarche orthodoxe Athénagoras, cinquante ans après leur rencontre historique (4-6 janvier 1964). Mais aussi sur les pas de Jean-Paul II et de Benoît XVI.
Et pourtant c’est un voyage au programme original et assez typique de la manière de François, avec pour sommet la prière publique historique avec Bartholomaios Ier au lieu de la résurrection du Christ le dimanche 24 mai.
Le pape prononcera 14 discours, allocutions ou homélies, en italien, même si certains passages seront traduits en hébreu et ses homélies à Amman et Bethléem en arabe.
Il ne vient que pour trois jours et il a renoncé pour cela à un déplacement en Galilée. Il a aussi renoncé aux « adieux » protocolaires au départ de la Jordanie, de la Palestine et d’Israël.
Ce faisant, il renonce à donner à chaud un bilan de sa visite. On attendra avec impatience l’audience du mercredi 28 mai au cours de laquelle il devrait présenter aux fidèles un récit de ses trois jours. Ou bien il en donnera un premier à la presse dès l’avion de retour, mais pour le P. Lombardi, cela tiendrait du « miraculeux », après un tel marathon.
Ce sera le second voyage de Jorge Mario Bergoglio en Terre Sainte. Lorsqu’il s’y est rendu en 1973, la Guerre du Kippour a éclaté. Il a passé les six jours du conflit dans sa chambre, à Jérusalem, penché sur les Epîtres de saint Paul.
Sous le signe de la paix
Ce voyage sera au contraire sous le signe de la paix : il arrivera, comme ses trois prédécesseurs, de Jordanie, pays qui vit en paix avec Israël. Il y a rencontrera, en l’église latine du site du Baptême du Christ, Béthanie du Jourdain, des personnes handicapées et des réfugiés, là aussi un signe de paix. La Jordanie est une terre d’accueil généreuse : après les Palestiniens, elle a accueilli les réfugiés d’Irak et de Syrie.
A son arrivée à Amman, le pape rendra directement en visite de courtoisie au palais du roi Abdallah et de la reine Rania, qui ont autrefois reçu Jean-Paul II et Benoît XVI. Ils ont aussi rendu visite à François au Vatican le 29 août 2013. En avril dernier, le roi a fait une nouvelle visite avec le prince Ghazi.
Après une rencontre privée, le pape rencontrera, dans le grand salon, les autorités de Jordanie : le roi et le pape prononceront un discours, vers 13 h 45 (12h 45 à Rome).
Puis le pape ira célébrer la messe au stade de Amman – comme Jean-Paul II et Benoît XVI – en voiture découverte, le pape saluera la foule à l’extérieur et à l’intérieur du stade. Ce sera la liturgie du dimanche 25. Au cours de la messe 1 400 enfants feront leur Première communion, dont des enfants réfugiés présents avec leurs familles. La messe est prévue entre 16h et 18h.
Le pape partira ensuite au site du Baptême de Jésus à Béthanie « au-delà du Jourdain ». Le roi Abdallah sera présent aux côtés du pape, comme lors de la visite de Benoît XVI. Mais depuis, les fouilles archéologiques et la construction des églises (de rite latin et de rite oriental), et des maisons d’accueil des pèlerins, sont allés bon train, notamment grâce à la généreuse participation d’un riche entrepreneur jordanien.
La Jordanie prévoit des dégrèvements d’impôts pour qui contribue à construire une église, comme pour la construction d’une mosquée : c’est aussi un signe de la paix des religions dans le pays.
Dans le sillage de Paul VI, le pape François bénira les eaux du Jourdain. C’est ensuite qu’il rencontrera plusieurs centaines de personnes handicapées et des réfugiés.
Il repartira de Amman pour Bethléem (75 km) en hélicoptère, vers 8h 15 le lendemain matin: il devrait survoler et franchir la vallée du Jourdain un peu au Nord de la Mer Morte, au sud de Jéricho.
La paix des religions
Pendant son voyage le pape a choisi d’être accompagné de ses amis le rabbin argentin Abraham Skorka et le professeur musulman également argentin, Omar Ahmed Abboud, signifiant ainsi sans équivoque la paix des religions.
Le Père Federico Lombardi, sj, porte-parole du Saint-Siège a détaillé ce jeudi matin 15 mai, au Vatican, le programme du pape en soulignant que le dialogue interreligieux est devenu une « chose naturelle » : il a même parlé « d’amitié interreligieuse ». Cette « présence ensemble avec le pape » revêt, dit-il une « grande signification » même si une rencontre proprement « interreligieuse » n’est pas organisée pendant le voyage.
M. Abboud rejoindra le pape le samedi 24 à Amman, et le rabbin Skorka rejoindra le pape après le Sabbat, le dimanche 25 à Bethléem. Le pape y célébrera la Messe de la Nativité au cours de laquelle on lit la prophétie de la naissance du Prince de la paix au chapitre 9 du livre d’Isaïe : « le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière ».
Le président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux le cardinal français Jean-Louis Tauran fera partie de la suite du pape, ainsi que les cardinaux Leonardo Sandri (Eglise orientales catholiques) et Kurt Koch (Unité des chrétiens).
Si le cardinal maronite Béchara Raï – qu’une polémique cherche à empêcher de venir – ne fait pas partie, du point de vue du protocole, de la suite du pape, le P. Lombardi a rappelé à ce sujet que le patriarche latin de Jérusalem – actuellement Fouad Twal – à l’occasion des voyages des papes, invite les pasteurs dont des fidèles se trouvent en Terre Sainte à entourer le pape pendant son voyage : c’est le cas du card. Raï, étant donné la présence des Maronites en Israël.
A Jérusalem, le pape se rendra sur le Mont du Temple, aujourd’hui « esplanade des mosquée », au « Dôme du roc », cette mosquée bleue et or qui brille sous le soleil de la Ville Sainte. Il y rencontrera l’imam et les autorités musulmanes.
Il se rendra aussi, comme Jean-Paul II et Benoît XVI, au Mur Occidental, ou Mur des Lamentation, le « Kotel », devant les pierres du soubassement du Temple d’Hérode, pour glisser une prière entre les pierres, selon la tradition, suivie par ses prédécesseurs.
Et, passage important, il déposera une gerbe de fleurs au Mont Herzl et au Mémorial de la Shoah de Yad VaShem où il ravivera la flamme du souvenir des « Six Millions » de victimes de la barbarie nazie et il rencontrera des survivants des camps d’extermination. Il prononcera un discours attendu : ce sera le troisième pape à se recueillir en ce lieu si lourd de douleur, mais le premier, après le pape polonais et le pape bavarois, d’un pays qui n’a pas connu la Shoah sur son territoire.
Il se rendra aussi au siège du Grand rabbinat, pour rencontrer les deux grands rabbins représentant les traditions sépharade et ashkénaze.
Et, comme le pape Benoît XVI, il sera accueilli au palais présidentiel par le président Shimon Peres, en fin de mandat, et il plantera, comme son prédécesseur, un olivier de la paix dans le jardin de la résidence.
Le pape recevra le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, lundi 26, à 12 h 45, au Centre Notre-Dame de Jérusalem, qui dépend du Saint-Siège.
Bethléem et le camp de réfugiés de Dheisheh
Arrivé à l’aéroport de Bethléem, le pape François se rendra au palais présidentiel, où il sera accueilli par le président palestinien Mahmoud Abbas. Il le rencontrera en privé avant de rencontrer les autorités palestiniennes : le président et le pape prononceront un discours.
La messe aura lieu ensuite en plein air sur la « Place de la Mangeoire »
, c’est-à-dire de la Crèche, en quelque sorte le parvis de la basilique de la Nativité qui abrite la grotte.
Après la messe et le Regina Coeli du dimanche, le pape se rendra à la Casa nuova, des franciscains, pour déjeuner avec des familles palestiniennes.
Vers 15 h, il effectuera une visite privée à la Grotte de la Nativité, avant de se rendre au « Phoenix Center » pour les jeunes du camp de réfugiés de Dheisheh où Jean-Paul II s’était rendu. Benoît XVI avait visité le camp de Aïda.
Le pape repartira de Bethléem en hélicoptère pour l’aéroport Ben Gourion de Tel Aviv (60 km), où il sera accueilli en Israël, avant de repartir pour Jérusalem (58 km) et atterrir au « Mont Scopus », siège, entre autres, de l’Université Hébraïque de Jérusalem, qui a un accord académique avec l’Institut biblique pontifical depuis l’époque où le cardinal Carlo Martini en était recteur.
Il sera accueilli notamment par le maire de Jérusalem, avant de se rendre au siège de la délégation apostolique de Jérusalem, la nonciature se trouvant à Tel Aviv.
Le cœur du voyage
Le cœur du voyage du pape François, en mémoire de la rencontre de Paul VI et Athénagoras, c’est la rencontre, ou plutôt les quatre rencontres, avec le patriarche oecuménique Bartholomaios Ier. La première aura lieu à la Délégation apostolique dans la même pièce que pour Paul VI et Athénagoras.
A l’issue de leur entretien privé, le pape et le patriarche signeront et publieront une Déclaration commune et ils échangeront des cadeaux. La seconde rencontre sera au Saint-Sépulcre, la troisième pour le dîner, la quatrième, au siège du patriarche orthodoxe de Jérusalem.
Ils se rendront ensuite, chacun de son côté au Saint-Sépulcre vers 19h, accompagnés du patriarche grec orthodoxe Théophilos, le patriarche arménien apostolique Nouhran Ier, le Custode de Terre Sainte, le P. Pier Luigi Pizzaballa, OFM, qui tous trois représentent la « communauté du Statu Quo ».
Ils accueilleront le pape à la basilique dite du Saint-Sépulcre, en Occident, et de la Résurrection, en Orient.
Le pape s’arrêtera à la « Pierre de l’onction » du Corps du Christ descendu de la Croix. Elle se trouve à l’entrée de la basilique, et elle est particulièrement vénérée des Orientaux. Puis il se rendra au petit édifice abrité par la basilique, lieu du tombeau du Christ, selon une tradition liturgique ininterrompue depuis plus de 2 000 ans, et selon les dernières recherches archéologiques qui ont daté la tombe effectivement du 1er siècle.
Le patriarche Théophilos adressera au pape des paroles de bienvenue. La célébration de la Parole se poursuivra par les lectures, l’alléluia pascal, l’Evangile de la résurrection. Puis le patriarche œcuménique et le pape prendront la parole avant d’échanger le signe de la paix et de prier le Notre Père ensemble.
Ils entreront ensuite dans l’édifice qui abrite le tombeau du Christ et ils béniront les personnes présentes, avant de se rendre au site du Golgotha, qui se trouve en hauteur dans la même basilique, toujours accompagnés des trois chefs des communautés du Statu Quo. Voilà, commente le P. Lombardi « le moment fondamental du voyage ».
Paul VI avait célébré la messe en privé au Saint-Sépulcre. La « grande nouveauté » de ce voyage est donc « œcuménique », ajoute le P. Lombardi, avec la « prière commune au Saint-Sépulcre de Jérusalem », qui sera une « première » dimanche 25 mai : une date « historique »
Il précise : il n’y avait pas eu de « prière publique » de Paul VI et Athénagoras, et cette prière publique de François et Bartholomaios se déroulera « au lieu central foi, avec les autres chrétiens ».
Des représentants chrétiens d’autres confessions seront présents, notamment de l’Eglise réformée ou anglicane.
Le pape et le patriarche oecuménique, se rendront ensuite ensemble au siège du patriarcat latin Jérusalem, toujours dans la vieille ville de Jérusalem – à l’intérieur des Murs de Soliman le Magnifique – pour le dîner.
Le lendemain, lundi 26 mai, le pape se rendra, à 15 h au Mont des Oliviers, à l’église gréco-orthodoxe, pour la quatrième rencontre avec le patriarche Bartholomaios : une visite de courtoisie après la visite du patriarche à la Délégation apostolique, et le moment de prendre congé.
A 16 h, il sera en l’église de Gethsémani, pour rencontrer prêtres et consacrés. Après son discours, le pape plantera un olivier près de celui de Paul VI.
A 18 h, toujours lundi 26 mai, le pape célébrera la messe au Cénacle, lieu de l’institution de l’Eucharistie et du sacerdoce ministériel par Jésus-Christ, où Jean-Paul II avait aussi célébré la messe. Le pape sera entouré des « ordinaires de Terre Sainte ».
On se souvient que ce lieu historique cher à la foi catholique a été au cours de l’histoire d’abord une église, puis une mosquée et aujourd’hui un musée sous juridiction israélienne. Sa restitution à l’Eglise catholique fait partie des négociations en cours avec l’Etat d’Israël.
A 19 h, le pape repartira vers le Mont Scopus, où l’attendra son hélicoptère pour Tel Aviv, où il prendra congé de l’Etat Israël, en présence du président, sans échange de discours. Il est attendu à Rome vers 23 h, heure locale.
Le P. Lombardi précise que le voyage devrait se dérouler dans un climat de « sérénité » et que le pape n’aura pas de voiture blindée.